Sarah Koutala va laisser ses patients de l’hôpital de Mayotte pour s’occuper des athlètes installés au village olympique. Nous l’avons interviewée juste avant qu’elle monte dans l’avion pour rejoindre la Métropole. Les Jeux paralympiques s’ouvrent demain, le 28 août.
Comment vous sentez-vous à quelques heures du coup d’envoi de votre « épreuve » ?
J’ai très hâte ! Je suis impatiente de découvrir le village olympique, la clinique du village, et de vivre l’ambiance des Jeux. J’ai 35 ans, c’est ma première expérience olympique, enfin paralympique. Ce sera peut-être, sûrement la seule, alors…
Vous serez affectée au village olympique, là où les athlètes sont logés. Quel sera votre rôle ?
Je travaillerai aux côtés des médecins et des personnels soignants. Ce sera un travail de dentiste classique, au quotidien. Il s’agira de faire des diagnostics, de traiter des urgences. Les athlètes peuvent aussi prendre rendez-vous pour des détartrages, des soins. On a eu une formation en ligne où on nous a présenté le matériel, tout ce qui était à disposition.
Abordez-vous cette mission de la même manière que votre quotidien à Mayotte ?
Disons qu’à Mayotte, on gère énormément d’urgences. A Paris, je pense que ça sera un petit peu plus léger que ce que je vis ici tous les jours.
Racontez-nous. Comment devient-on dentiste pour les Jeux ?
Début 2023, je suis tombée sur une annonce postée sur un groupe Facebook. Ils cherchaient des dentistes pour les Jeux olympiques. Bon, ce n’est pas quand même pas tous les ans que les Jeux se déroulent en France. Alors j’ai cliqué sur le lien et j’ai répondu à un très long questionnaire. Ca m’a pris entre trente et quarante-cinq minutes. Je devais expliquer qui j’étais, mon parcours, mon lien avec le sport, si j’en pratiquais…
Et ensuite ?
En septembre 2023, je reçois un mail qui m’annonce que ma candidature a été retenue. On me proposait des missions bénévoles de remplacement pour les Jeux olympiques et pour les Jeux paralympiques. J’ai choisi les Jeux paralympiques. Cela correspondait mieux à mon profil. A Mayotte, c’est moi la référente handicap de mon service, je soigne beaucoup d’enfants en situation de handicap. J’interviens auprès de structures médico-sociales. Je réalise des dépistages et si les patients ont besoin de soins, je les revois ensuite à l’hôpital.
Depuis quand êtes-vous dentiste ?
J’ai été diplômée en 2014 à la faculté dentaire de Clermont-Ferrand. J’ai fait d’abord cinq années en libéral. Puis en 2019, je suis rentrée à Mayotte.
Vous êtes née à Mayotte ?
Non, je suis née à Sarreguemines, en Moselle. Mais j’ai grandi à Mayotte. J’y ai passé une partie de mon enfance et de mon adolescence. J’ai eu mon bac là-bas. Mais comme il n’y a pas la possibilité d’y poursuivre des études médicales, j’ai dû revenir un temps en Métropole.
Que représentent les Jeux pour vous ?
Ça m’évoque des souvenirs d’enfance. Petite, c’était Marie-José Pérec à fond. Avec mon père, je me souviens, c’était la référence. Et puis le sport, les Jeux, ça réunit les gens. On l’a vu pendant les JO, tout le monde était à fond. La ferveur était partout à Mayotte. Un athlète mahorais concourait aux JO, Raphaël Mohamed, arrivé jusqu’en demi-finale de 110 mètres haies. Lorsqu’il est rentré, il a eu droit à un incroyable comité d’accueil !
Etes-vous vous-même sportive ?
J’ai fait de l’athlétisme plus jeune, époque collège-lycée. J’ai même été championne de Mayotte et de La Réunion sur 1 000 mètres. Aujourd’hui je m’entretiens à la salle de sport.
A Paris, aurez-vous le temps de profiter des épreuves ?
Je vais tout faire pour ! L’organisation doit nous inviter à des épreuves. Je suis en train de regarder en fonction de mon emploi du temps quand je pourrais aller sur des sites.
Un sportif débarque aux Jeux avec des objectifs. Quels sont les vôtres ?
Honorer ce challenge nouveau et pas commun. Et puis je veux en profiter pour parler de Mayotte, du fait qu’on a des énormes besoins médicaux. Peut-être que certains seront motivés ensuite pour venir travailler avec nous à l’hôpital ? Ce serait génial, et on en a vraiment besoin… Dans ma valise, j’ai glissé un petit calot avec un tissu avec des fleurs caractéristiques de Mayotte.
Propos recueillis par Alban Guilon
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