Stress du praticien en odontologie pédiatrique

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Information dentaire

Si la perspective d’une séance chez le chirurgien-dentiste peut être source de stress intense chez certains patients, assurer cette séance peut l’être tout autant pour le praticien face au comportement d’un patient difficile comme peuvent l’être certains enfants. L’article analysé cette semaine étudie le niveau de stress perçu par les praticiens au cours de différents actes d’odontologie pédiatrique. Le recueil des données a été réalisé en Israël à l’aide d’un questionnaire anonyme adressé à des praticiens diplômés et à des étudiants dans leur dernière année d’étude. Les participants devaient évaluer, sur une échelle de 1 à 10, leur niveau de stress pour différents actes tels que la réalisation d’une anesthésie chez un enfant coopérant et chez un enfant anxieux, puis différents actes de dentisterie restauratrice, d’endodontie et de chirurgie (avulsion) sur des dents temporaires. Pour l’analyse des résultats, les auteurs distinguent trois groupes de praticiens : les étudiants, les omnipraticiens expérimentés et les spécialistes en odontologie pédiatrique.
 
Les résultats n’ont montré aucune différence significative entre le niveau de stress perçu par les omnipraticiens et par les spécialistes en odontologie pédiatrique pour l’ensemble des procédures évaluées. En revanche, les étudiants ont rapporté un niveau de stress plus faible que les praticiens expérimentés pour l’injection de l’anesthésie chez les jeunes patients coopérants comme chez les plus anxieux, alors que leur stress est plus élevé pour toutes les autres procédures techniques. La pose de la digue est d’ailleurs la procédure la plus stressante pour les étudiants Pour les omnipraticiens comme pour les spécialistes, l’injection de l’anesthésie chez un enfant anxieux est de loin la procédure la plus stressante, suivie du même acte chez un enfant coopérant, mais à un niveau nettement moindre. La considération du niveau d’expérience, de l’âge ou du genre du praticien n’a révélé aucune incidence sur l’intensité de stress perçu. La quasi-absence de stress chez les étudiants pour cet acte, tant chez les patients coopérants que chez les anxieux, peut s’expliquer par le fait que les étudiants sont rassurés par la présence des enseignants pouvant intervenir en cas de difficulté.
 
Le stress des étudiants semble ainsi davantage corrélé au jugement des enseignants sur leur capacité à réaliser les actes techniques qu’au patient et à ses réactions, d’autant qu’ils soignent plutôt des enfants coopérants et n’ont donc pas vécu la difficulté de gérer des enfants difficiles. À l’inverse, le fait que les spécialistes soignent plus de cas difficiles et les enfants les moins coopérants explique que, malgré leurs compétences réputées supérieures dans ce domaine spécifique, leur stress soit similaire à celui des omnipraticiens. C’est le comportement de l’enfant soigné qui constitue le principal facteur de stress pour les praticiens diplômés. Cela dit, les auteurs s’appuient sur les données de la littérature pour expliquer que ce sont également tous les différents facteurs de stress généraux liés à l’exercice professionnel et à la vie quotidienne qui, cumulés, influencent lourdement la perception du stress ressenti à l’abord d’une situation clinique susceptible de se compliquer. Ainsi, les conclusions de cette étude montrent que le principal facteur de stress clinique des étudiants concerne la crainte de mal maîtriser un acte clinique et d’être jugé négativement par ses enseignants.
 

Chez les praticiens confirmés, c’est principalement l’injection d’une anesthésie chez un enfant anxieux qui génère le stress le plus intense, bien que cet acte ne présente aucune difficulté technique particulière.

Commentaires et questions à Stéphanie Jager, Maître de conférences en odontologie pédiatrique à l’Université de Lorraine, praticien hospitalier

Cette étude montre que le stress généré par la réalisation d’une anesthésie chez un enfant anxieux est plus intense chez les praticiens expérimentés, alors qu’il est quasi nul chez les étudiants rassurés par la présence
des enseignants à leurs côtés. Une hypothèse non considérée par les auteurs pourrait être la crainte d’une complication biologique à la suite de l’injection chez un enfant. Toutefois, il paraît évident que l’anxiété de l’enfant face à ce geste peut altérer la sérénité du praticien durant cette séance dont l’anesthésie constitue la première séquence déterminante.

L’injection d’un produit anesthésique chez un enfant constitue-t-elle en soi un risque médical particulier ?
Stéphanie Jager : Comme toutes les injections, l’anesthésie locale en odontologie, que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte, requiert un interrogatoire médical complet afin de circonscrire au mieux les éventuels risques. L’utilisation d’articaïne associée à de l’adrénaline au 1/200e permet de répondre à la plupart des situations cliniques. Rappelons que, chez l’enfant, la limite d’une cartouche de 1,7 ml par 10 kg de poids est à ne pas dépasser, avec un plafond à quatre cartouches au-delà de 40 kg. S’agissant de l’utilisation d’adrénaline, notons qu’en cas de stress intense, les quantités d’adrénaline endogène produites par l’enfant sont nettement supérieures à celles contenues dans une cartouche d’anesthésique. Il est important de préciser que le contrôle de la vitesse d’injection est un élément crucial en termes de sécurité du geste : une vitesse de l’ordre de 1 ml par minute semble tout à fait appropriée.
 
Concernant les enfants anxieux, pourquoi, selon vous, l’anesthésie est-elle l’acte le plus stressant pour le praticien ?
S. J. : La « piqûre » reste redoutée de tous, des enfants bien sûr, mais aussi des parents pour eux-mêmes ou leur progéniture ! De plus, elle reste parfois, dans certaines familles, brandie comme une menace ou une punition, ce qui rend sa réalisation chez le praticien extrêmement délicate. Pour le praticien, l’anesthésie locale est une espèce de barrière à franchir au-delà de laquelle le soin a de grandes chances d’être mené avec succès si tant est que le silence clinique a été effectivement parfaitement obtenu. Comme bien souvent en odontologie pédiatrique, l’anticipation difficile des réactions de l’enfant à l’injection et aux effets ressentis de l’anesthésie est naturellement source d’inquiétude pour le praticien aussi.
 
Comment le praticien peut-il aborder plus sereinement ces séances pour diminuer son propre stress ?
S. J. : Le premier des éléments est bien évidemment la parfaite connaissance des territoires d’innervation et des techniques d’anesthésie afin de répondre avec le plus grand succès possible aux diverses éventualités cliniques. Par ailleurs, la diminution du stress du praticien passe par la diminution du stress du petit patient : une information sans mensonge aux termes imagés et adaptés est le préalable indispensable à l’instauration d’une relation de confiance sur laquelle tous les soins sont fondés. Une bonne gestion des horaires de rendez-vous avec une attente du patient la plus réduite possible et une plage horaire opératoire suffisamment étendue sont aussi des éléments participant à la minoration du stress du chirurgien-dentiste. Finalement, l’obtention d’une atmosphère propice au soin relève d’un délicat mélange d’ingrédients multiples saupoudrés avec nuances et tact par le praticien.

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