Mise en charge immédiate peropératoire, importance de la collaboration prothésistes-cliniciens

  • Publié le . Paru dans Stratégie Prothétique n°1 - 15 février 2021
Information dentaire

3es lauréat du grand prix Stratégie Prothétique 2020 avec le soutien institutionnel de Bredent

M. Declercq, Chirurgien-dentiste

B. Detrez Prothésiste dentaire

Le terme « mise en charge immédiate » est utilisé pour un protocole dans lequel une réhabilitation prothétique fixe est reliée aux implants dans les quarante-huit heures suivant la chirurgie. Bien qu’elle soit considérée comme immédiate, cette étape s’avère complexe pour le patient d’un point de vue psychologique, puisque celui-ci se verra édenté les trois premiers jours des suites de l’intervention.

Depuis peu de nouveaux protocoles de mise en charge immédiate per opératoire ont été décrits, tels le Protocole IOP (intra-operatively provisional) [1] ou le Concept STAR (save three acceptable roots) [2], qui se définissent par un flux de travail numérique permettant la mise en place d’une restauration provisoire le jour de la chirurgie dans les cas de réhabilitations complètes implantaires par extraction-implantation immédiate.

En outre, les planifications chirurgicales et prothétiques sont effectuées en amont de l’intervention, permettant aux cliniciens de disposer d’un guide chirurgical pour la mise en place des implants, mais aussi d’un bridge provisoire usiné en résine PMMA (polyméthacrylate de méthyle) sans armature métallique. En effet, sa résistance, l’absence de monomère nocif à la cicatrisation des tissus et l’absence de porosité en font un matériau de choix lors des protocoles de MCI [3].

L’objectif de cet article est de démontrer, au travers d’un cas clinique, l’étroite et exigeante collaboration cliniciens-prothésistes lors des protocoles de mise en charge immédiate per opératoire avec un workflow entièrement digitalisé.

Cas clinique

Le patient de 45 ans, sans antécédents médicaux, fume vingt cigarettes par jour depuis quinze ans. Conscient de son état bucco-dentaire, il consulte pour retrouver une solution fixe, globale et esthétique. Il insiste sur le faire de se concentrer dans un premier temps sur l’arcade maxillaire ; l’arcade mandibulaire fera donc l’objet d’un traitement différé.

Les examens clinique et radiologique panoramique permettent d’objectiver une parodontite chronique généralisée sévère. Les dents maxillaires présentent des mobilités de degré 2 et des poches parodontales de plus de 9 mm ; elles ne sont plus conservables.

Un CBCT grand champ (16 x 9 cm, Smart Green II, Vatech) est réalisé et montre une quantité d’os permettant l’indication des extractions et implantations immédiates [4].

Après traitement parodontal et sevrage tabagique, les différentes options de réhabilitation sont proposées, les avantages et inconvénients exposés. Le patient refuse l’idée d’une prothèse amovible. La solution retenue est la mise en place d’un bridge implantoporté maxillaire immédiat. La prothèse d’usage fixe implantoportée sera réalisée après ostéointegration des implants.

Séquences cliniques

Lors du premier rendez-vous des photographies intrabuccale et de visage sont réalisées, ainsi qu’une empreinte optique pré opératoire du maxillaire, de la mandibulaire et de la position des arcades en OIM. (Scan Flow, Carestream CS3600) (fig. 1).

Les données photographiques et stéréolithographiques (STL) du patient sont envoyées au laboratoire de prothèse, donnant lieu à la réalisation d’un projet prothétique virtuel (wax-up 3D, Exocad) (fig. 2).

Planification implantaire et prothétique

L’objectif de la planification est double :

  • chirurgical, avec la réalisation d’un guide chirurgical à appuis dentaire et osseux. La conservation transitoire de trois dents permet un ancrage optimal du guide chirurgical, l’appui osseux par clavette permet un maintien idéal [2,5] ;
  • prothétique, avec la modélisation et l’usinage du bridge provisoire en amont de l’intervention.

Dans ce cas précis, la décision est de conserver provisoirement les dents 16-26 et 23.

Les fichiers DICOM et STL (empreinte optique de situation, wax-up virtuel) du patient sont importés par le praticien dans le logiciel de planification MSoft (MIS).Le prothésiste réalise les extractions virtuelles des dents via le logiciel Exocad. Ces extractions doivent être réalisées de la manière la plus naturelle possible, afin de modéliser l’intrados du bridge provisoire.

Le STL issu des extractions virtuellement réalisées est importé à son tour, par le praticien, dans le logiciel Msoft. La planification de la position des implants (six implants V3, SP, MIS) est réalisée en fonction du projet prothétique importé dans le logiciel, et des impératifs chirurgicaux [4,6].

Les piliers multi-unit (MUA, MIS) sont également sélectionnés en fonction de la hauteur transgingivale disponible.

Enfin, les clavettes à ancrage osseux sont planifiées (une palatine, et une vestibulaire).

À ce stade, le guide chirurgical est confectionné.

Le projet implantaire (fichier STL avec les scans body virtuels) est alors transmis au laboratoire de prothèse et exporté dans le logiciel Exocad (fig. 3).

Le prothésiste réalise le bridge provisoire à l’aide du wax-up virtuel et du projet implantaire (fichier STL avec scan body virtuel).

La finition du bridge provisoire consiste en la réalisation de perforations du bridge à deux niveaux :

  • perforations occlusales en regard des piliers MU, permettant sa mise en place sans interférer avec les cylindres provisoires connectés au multi-unit ;
  • perforations en regard des faces vestibulaires pour la solidarisation du bridge provisoire.

Le guide chirurgical est imprimé, puis les sleeves (longueur 7 mm, diamètre standard, MIS) sont collées (fig. 4).

Le bridge provisoire est usiné en résine PMMA à partir d’un bloc multicouche (breCAM.resin B, Bredent) avec une machine CORiTEC 350i (cinq axes).

Procédure chirurgicale et prothétique

La procédure chirurgicale et prothétique suit les étapes suivantes :

  • avulsions stratégiques (14,11,21,22,25) ;
  • mise en place du guide chirurgical et forage des clavettes (Trousse Mguide, MIS) ;
  • sous-préparation des sites implantaires pour obtenir la meilleure stabilité primaire.
  • pose de six implants (V3, MIS) puis mise en place des piliers MUA (torque : 30 Ncm) (fig. 5) ;
  • positionnement des cylindres provisoires sur MUA et réduction occlusale des cylindres ;
  • placement du bridge provisoire (rendu possible grâce aux perforations occlusales) ;
  • solidarisation en occlusion du bridge provisoire aux cylindres provisoires (composite flow) ;
  • finition et polissage du bridge provisoire à l’Unifast (GC), serrage à 15 Ncm ;
  • contrôle radiologique (panoramique) (fig. 6) ;
  • contrôle et réglage occlusal si nécessaire ;
  • mise en place du Téflon dans les puits d’accès, puis obturation par composite flow (fig. 7 et 8).

Conclusion

La mise en charge immédiate per opératoire est une technique fiable et reproductible lorsque l’indication est bien posée. Ses principaux avantages peuvent se résumer comme suit : diminution du nombre d’intervention, intérêt psychologique (réponse immédiate à la demande du patient), préservation de l’architecture osseuse, une gestion immédiate des tissus mous péri implantaire [1,2]. Ce protocole permet aux patients de passer d’une dentition défaillante à une reconstruction fixe sur implants le même jour avec peu d’inconfort. Néanmoins, cela demande une méthodologie exigeante nécessitant une maîtrise de l’outil numérique et une collaboration parfaite entre cliniciens et prothésistes dentaires.

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