Zircone et polissage

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°16 - 22 avril 2020 (page 25-28)
Information dentaire
La zircone est devenue un matériau incontournable dans notre profession. Si elle présente des propriétés mécaniques et biologiques intéressantes, elle a aussi des indications et des utilisations précises. Nous nous proposons, dans une courte analyse de différents articles, d’évaluer certains aspects de l’utilisation de ce matériau, notamment l’importance de son polissage lors d’essayage de coiffes tout en zircone (Full Zircon) tant au niveau occlusal pour l’impact sur l’usure des antagonistes qu’au niveau biologique lors de corrections d’émergence.

Questions…

1.  Existe-t-il plusieurs types de zircone avec différentes propriétés mécaniques ou optiques influençant les indications thérapeutiques ?

2. Les coiffes tout en zircone usent-elles plus l’émail des dents antagonistes ?

3. En cas de retouche de la face occlusale, faut-il renvoyer la prothèse au laboratoire ?

4. Le polissage a-t-il une influence sur la biocompatibilité gingivale de la zircone ?

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Réponses : 1 : oui ; 2 : non ; 3 : oui et non ; 4 : non

Question 1

La zircone (ZrSiO4) est un minéral de la famille des silicates. C’est le dioxyde de zirconium (ZrO2), un composé chimique naturel, qui est utilisé en prothèse dentaire. En odontologie, la zircone est généralement considérée comme un matériau tout céramique mais, du point de vue physico-chimique, il s’agit d’un oxyde métallique. La zircone présente plusieurs phases avec une évolution cristallographique selon la température. A température ambiante, et jusqu’à 1 170 °C, sa forme cristallographique est monoclinique. Entre 1 170 °C et 2 370 °C, elle passe sous sa forme tétragonale, puis, à partir de 2 370 °C et jusqu’à son point de fusion, elle est sous forme cubique [1]. Le passage par refroidissement entre les formes monoclinique et tétragonale s’accompagne d’une augmentation volumétrique (de l’ordre de 4,5 %).

On cherche à conserver la zircone sous une forme tétragonale car, dans cette forme, elle présente une dureté très élevée ainsi qu’une bonne résistance aux sollicitations mécaniques. Pour conserver la zircone sous cette forme à température ambiante, des « dopants » (MgO, CaO, Y2O3…) sont introduits. L’yttrium assure une stabilisation partielle et l’enrichissement en aluminium permet d’obtenir des propriétés optimales.

La plupart des zircones utilisées en chirurgie dentaire sont partiellement stabilisées par l’yttrium (Yttria-Tetragonal Zirconia Polycrystal = Y-TZP). Cette forme tétragonale a la capacité de mieux résister aux zones de tension, de stress. Au départ, la zircone la plus utilisée dans notre profession était la 3Y-TZP. En effet, elle présentait d’excellentes qualités mécaniques, notamment pour la réalisation des armatures (fig. 1), mais son opacité la rend peu esthétique. Afin de rendre ce matériau plus translucide, les fabricants ont augmenté la proportion d’oxyde d’yttrium, faisant apparaître la zircone 4Y-TZP puis 5Y-TZP. Cette dernière est très intéressante pour les zones esthétiques, mais n’est pas conseillée pour les armatures des bridges postérieurs [2]. Pour des raisons esthétiques, il existe des zircones dites totalement stabilisées (Fully Stabilized Zirconia, addition d’yttrium Y2O3 > 8 mol %) qui présentent des propriétés esthétiques beaucoup plus importantes, mais des propriétés mécaniques moindres. Il est donc très important de choisir, en accord avec son prothésiste, la zircone adaptée à la situation clinique.

Question 2

L’usure dentaire est un phénomène complexe faisant intervenir différents mécanismes comme l’érosion (dissolution par action chimique), l’abrasion (usure par interposition entre les dents d’un matériau, comme de la nourriture) et l’attrition (usure par frottement entre deux matériaux, par exemple une dent et une couronne antagoniste). On pourrait penser que la dureté des matériaux est l’élément principal dans l’usure par attrition : le matériau le plus dur usant le moins dur. Ainsi, si l’on étudie les valeurs moyennes de dureté de surface, on observe que l’émail a des valeurs se situant aux alentours de 3,5 GPa, la céramique feldspathique de 5 GPa et la zircone de 13 GPa [3]. Le raisonnement voudrait donc que la zircone use par attrition de façon beaucoup plus importante les dents antagonistes. Mais l’usure, phénomène complexe pouvant être à la fois physiologique, pathologique et iatrogène, n’est pas seulement la conséquence d’une différence de valeur de dureté de surface. En effet, différentes études tendent à montrer que la zircone provoque moins d’usure par attrition que, par exemple, les céramo-métalliques [3-5]. Cela s’explique car le phénomène d’usure fait aussi intervenir un autre paramètre correspondant à la rugosité de surface du matériau. Ainsi, la grande résistance à la fracture de la zircone lui permet de conserver de façon plus durable un poli de surface moins source d’usure. Une surface parfaitement polie doit être obtenue lors de la mise en fonction d’une coiffe en zircone.

Question 3

L’ajustage de l’occlusion en prothèse est une étape importante pour assurer la stabilité du système manducateur du patient et la pérennité de la prothèse et des dents antagonistes. Toute anomalie des contacts occlusaux, sous-occlusion, sur-occlusion, interférence ou prématurité, doit être détectée lors des phases d’essayage et corrigée. Si la sous-occlusion implique obligatoirement un retour vers le laboratoire de prothèse pour une adjonction de matériau ou, parfois, une réfection totale de la prothèse, les autres problèmes occlusaux doivent pouvoir se corriger directement au cabinet.

Lorsque les prothèses sont en zircone, ces retouches peuvent présenter certaines conséquences et doivent utiliser une instrumentation adaptée. En effet, la retouche va modifier la structure polie de la surface réalisée par le laboratoire de prothèse. Le passage de fraises pour adapter l’occlusion initie une augmentation importante de la rugosité de surface de la zircone. Si elle n’est pas polie parfaitement, ce dépolissage de la surface de la zircone aura notamment deux conséquences : augmentation de l’usure de la dent antagoniste et initiation d’une zone de fragilisation de la coiffe en zircone. Pour une retouche peu importante, le praticien peut utiliser successivement les fraises ZR850 et ZR379L pour approcher l’occlusion. Une fois les contacts presque obtenus (des points d’occlusion apparaissent sur les dents naturelles adjacentes à la prothèse fixée mais moins dense en couleur), le réglage est affiné avec les fraises bagues rouge et blanche (ZR8850 et ZR 8379L à une vitesse de rotation de 160 000 tours/minutes sous spray). L’occlusion obtenue, le polissage mécanique de surface est fini avec les polissoires (à une vitesse de rotation de 6 000 tours/minutes sous spray) du coffret Komet 4637 (fig. 2). Le temps de polissage est très important pour l’obtention d’un poli miroir [6].

Ce coffret semble donner d’excellents résultats pour redonner une surface compatible avec la préservation de la dent antagoniste et la pérennité de la coiffe zircone [7]. Il est primordial d’utiliser un coffret spécifique à la zircone pour réaliser un polissage performant, les coffrets non adaptés à ce matériau ne permettent pas le résultat escompté en termes de polissage [8]. Ces retouches doivent préférentiellement se faire sous spray, une élévation de température pouvant engendrer une fragilisation de la zircone. Dans le cas où la retouche est importante, il est parfois préférable de renvoyer la coiffe afin que le laboratoire puisse parfaire la zone concernée et pratiquer un polissage très performant. Au laboratoire, le prothésiste peut aussi positionner un vernis appelé glazure censé améliorer l’état de surface en remplissant les stries laissées par un polissage incomplet. Il semble que cette glazure soit peu stable dans le temps ; ainsi, lors de sa dégradation dans le temps, des stries apparaissent, entraînant un état de surface rugueux. Un polissage soigneux semble la meilleure solution après une retouche occlusale d’une coiffe en zircone [9]. Pour cela, les coffrets doivent présenter différentes étapes de polissage (fig. 3a-e) pour permettre de retrouver le polissage initial de la coiffe [10].

Question 4

Le polissage d’une coiffe peut aussi concerner des zones en contact étroit avec les tissus gingivaux, notamment pour corriger un profil d’émergence un peu trop compressif.

La retouche crée une surface rugueuse plus favorable à la rétention du biofilm, donc de la plaque bactérienne, source d’inflammation gingivale (fig. 4a-b). Les retouches de ces zones juxta- ou infra- gingivales de la prothèse doivent être alors soigneusement polies afin de recréer un état de surface de la zircone lui permettant de retrouver ses propriétés de biocompatibilités [11]. Là encore, l’application de la glazure dans une zone en contact avec les tissus gingivaux semble être plus susceptible de retenir la plaque bactérienne que le polissage seul [12, 13].

Conclusion

La zircone, dans ses différentes formes, devient un matériau incontournable en chirurgie dentaire. Ses propriétés mécaniques, associées à un poli de surface, permettent de réaliser des coiffes prothétiques pérennes et respectueuses des dents naturelles antagonistes. En clinique, les retouches occlusales ou d’émergence peuvent être nécessaires, elles doivent alors être suivies par un polissage soigneux et performant, soit par le chirurgien-dentiste, soit par le prothésiste.

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