« Remettre le patient au cœur du dispositif, supprimer la notion de rentabilité et de commercialisation de l’exercice au profit des soins conservateurs. » Si l’on osait, on pourrait dire qu’il y a du Pape François dans le discours du nouveau président de l’Ordre national des chirurgiens-dentistes, Gilbert Bouteille. Mais, Coupe du monde de rugby oblige, on trouvera une analogie du côté des entraîneurs : retourner aux fondamentaux. « Il faut que les praticiens puissent continuer à assurer des soins conservateurs de qualité auxquels tous les patients ont droit, j’ai bien dit tous les patients, sans allongement démesuré des journées de travail ni contraintes excessives, et quelle que soit leur structure d’exercice », a-t-il martelé le 24 septembre devant la presse, conscient que cela passe nécessairement par « une revalorisation certaines » des soins conservateurs. « La mission des chirurgiens-dentistes, poursuit-il, est de conserver le plus longtemps possible la sphère endo-buccale dans son état naturel. Or c’est au détriment du temps passé aux soins conservateurs que l’on préfère la prothèse et l’implant. » Pour rétablir donc l’ordre des choses, Gilbert Bouteille a listé les chantiers qu’il entend mener à bien au cours de son mandat débuté le 25 juin dernier.
Et d’abord, continuer de poursuivre « ceux qui pratiquent la santé bucco-dentaire d’une manière commerciale, voire mercantile ». Dans le viseur, les centres dentaires dits « low cost » bien entendu, dont il dénonce les pratiques. « Des personnes sans qualification qui expliquent le devis aux patients, des règlements totaux de devis avant traitement, des crédits pour soins versés directement au centre et non aux patients, des centres soi-disant à but non lucratif fermés le mercredi… Nous en appelons aux pouvoirs publics pour que cessent ces dérives. » Les réseaux de soins seront également sous surveillance. L’Ordre dit vouloir veiller à ce qu’il reste des réseaux ouverts, c’est-à-dire accessibles selon les mêmes critères à tous les praticiens qui le souhaitent tout en protégeant « le réel maintien du libre choix du praticien par le patient et de l’indépendance du chirurgien-dentiste ».
Autres gros sujets : la démographie et les structures d’exercice. L’Ordre entend porter la proposition d’un numerus clausus harmonisé à l’échelle européenne pour une meilleure répartition des praticiens sur tous les territoires de l’Union. Gilbert Bouteille souhaite également permettre « l’évolution des structures autour de la notion d’équipe de soins (chirurgiens-dentistes, assistantes dentaires, assistantes hygiénistes prothésistes, manipulateurs radio et autres professionnels de santé) dont le chirurgien-dentiste devra être, déontologiquement, civilement et pénalement, responsable des actes de ceux qui l’entourent ». L’Ordre se dit « ouvert mais prudent » sur les montages capitalistiques des sociétés d’exercice. Déjà une trentaine de sociétés de participation financière des professions libérales (SPF-PL) regroupant des sociétés d’exercice libéral (SEL) de chirurgiens-dentistes ont été autorisées par l’instance ordinale. Les décrets d’application de la loi Murcef créant ces holdings n’étant toujours pas publiés, c’est la doctrine ordinale qui s’applique. Elle est établie à 2 SEL par SPF-PL. Ainsi, une demande de création d’une SPF-PL chapotant 5 SEL vient-elle d’être repoussée.
Enfin, le conseil de l’Ordre entend poursuivre la réforme du Code de déontologie. Objectif : l’adapter le plus finement possible à la réalité de l’exercice. Internet, réseaux sociaux, télémédecine, télédiagnostic, la télé-expertise… L’Ordre va créer un groupe de réflexion spécifique pour réfléchir à ses sujets.
Un Grenelle de la santé bucco-dentaire le 28 janvier
L’Ordre organisera, le 28 janvier 2016, un « Grenelle de la Santé bucco-dentaire ». Cette journée réunira l’ensemble des parties prenantes de la santé bucco-dentaire (ADF, UFSBD, syndicats, CISS…) pour des sessions d’échange et de travail dont les conclusions feront l’objet d’un livre blanc.
Un pôle patient
Gilbert Bouteille, sans donner plus de détails sur son organisation, a annoncé la création d’un « pôle patients » au sein de l’Ordre, dans lequel seront invitées les associations représentant les patients (pathologies lourdes, maladies chroniques, personnes en situation de handicap…).
« En signant fin août la Charte Handicap de l’Union Française pour la Santé Bucco-Dentaire, nous avons envoyé un signal fort de notre engagement en faveur des soins pour tous. Nous devons poursuivre dans cette voie. Déjà, nous réactivons notre réseau de référents départementaux et régionaux engagés dans des actions de soins spécifiques vers les personnes en situation de handicap. »
Parcours ordinal
Gilbert Bouteille devient chirurgien-dentiste en 1970 et rejoint l’Ordre dès 1983. Il y siège d’abord au Conseil départemental de l’Oise puis à celui du Conseil régional de la Picardie. Il est élu représentant des régions Haute-Normandie, Picardie et Nord-Pas-de-Calais en 1997. Il occupe ensuite successivement, au Conseil national, les fonctions d’Assesseur titulaire de la Session des Assurances Sociales (SAS) et de la chambre disciplinaire, de Trésorier adjoint, de Secrétaire général, de Vice-Président. Il est aussi, dès 2005, Président de la Commission Législation et Europe du Conseil national.
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