Transmission du Covid-19 et soins dentaires

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°14 - 8 avril 2020

Cet article fait partie du dossier : Covid-19

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Information dentaire
Article analysé : Peng X, Xu X, Li Y, Cheng L, Zhou X, Ren B. Transmission routes of 2019-nCoV and controls in dental practice. Int J Oral Sci 2020 3 ; 12 (1) : 9.

Le 16 mars 2020, dans la foulée des mesures gouvernementales de restriction destinées à limiter la propagation du Covid-19 (Corona Virus Disease 2019), le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes a demandé à l’ensemble des praticiens de fermer les cabinets dentaires de ville, puis a organisé un système de gardes pour assurer les urgences dentaires, tandis que les services hospitaliers se sont également réorganisés. Quels sont les mécanismes de transmission de ce coronavirus (SARS-CoV-2) et les moyens ou mesures de protection médicales applicables dans le cadre des soins dentaires dans cette période épidémique ?

Les auteurs de cet article répondent à cette question à l’appui des recommandations de la Commission Nationale pour la Santé de la République Populaire de Chine en la matière. Ils expliquent d’abord que la transmission du virus peut être directe avec le tractus respiratoire par inhalation de gouttelettes issues de toux ou d’éternuement, mais aussi par contact avec les muqueuses buccale, nasale ou oculaire. Il peut ainsi être transmis directement, mais aussi indirectement par la salive dans laquelle le virus vivant est présent. Les chirurgiens-dentistes et leurs patients sont ainsi particulièrement exposés, notamment par l’inhalation d’aérosols et de gouttelettes produits par les instruments rotatifs et qui, mélangés à la salive et au sang de patients infectés, peuvent aussi entrer en contact avec les muqueuses précédemment citées. Ceux-ci peuvent rester en suspension assez longtemps avant de retomber sur les surfaces environnantes qui deviennent alors aussi des sources de contamination par contact indirect, de même que l’instrumentation employée pour les soins. Leur première recommandation en matière de prévention concerne la sélection des patients par une prise de température à l’aide d’un thermomètre frontal sans contact et un questionnaire spécifique portant sur les 14 derniers jours, période d’incubation maximale du virus. Les questions concernent des épisodes fébriles ou symptômes respiratoires ou encore des contacts avec des personnes considérées à risque du fait de leurs symptômes ou de leur provenance. Une seule réponse positive indique le report des soins 14 jours après l’exposition et la mise en quarantaine du patient à domicile tandis qu’une température supérieure à 37,3 °C oriente directement le patient vers un service spécifique Covid-19.

Seuls les patients ayant répondu non à toutes les questions et dont la température est inférieure à 37,3 °C sont pris en charge en évitant autant que possible les procédures génératrices d’éclaboussures ou d’aérosols. Les auteurs insistent ensuite sur l’importance du lavage des mains pour tous, évoquant aussi une transmission féco-orale du virus. Il est rappelé qu’avant et après tout contact avec un patient ou l’environnement, les praticiens doivent éviter au maximum de toucher leurs propres yeux, bouche ou nez durant leur vacation. Les équipements de protection recommandés pour l’ensemble du personnel de la clinique sont une tenue médicale spécifique (blouse), des lunettes ou une visière de protection, un masque chirurgical à usage unique de même que des gants en latex (ou en nitrile) et une charlotte. À un deuxième niveau de protection, les praticiens doivent porter en plus une surblouse à usage unique. En cas de suspicion de Covid-19, et si des soins ne peuvent être reportés, le praticien doit porter en plus une surblouse spécifique et des surchaussures étanches. Par ailleurs, un bain de bouche préopératoire au péroxide d’hydrogène à 1 % ou à la povidone iodée à 0,2 % est recommandé pour réduire la charge virale dans la salive (la chlorhexidine n’ayant aucun effet sur le coronavirus, cependant sensible à l’oxydation). L’usage d’un champs opératoire (digue) est aussi fortement recommandé pour tout acte avec aérosolisation, de même que l’usage de rotatifs équipés de valves anti-retour pour éviter les contaminations croisées par aspiration de fluides dans ces instruments. Les auteurs insistent par ailleurs sur le nettoyage des surfaces selon un protocole strict dans les espaces de soins, bien sûr, mais aussi dans les espaces communs où poignées de porte, chaises et bureaux doivent être régulièrement désinfectés. Enfin les déchets de patients COVID19 suspectés ou confirmés doivent être éliminés dans des sacs jaunes à double parois soigneusement ligaturés.

Questions à

Éric Mortier, PU-PH à l’Université de Lorraine
et chef du service d’odontologie du CHRU de Nancy

« Les adultes et les enfants ne sont pas pris en charge sur le même site »

Alexandre Baudet, AHU en santé publique odontologique à l’Université de Lorraine, en affectation temporaire (Covid-19) à l’équipe opérationnelle d’hygiène du CHRU de Nancy

« Pour tout soin avec production d’aérosols, l’appareil de protection respiratoire FFP2 est alors indiqué pour protéger le praticien »

Éric Mortier, comment avez-vous réorganisé le service d’odontologie et l’accueil des patients pendant cette période épidémique et de confinement ?
Le service a été réorganisé en accord avec les instructions institutionnelles du CHRU de Nancy : déprogrammation et report des soins non prioritaires, régulation téléphonique et physique à l’accueil du service pour une prise en charge des seules urgences infectieuses/traumatiques/douloureuses. Un véritable tri des patients est donc opéré grâce à un questionnaire rédigé et validé de façon collégiale par les équipes nancéiennes du service d’odontologie. L’idée motrice a également été, dès le début de la crise, de mobiliser au plus juste le nombre de personnels requis – ni trop, ni trop peu – pour faire face aux besoins en soins de la population tout en veillant à consommer avec raison les équipements de protection.

Quelles sont les mesures de protection appliquées pour les patients et pour les soignants ?
Une liste exhaustive d’actes médicaux nécessitant le port d’appareils de protection respiratoire (APR) FFP2 a été établie par la direction du CHRU : les soins dentaires avec aérosolisation y ont été inscrits dès le début de la crise. Dans ce cadre, les praticiens assurant en binôme les prises en charges des patients sont donc dotés d’APR FFP2, de sur-blouses à usage unique, de lunettes et bien évidemment de gants. Les patients, eux, entrent un par un dans le service, réalisent une friction hydro-alcoolique des mains, leur température auriculaire est prise, et tout patient fébrile ou évoquant des symptômes respiratoires est immédiatement invité à porter un masque chirurgical puis guidé vers une salle de soins fermée, qui puisse être ventilée, équipée d’un tube radiogène et débarrassée de tout matériel exposé de façon à ce que toutes les surfaces de la salle puissent être désinfectées entre chaque patient selon un protocole rigoureux, validé par l’équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière. Le parcours patient a également été revu de façon à ce qu’en fin de soin, un patient entrant ne puisse croiser un sortant. Il est à noter également que les adultes et les enfants ne sont pas pris en charge sur le même site.
Après deux semaines dans ce contexte Covid-19, 337 patients ont été pris en charge par le service d’odontologie du CHRU de Nancy.

Alexandre Baudet, quelles sont les spécificités, les indications et les recommandations de bon usage des masques FFP2 pour les soins dentaires ?
En Odontologie, nous sommes habitués à porter un masque de soins de type IIR. Ce masque de soins est une mesure barrière qui protège – le soignant et le patient – du risque de gouttelettes. Le SARS-Cov-2, tout comme la grippe, se transmet par le biais des gouttelettes. La plupart des soins dentaires sont générateurs d’aérosols (mélange d’eau et de salive) produits par l’utilisation d’un instrument rotatif à spray ou d’un insert ultrasonore. Contaminés par le virus, ils exposent fortement le visage du chirurgien-dentiste et se dispersent également dans un rayon de 1,5 mètre autour de la cavité buccale du patient. Le virus se propage alors aussi par voie aérienne. Pour tout soin avec production d’aérosols, l’appareil de protection respiratoire FFP2 est alors indiqué pour protéger le praticien. En effet, un masque FFP2 possède une pièce faciale filtrante qui lui permet d’épurer l’air ambiant contaminé en stoppant les particules de moins de 0,5 µm. Afin d’être efficace, il doit être bien ajusté sur le visage. Son étanchéité est vérifiée par un fit check par inspiration juste après l’avoir enfilé. De plus, des lunettes de protection doivent être portées dès lors qu’il y a risque de projection ou aérosolisation.
Comme tout masque, il est recommandé de changer le masque FFP2 entre chaque patient. Car, d’une part, lors d’un soin aérosolisant, la surface extérieure du masque se couvre de micro-organismes et le soignant, lors d’un geste parasite – en replaçant son masque sur son visage par exemple – peut contaminer sa main par ce contact. Le risque de transmission manuportée vers un autre patient ou vers le praticien qui s’essuierait l’œil, par exemple, est alors important si une hygiène des mains n’a pas tout de suite été réalisée après avoir touché le masque. D’autre part, du fait de l’étanchéité du masque, les particules contenant du virus, déposées sur la face extérieure du masque FFP2, pourraient potentiellement être relarguées dans l’environnement ou sur le patient suivant au moment de l’expiration du soignant. Toutefois, dans le contexte épidémique actuel où l’approvisionnement en équipements de protection individuelle est sous tension – après avoir fait la balance bénéfice/risque – on peut parfois se retrouver contraint de conserver le même masque pour plusieurs patients successifs afin d’éviter une rupture de stock qui serait très problématique… Si l’on doit faire le choix de conserver un même masque pour plusieurs patients, il faudra alors être extrêmement vigilant au fait de ne pas le manipuler. Enfin, si le masque vient à être souillé ou mouillé, il conviendra tout de même de le changer.

Cet article fait partie du dossier : Covid-19

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