Traitement endodontique incomplet et risque de maladies cardiovasculaires

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Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Comme leur nom l’indique, elles regroupent les pathologies affectant aussi bien le cœur que le réseau vasculaire, autrement dit les cardiopathies coronariennes, les maladies cérébro-vasculaires (par exemple, l’Accident Vasculaire Cérébral, AVC), les artériopathies périphériques, les anévrismes de l’aorte, les cardiopathies rhumatismales, les malformations cardiaques congénitales et les thromboses veineuses profondes. La cause la plus répandue est l’athérosclérose correspondant à une perte d’élasticité des artères de gros et de moyens calibres, elle-même liée à l’accumulation de corps gras au niveau des parois (plaques d’athérosclérose). Les principaux facteurs de risque de l’athérosclérose sont clairement identifiés : ils peuvent être non modifiables (le diabète, l’âge, le sexe, les antécédents familiaux) et modifiables, et incluent entre autres un régime alimentaire saturé en graisses, la sédentarité, le stress, l’intoxication alcoolo-tabagique, les infections bactériennes (maladies parodontales notamment) (source OMS).
La maladie parodontale est un facteur de risque reconnu de l’athérosclérose : deux mécanismes pouvant coexister seraient impliqués : un mécanisme direct via la bactériémie transitoire, ou passage de bactéries parodontopathogènes dans la circulation sanguine, et un mécanisme indirect immuno-inflammatoire (élévation des médiateurs inflammatoires systémiques impliqués dans l’athérogenèse). Si un lien entre maladies parodontales et pathologies cardiovasculaires a été clairement démontré, il n’existe actuellement pas suffisamment de preuves scientifiques concernant l’impact de l’infection endodontique sur l’état cardiovasculaire (voir revue de presse endodontie de l’ID n° 37, 30 octobre 2013). Pourtant, les deux pathologies (parodontales et endodontiques) sont similaires tant sur l’étiologie bactérienne que sur les mécanismes pathogéniques inflammatoires impliqués.
Ainsi, l’équipe de Po-Yen Lin et coll., à Taiwan, se propose d’étudier si la présence d’un traitement endodontique incomplet (et donc la présence d’un foyer infectieux endodontique potentiel) augmente le risque de développer une maladie cardiovasculaire. 283 590 participants sans antécédent cardiovasculaire et ayant eu au moins un traitement endodontique ont été inclus dans une cohorte entre 2001 et 2011. Les résultats montrent que 3 626 patients de cette cohorte ont été hospitalisés pour des pathologies cardiovasculaires. Le taux d’incidence est donc de 0,21 % par année-personne. En considérant le nombre de traitements endodontiques inachevés, plus il est élevé et plus la densité d’incidence de survenue de pathologies cardiovasculaires augmente. En effet, le taux d’incidence chez les patients avec 3 ou plus de traitements canalaires incomplets est équivalent à 0,58 % par personne et par an, ce qui est significativement plus élevé que chez les patients sans traitement canalaire incomplet (0,21 %) ou avec 1 ou 2 traitements incomplets (0,28 %) (P < .0001). L’accident ischémique cérébral et les pathologies coronariennes semblent survenir également plus fréquemment en présence de 3 traitements endodontiques inachevés ou plus.
L’étude semble montrer qu’il est possible que la présence d’un traitement endodontique incomplet augmente le risque de survenue de pathologies cardiovasculaires. Cela peut être mis en parallèle avec les résultats de l’étude de Cotti et coll. où un diagnostic de parodontite apicale chronique était significativement associé à une augmentation de certains marqueurs inflammatoires systémiques (IL-1, IL-2 et IL-6). Ces marqueurs sont bien connus, car ils jouent un rôle clé dans la pathogenèse et la progression des maladies cardiovasculaires.
Cependant, il est indispensable d’interpréter avec précaution les résultats, car l’étude présente des biais non négligeables : elle ne renseigne pas sur les facteurs de risque des patients suivis (historique familial, tabagisme, antécédents cardiaques, obésité, etc.). La présence d’un ou plusieurs traitements endodontiques inachevés peut être le témoin d’une mauvaise hygiène bucco-dentaire, elle-même facteur de risque connu des pathologies cardiovasculaires. Par ailleurs, cette étude ne prend pas non plus en compte le degré de sévérité de la lésion endodontique, ni la symptomatologie associés. En effet, les pathologies endodontiques symptomatiques (notamment l’abcès apical aigu) montreraient une influence plus marquée sur les facteurs inflammatoires systémiques.
Deux années après la revue de presse en endodontie traitant de ce même sujet dans l’ID (n° 37, 30 octobre 2013), plusieurs études ont permis de sous-entendre un lien potentiel (Cotti et coll., Caplan et coll., Pasqualini et coll. et Willershausen et coll.), mais aucune n’a démontré l’existence d’une relation vraie de causalité entre une infection endodontique et la survenue de maladies cardiovasculaires. La multiplicité des facteurs en jeu, la limite des diagnostics endodontiques radiographiques peuvent sans doute expliquer cette situation.

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