La vie d’un chroniqueur, fut-il gastronomique, n’est pas comme un long fleuve tranquille, contrairement à ce que certains pourraient penser. Les choix qu’il peut faire ne relèvent pas des lois du mouvement brownien. Parvenir à débusquer la bonne adresse demande une technique éprouvée. Ce pourrait être celle des abeilles, antennes au vent, flairant au gré de leurs envies les effluves d’un pollen tentateur. Trop aléatoire. Ce pourrait aussi être celle des affidés des réseaux sociaux compulsant les sites dédiés aux restaurants pour en arriver à se demander si toutes les personnes postant des avis ont bien fréquenté le même restaurant. Trop déprimant. Ce pourrait enfin être celle des professionnels qui arpentent à longueur d’année le pays pour dénicher des pépites et proposer des informations aussi alléchantes qu’abondantes, vantant un jour l’exotisme des sushis, un autre les vertus du sans gluten, un troisième l’élégance des grandes tables ou l’euphorie de la cuisine bistrotière pour finir par la subtilité de la cuisine asiatique revisitée. Trop pléthorique. Et pourquoi pas, elle en vaut bien d’autres, celle consistant à faire appel aux amis, à vos amis qui, suivant leurs goûts, leurs soucis, leur humeur, vous entraîneront dans des galères peut-être, des fiascos parfois, mais vous épateront aussi, pourquoi pas.
Et puisque d’amitié nous parlions, c’est par la grâce de celle-ci que figurent ici deux adresses. Elles sont aussi différentes que deux sœurs peuvent l’être, mais elles ont la sincérité en commun. La première a été baptisée Le Cappiello, parapluie en italien, hommage de Justine, la chef, à son grand-père qui en fabriquait. L’autre a pour nom La Contre-Allée. Et si tous les chemins mènent à Rome, celle-là, peut-être, vous mènera au Paradis.
Le Cappiello
Midi : entrée + plat ou plat + dessert avec café : 18 € ;
entrée + plat + dessert + café : 24 €.
Soir : entrée + plat + dessert : 34 € ; carte : 39 €.
Le cadre. Dans une rue un peu perdue du 15e arrondissement, ce restaurant proche de La Motte-Piquet Grenelle ne fait pas dans l’esbroufe. La devanture joue la sobriété. On entre de plain-pied dans une salle aux larges baies vitrées, claire et avenante, tables nappées de blanc suffisamment espacées pour converser tranquillement, chaises très confortables recouvertes de cuir, parquet cérusé dans les gris.
L’accueil. Ce jeune couple est aussi attendrissant que les amoureux de Peynet. Justine est en cuisine, tout de modestie et de talent ; Camille en salle, chaleureux et compétent.
Les entrées. Toast de sardines fraîches grillées à la plancha, pâte feuilletée, brunoise de pommes alliacées : les sardines qui paressent sur une pâte feuilletée ont été snackées, elles sont croustillantes à l’extérieur tout en gardant leur moelleux, la brunoise (ail nouveau, radis noir, citron vert) donne un coup de fouet très plaisant à ce plat. Raviolis de la mer : juste cuisson de ces raviolis tendres à souhait, la farce au gorgonzola donnant de la pugnacité à ces pâtes, les saveurs d’une crème de moules en réduction et des pousses d’épinard en sont le bouquet final.
Les plats. Les fameuses pépites du Cappiello : en fait, ce sont des cuisses de poulet enrobées de panure et servies avec une sauce au miel et des herbes pimentées, le plat s’avère un peu décevant, car la chair de ce poulet, malgré sa tendreté, reste fade, un peu étouffée par la panure en dépit d’une sauce au miel de caractère. Un écrasé de pommes de terre d’enfer sauve le plat. La pasta : tagliatelles fraîches maison. Belle cuisson des pâtes (al dente), mais ce qui fait la réussite de ce plat est sans conteste la présence des calamars sautés associés à un jus de crustacés aux saveurs marquées.
Les desserts. Oui j’ai copié Massimo Bottura (chef étoilé à Modane), allusion au dessert phare de ce pâtissier, est une tarte au citron déstructurée. Arrive sur votre assiette un spectacle qui évoque les ravages d’une éruption du Vésuve, désolation de débris éparpillés de pâte brisée nappée d’une sauce au citron. Débâcle ? Non ! Miracle ? Oui ! Dégustez-la les yeux fermés, vous n’y verrez que du feu. Bel équilibre dans le dosage du citron, ni trop acide ni trop discret. Feuilleté sucré, crème montée caramel chocolat, crème vanille : petits cylindres appétissants, belle texture du chocolat couronnée par un onctueux caramel. Crème vanille savoureuse.
Nous avons bu lors de ce repas un Chardonnay Pays d’Oc 2015 d’une belle minéralité pour enchaîner sur un Pinot Noir Val-de-Loire 2015 aux arômes délicats.
59 rue Letellier, Paris 15e – Métro Avenue Émile Zola, La Motte-Picquet Grenelle
Tél. 09 83 31 80 86 – Fermé dimanche, lundi et mardi midi
La Contre-Allée
Formules : entrée + plat ou plat + dessert : 33 € – Entrée + plat + dessert : 39 € – Carte de 50 à 60 €.
Le cadre. À deux pas de la place Denfert-Rochereau, donnant sur la contre-allée de l’avenue du même nom (d’où l’enseigne), la devanture de ce restaurant tout en vitres encadrées de noir ne manque pas d’allure. Deux belles salles au décor sobre dans des teintes rouge orangé, banquettes et chaises confortables, tables suffisamment espacées en font un lieu des plus cosy.
Les entrées. Tartine d’os à moelle rôtie, persillade et piment d’Espelette : belle tartine généreusement garnie de moelle titillée par un piment bien dosé et cette persillade. Velouté crémeux de chou-fleur et noisettes : enchantement des papilles pour ce plat dont l’intitulé se suffit à lui-même, le croquant des noisettes faisant diversion dans l’assiette.
Les plats. Aile de raie pochée, embeurrée de poireaux et chorizo, émulsion de chorizo : chair très goûteuse de cette raie à la cuisson parfaite et qui semblait déployer ses ailes sur une embeurrée de poireaux fondants à souhait, un chorizo bienvenu, croustillant et émoustillant. Cocotte d’épaule d’agneau braisé, haricots cocos de Paimpol, concassée de tomates et basilic : fondante épaule se lovant sur un lit de cocos tendres et moelleux, la concassée de tomates et basilic apportant une note méridionale et imprévue à ce plat.
Les desserts. Le Mont-Blanc aux marrons et sa crème glacée : présentation originale en petites boules fiérotes alternant le blanc et le marron pour en justifier l’appellation avec une meringue servie en bâtonnets, douceur exquise d’une crème glacée. Baba au rhum : mais que demande-t-on à un baba au rhum : d’être moelleux, d’être aérien, d’être généreusement imprégné de rhum, d’avoir pour compagnie une belle Chantilly ? Il avait tout ça, comment se plaindre ?
Un Pic Saint Loup 2015 long en bouche et aux tanins élégants nous a généreusement accompagnés tout au long de ce repas : le petit Jésus en culotte de velours. Vous voyez que le Paradis n’est pas loin !
83 avenue Denfert-Rochereau, Paris 14e – Métro Denfert-Rochereau
Tél. 01 45 54 99 86 – Fermé samedi midi et dimanche
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