QUESTIONS
1/ Quels paramètres faut-il prendre en compte pour l’élaboration d’une stratégie thérapeutique efficace ?
2/ L’éviction totale des tissus carieux est-elle absolument nécessaire lors du débridement des lésions carieuses ?
3/ De quels instruments disposons-nous pour mettre en œuvre une éviction carieuse sélective ?
1/ La prise en charge d’un patient avec une ou plusieurs lésions carieuses nécessite de respecter quatre étapes :
– évaluation du risque carieux lié au patient (ou risque carieux individuel, RCI). Il faudra observer et trouver chez le patient des indices tels que : son historique, une mauvaise hygiène orale, un comportement alimentaire néfaste et une consommation de boissons acides et sucrées, un mauvais suivi dentaire, une expérience carieuse familiale, des apports topiques en fluor insuffisants. Sont alors déterminés des patients à haut risque carieux et des patients à faible risque carieux ;
– diagnostic des lésions carieuses. Les deux points importants à évaluer sont l’activité de la lésion carieuse, qui pourra être estimée cliniquement par l’observation de la lésion, et sa sévérité, qui pourra être mise en évidence grâce à la classification clinique ICDAS (International Caries Detection and Assessment System) (fig. 1) [1] et à la classification radiographique ;
– jugement clinique : chaque praticien, au regard de son mode d’exercice, du patient, de son expérience, de son équipement et de sa pratique, déterminera raisonnablement le cheminement thérapeutique souhaitable ;
– réalisation d’une prise en charge personnalisée. La réflexion préinterventionelle aura pour but la préservation de la vitalité pulpaire, des tissus dentaires et une prise en charge efficace à long terme (fig. 2) [2].
2/ L’éviction carieuse est le second enjeu après la mise en place du champ opératoire (digue) et c’est l’élément déterminant de la stratégie restauratrice postérieure.
La gestion des lésions carieuses moyennes à profondes (ICDAS 4 à 6) nécessite une prise en charge opératoire qui devra se faire a minima [3].
Plusieurs approches peuvent être employées :
– l’éviction carieuse complète (non sélective) : élimination de l’intégralité des tissus carieux sans distinction et sans évaluation de la profondeur de la lésion jusqu’à l’obtention d’une dentine dure ;
– la technique stepwise (SW) – coiffage pulpaire indirect : élimination sélective des tissus infectés en conservant de la dentine molle, avant la mise en place d’un matériau de temporisation. Une réintervention sous 6 à 12 mois permettra d’enlever la dentine molle jusqu’à obtention d’une dentine solide (ferme). Cette technique présente un intérêt notamment en cas de symptomatologie pulpaire (pulpite réversible) ;
– l’éviction carieuse partielle (sélective) : élimination de la dentine molle jusqu’à obtention d’une bande périphérique de dentine solide (ferme) sans atteinte des zones juxta-pulpaires [4].
L’éviction complète n’est plus recommandée de nos jours en raison du pouvoir de régénération de la dentine une fois isolée de l’environnement oral par une restauration étanche. Le paradigme actuel recommande de prendre en charge les lésions carieuses et de contrôler l’activité des lésions existantes afin de préserver au maximum la vitalité pulpaire, les tissus durs et les structures dentaires sur le long terme [5].
Les restaurations ne doivent être envisagées que quand les lésions cavitaires sont avancées (ICDAS 4 à 6). L’éviction des tissus carieux doit suivre plusieurs priorités : préserver les tissus sains et reminéralisables, permettre une restauration étanche, conserver la vitalité pulpaire et assurer un succès thérapeutique de la restauration. L’éviction carieuse ne devient alors que l’instrument d’une restauration s’inscrivant dans le long terme. Les tissus contaminés ou déminéralisés à proximité de la pulpe ne doivent plus être retirés [2, 3].
La gestion des caries profondes (ICDAS 5 et 6) avec des sensibilités pulpaires doit se concentrer sur la préservation de la vitalité pulpaire, alors que celle des lésions modérément profondes (ICDAS 4) doit se focaliser sur la pérennité de la future restauration. Les lésions modérément profondes doivent donc être traitées via l’éviction partielle (sélective) et les lésions profondes préférentiellement par l’éviction partielle (sélective) ou, de façon optionnelle, par la technique stepwise [2] (fig. 3 et 4).
3/ Plusieurs instruments simplifient les techniques opératoires et les rendent reproductibles :
LES excavateurs traditionnels (EX), fraises en carbure de tungstène (CT), fraises en céramique (CB) (fig. 5), air-abrasion, sono-abrasion et des solutions d’excavation chémo-mécaniques (enzymatiques ou à base d’hypochlorite de sodium) [6, 7].
L’utilisation de l’excavateur seul est à proscrire car il présente le potentiel micro-invasif le plus faible, le praticien ayant une mauvaise sensibilité tactile et des difficultés à déterminer la différence entre dentine molle et dentine solide (ferme) [8].
Aucune différence significative n’a été notée quant à l’efficacité d’excavation des autres systèmes (CT, CB, sono-abrasion, solutions chémo-mécaniques) [6, 7].
Les CB ont le ratio (carie résiduelle/carie initiale) le plus faible (soit le meilleur ratio), une partie plus importante de dentine minéralisée au niveau du plancher de la cavité et un meilleur potentiel micro-invasif [8]. Elles permettent aussi un traitement de la lésion plus rapide qu’avec une fraise CT traditionnelle [6].
Les CB constituent dans la pratique quotidienne une bonne alternative (meilleure longévité, biocompatibilité, moins de corrosion) aux fraises traditionnelles CT [6, 8].
Conclusion
L’éviction des tissus carieux est un enjeu capital dans l’approche moderne de la dentisterie restauratrice. Elle doit permettre non seulement la préservation de la vitalité pulpaire, la préservation des tissus durs, mais aussi la réalisation de restaurations s’inscrivant dans le long terme. L’attitude thérapeutique appropriée suit un modèle simple et facilement réalisable dans notre pratique quotidienne. La littérature ne met pas en avant un système d’excavation supérieur à un autre, mais nous recommande l’abandon de certaines techniques. L’approche clinique sera donc essentiellement praticien-dépendante.
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