Télésurveillance, téléconsultations et actualité de l’e-santé

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Information dentaire
Entretien avec le Pr Fabrice Denis, oncologue et expert en e-santé
Propos recueillis par Denise Silber

Lauréat du « Prix de la personnalité santé de l’année 2020 », le Pr Fabrice Denis évoque les dernières avancées de la télésurveillance, de l’Identifiant national de santé et détaille l’intérêt croissant des praticiens pour les applications professionnelles. Le Pr Fabrice Denis est oncologue à l’Institut de cancérologie Jean-Bernard au Mans, radiothérapeute, et professeur en e-santé/IA à l’UFR de Médecine de Paris Centre, de l’Université de Paris.

1/ Quels sont les faits marquants de l’e-santé ces derniers mois pour le praticien connecté ? Commençons par la télésurveillance des patients chroniques.

Le praticien peut retenir l’intérêt en cancérologie de la télésurveillance par des e-PRO, (Patient Reported Outcomes), soit l’expression par le patient des résultats et des symptômes, par l’intermédiaire d’une application numérique. Cette télésurveillance est maintenant inscrite dans la stratégie décennale de l’Institut National du Cancer et devient un standard de la qualité de prise en charge des patients ayant un cancer avancé. Ce standard fait suite à nos travaux pour la détection de rechute de cancer. Des actes médicaux seront proposés pour favoriser l’usage et la prescription des outils les plus performants et fiables en 2022. D’autre part, ces outils seront prochainement validés et déployés à l’échelle européenne. Nous travaillons avec la Société Européenne d’Oncologie Médicale (ESMO) sur la rédaction des recommandations pour les cancérologues, afin de leur permettre de proposer à leurs patients les outils les plus adaptés et sécurisés.

2/ Parmi les différentes solutions logicielles disponibles pour cette télésurveillance, quels seront les critères de choix par le praticien d’un logiciel d’e-PRO en cancérologie ?

Nous travaillons sur ce sujet avec les principales sociétés savantes européennes. Des recommandations destinées à guider le choix du médecin parmi les outils disponibles vont voir le jour. Un logiciel de télésurveillance type e-PRO en cancérologie devrait répondre à trois critères majeurs : la qualité, la validité clinique et la sécurité, et il y a des différences significatives entre les outils.

La qualité est liée au marquage CE de classe 2A** de ces dispositifs médicaux ; ce marquage est associé à une exigence importante en termes de sécurité des données, de sécurité des algorithmes, et de gestion des risques. Nous voulons privilégier les éditeurs de logiciels contrôlés en Europe par un acteur européen. Cela nous permettra d’éviter les questions sur la destination finale des données.

La validité clinique est associée à l’usage d’algorithmes de détection de complications et de toxicité de traitement validés par des essais cliniques prospectifs, idéalement randomisés, et mis à jour en fonction des dernières données scientifiques. Les algorithmes peuvent devenir obsolètes après trois ou quatre années. Les logiciels « tout en un », c’est-à-dire, contenant dans une seule application des algorithmes validés de suivi des principaux cancers et des principaux traitements, seraient à privilégier par un établissement de santé. Ceci nous évite d’utiliser plusieurs logiciels pour suivre les patients. On n’imagine pas, chez un même patient, utiliser un logiciel pour suivre un cancer, un second pour surveiller les effets secondaires de tel traitement, et un troisième pour les soins de support. Le malade s’y perdrait avec trois applications, et le médecin aussi. Les solutions logicielles avec des algorithmes « faits maison » par les médecins ou les établissements eux-mêmes seront probablement à proscrire, s’ils ne sont pas évalués et validés cliniquement, car ils exposent les patients à des risques de faux négatifs et à des pertes de chances.

La sécurité sera un élément majeur. Les éditeurs de logiciels ayant eu des défaillances graves, figurant en général sur le portail de l’ANSM seraient à éviter.

https://ansm.sante.fr/informations-de-et securite/

** Pour en savoir plus concernant le marquage CE des dispositifs médicaux, le Pr Denis recommande le Blog des Dispositifs médicaux.

https://www.qualitiso.com/marquage-ce-dispositif-medical/

3/ Où en est l’usage par les praticiens des outils de l’e-santé ? Est-ce différent par rapport au printemps 2020 ? Quelles sont les principales différences entre l’hôpital et la ville ?

Je pense que dans les hôpitaux nous réalisons globalement plus de téléconsultations et de consultations téléphoniques qu’avant la première vague épidémique au printemps 2020. Nous avons pris et maintenu des habitudes qui évitent à des patients fragiles, habitant loin de l’hôpital, de se déplacer inutilement. Les différences entre l’hôpital et la ville portent essentiellement sur l’usage des outils de télésurveillance qui sont pour l’instant plutôt utilisés par les établissements hospitaliers, car il y a une organisation spécifique à mettre en place.

4/ L’Agence du numérique en santé (ANS) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) veulent accélérer le déploiement de l’Identifiant national de santé (INS). Comment voyez-vous son entrée dans les habitudes en France ?

C’est un processus assez complexe mais qui est très important pour la suite des développements d’outils d’e-santé. La dynamique est très bien enclenchée, car de nombreux éditeurs sont prêts à adapter et développer leurs solutions, en les rendant compatibles avec cet INS. L’INS devrait être largement adopté dans les mois et années à venir et favoriser l’interface avec le DMP.

 

5/ En plus de votre travail de clinicien, vous enseignez l’e-santé. Quelles thématiques sont plébiscitées en 2021 ?

Les sujets les plus appréciés concernent les modalités de l’évaluation clinique des applications en e-santé, qu’elles soient des dispositifs médicaux ou non. C’est essentiel d’avoir cette culture et de mesurer le niveau de preuve de tels outils, dont la majorité ne fait hélas pas l’objet d’une évaluation clinique. L’autre point qui émerge dans les attentes est l’évaluation de la sécurité de ces outils, car les premiers incidents apparaissent et la culture de la matériovigilance commence à faire l’objet d’un intérêt très soutenu. Un outil d’e-santé qui fonctionne correctement peut être bénéfique, mais s’il n’est pas fiable, il peut être à l’origine de pertes de chances…

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