La greffe épithélio-conjonctive : incisions et sutures pas à pas

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  • Publié le . Paru dans Réalités Cliniques n°2 - 15 juin 2022 (page 67-74)

Cet article fait partie du dossier : JIP 2024 : Parodontologie

  • Sous l'égide de L'Information Dentaire Parodontologie Implantologie Orale
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Information dentaire
La Greffe épithélio-conjonctive (GEC) est une technique de chirurgie plastique parodontale qui présente de nombreuses indications : approfondissement vestibulaire, renforcement et recouvrement radiculaire, modification du phénotype parodontal autour des dents ou des implants [1-3], avant ou après traitement orthodontique [4]. Il s’agit d’une technique avec un grand recul clinique [5] et qui est prédictible lorsque son indication est bien posée [6].

Après une désinfection exobuccale et endobuccale à la povidone iodée, une anesthésie traçante para-apicale 1/100 000 d’articaïne est réalisée au niveau du site receveur et au niveau palatin. Un surfaçage manuel des racines exposées est réalisé avec des curettes de Gracey afin de préparer la surface radiculaire à recevoir la greffe. (fig. 1)

Incisions

Préparation du site receveur [7]

La préparation du site receveur repose sur la dissection en épaisseur partielle pour assurer la vascularisation du greffon et son immobilisation. Les incisions sont réalisées en épaisseur partielle et non au contact osseux.

Première incision horizontale (lame MJK BW002® ou lame 15C Swann-Morton®)

La première incision horizontale se situe en tissu kératinisé à 3 mm de part et d’autre de la zone à traiter afin de permettre une vascularisation suffisante du site. Elle se poursuit par une incision intrasulculaire de la ou les dents concernées par la greffe afin d’éliminer le tissu kératinisé.
Concernant les dents adjacentes à la zone traitée, une distance de sécurité d’au moins 2 mm vis-à-vis du sulcus doit être respectée afin d’éviter l’apparition de récessions secondaires sur les dents voisines.

Incisions verticales (lame MJK BW002® ou lame 15C Swann-Morton®)

Deux incisions verticales proximales en direction apicale formant un angle avec la première incision sont poursuivies au-delà de la ligne muco-gingivale formant ainsi un rectangle. Les angles coronaires peuvent être préparés par une incision en biseau afin d’augmenter la surface d’échange conjonctive et limitant la présence d’une cicatrice (fig. 2a).

Dissection jusqu’à la ligne muco-gingivale (lame MJK BW002® ou lame 15C Swann-Morton)

La dissection du lambeau devra débuter par un angle proximal en déplaçant la lame en direction apicale parallèlement à la surface osseuse afin de laisser le périoste en place. L’élimination éventuelle d’un frein iatrogène ou bride est réalisée à cette étape chirurgicale.

Dissection au-delà de la ligne muco-gingivale (lame 15C Swann-Morton®)

La dissection se poursuit au-delà de la ligne muco-gingivale en intégrant l’axe et la courbure éventuelle de la mandibule afin de garder la position de la lame parallèle à l’os (fig. 2b). Le but étant de désinsérer partiellement certaines fibres musculaires.

Élimination du lambeau à sa base

Une fois la dissection terminée, le lambeau muqueux est éliminé à la lame ou aux ciseaux à gencive. Il faut à ce moment éliminer toutes les fibres élastiques et musculaires afin d’obtenir un lit périosté immobile libre de toute tension/traction. La vérification s’effectue par mobilisation de la lèvre inférieure (fig. 2c).

Prise des dimensions et réalisation du patron

La taille du greffon nécessaire est mesurée à l’aide d’une sonde parodontale graduée PCP UNC 15 en longueur et en hauteur. Dimension du greffon : dans le sens horizontal, il s’agit de la largeur du lit receveur ; dans le sens vertical, il s’agit idéalement de la distance entre les jonctions amélo-cémentaires des dents et la base de la récession la plus haute augmentée de 2 à 3 mm, qui doit être mise en relation avec la hauteur disponible au palais (fig. 2d). Le patron est essayé sur le site receveur pendant une traction importante des lèvres afin de s’assurer de son immobilité, condition obligatoire à la prise de la greffe (fig. 3a).

Une compresse imbibée de sérum physiologique est positionnée sur le site receveur pendant la suite des étapes.

Prélèvement du greffon sur le site donneur

Choix du site donneur

La muqueuse masticatrice palatine présente une qualité et une quantité suffisante de tissu kératinisé. Le foramen grand palatin est considéré se situer au niveau du changement de courbure du palais (entre la partie horizontale et la partie verticale) et distal à la deuxième molaire maxillaire. Un sondage des dents adjacentes à la zone de prélèvement est nécessaire afin de ne pas créer de récessions palatines sur les dents concernées. La zone de choix se situe entre la canine maxillaire et la face mésiale de la première molaire maxillaire pour éviter l’atteinte de l’artère palatine [8]. À noter que le prélèvement épithélio-conjonctif étant peu profond, le risque de léser l’artère palatine reste limité. Sa localisation peut être repérée grâce à la gouttière palatine facile à palper pour objectiver la hauteur de tissu disponible.

Positionnement du patron sur le site

Le patron est positionné sur le site donneur en fonction des obstacles anatomiques (papilles bunoïdes, foramen grand palatin). Il est maintenu à l’aide d’un décolleur ou de précelles (fig. 3b).

Incisions horizontales et verticales

Les incisions sont réalisées à la lame 15 Swann-Morton® neuve. La première incision est horizontale, la plus proche des collets des dents maxillaires. La lame pénètre de 2 mm dans la muqueuse palatine, puis poursuit par deux incisions verticales correspondant à la hauteur du greffon nécessaire (fig. 4a). Enfin, la dernière incision est horizontale, la plus proche du raphé médian. Cela permet de délimiter les contours du futur greffon. Le patron peut être retiré à ce moment (fig. 4b).

Dissection du greffon épithélio-conjonctif

L’épaisseur du greffon préconisé est de 1,5 à 2 mm pour sa partie reposant sur les racines dénudées tandis que l’épaisseur sera plutôt de 1 mm dans sa portion apicale reposant sur le lit périosté. La lame 15 est replacée dans le premier trait d’incision coronaire puis orientée parallèlement à la surface de la muqueuse palatine, à l’épaisseur voulue en profondeur (fig. 5). La partie la plus épaisse sera prélevée dans la portion la plus proche des dents.

Sutures [7]

Sutures du site donneur

Protection de la plaie par une compresse hémostatique en cellulose

Immédiatement après le prélèvement, le greffon est déposé dans une cupule remplie d’eau stérile pendant la suture du site donneur. Puis le site donneur est comprimé avec une compresse imbibée de sérum physiologique. Le patron peut être utilisé afin de calibrer et d’obtenir la dimension exacte du matériau hémostatique (Surgicel®, Ethicon) qui sera mis au palais sur le site donneur (fig. 6a).

Points en croix des berges par-dessus la compresse avec du Vicryl® 4-0

Des points en croix sont réalisés au fil tressé résorbable de gros diamètre 4-0 avec aiguille 1/2 cercle de 13 à 18 mm (Vicryl® 4-0, Ethicon). Le nombre de points de suture dépend de la longueur du greffon. La technique consiste à réaliser un point matelassier horizontal de part et d’autre du site donneur afin de former la croix qui servira de treillis au caillot et au matériau hémostatique (fig. 6b-c). Lorsque les sutures sont terminées, une compression est réalisée afin d’inspecter le site donneur à la recherche de saignements, puis une gouttière thermoformée ou en résine est positionnée et ne sera pas retirée pendant les 48 premières heures.

Sutures du greffon sur le site receveur

Le greffon est éventuellement toiletté (élimination d’un excès de tissu adipeux à la lame 15 neuve ou aux ciseaux à gencive). Les sutures sont réalisées au fil monofilament non résorbable 5-0 ou 6-0 avec aiguille de 3/8e de cercle de 13 à 18 mm (Prolène® ou Ethilon®, Ethicon).

Deux points simples proximaux de stabilisation du greffon en tissu kératinisé ou points de positionnement latéral

Le greffon est d’abord positionné sur le site receveur et les manœuvres de mobilisation labiales et jugales sont répétées afin de vérifier l’immobilité du greffon sur son lit (fig. 7). Le greffon est suturé par un point en « O » avec un premier impact dans le greffon puis en tissu kératinisé (fig. 8a-b). Ce point sera réalisé en mésial puis en distal du site receveur.

Ces points pourront être complétés par un deuxième point identique en fonction de la taille du greffon. Le but est d’arrimer l’angle du greffon à de la gencive attachée adjacente.

Points en « O » papillaires en commençant par le milieu du site

Un premier point papillaire est effectué au niveau de la papille centrale du site receveur, l’aiguille pénètre en premier le greffon puis ressort en base de papille vestibulaire. Enfin des points identiques au niveau de chaque papille concernée sont réalisés. Ces points permettent une coaptation du greffon dans sa portion coronaire (fig. 9).

Points périostés suspendus autour des dents

Des sutures suspendues autour du collet dentaire et fixées au périoste au fond du vestibule assurent le placage vertical du greffon sur son lit périosté et radiculaire.
La technique consiste à réaliser un matelassier horizontal au niveau du périoste du lit receveur apicalement au greffon (fig. 10a). Une manœuvre de traction du fil est réalisée afin de s’assurer que le fil est ancré au périoste (fig. 10b). L’aiguille est passée sous le point de contact par le chas puis fait le tour de la dent, l’aide opératoire maintient le fil dans le sulcus lingual à l’aide d’un décolleur pendant que l’opérateur réalise son nœud qui doit se trouver au milieu du greffon (fig. 10c).

Un point suspendu périosté est réalisé autour de chaque dent concernée par la greffe (fig. 11). Une forte compression digitale de 5 minutes sur une compresse imbibée de sérum physiologique est exercée sur le greffon afin de réduire l’épaisseur du caillot interposé entre le lit receveur et le greffon et de faciliter les échanges vasculaires pour limiter une nécrose et potentialiser les chances de succès (fig. 12). Les conseils et ordonnances postopératoires sont remis au patient [9].

CONCLUSION

La réussite de cette technique est liée à trois objectifs reposant sur les incisions et sutures : l’immobilisation du greffon lors des mouvements oro-faciaux, l’adaptation parfaite du greffon au site receveur et la revascularisation la plus précoce possible du greffon.
Les sutures seront déposées entre 10 et 14 jours suivant la chirurgie (fig. 13). 

Vidéo 1 : IPT step by step

https://bit.ly/3mtYS8E

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