Le congrès de la Multinational Association for Supportive Care in Cancer (MASCC), associée à l’International Society of Oral oncology (ISOO), s’est tenu à Copenhague du 25 au 27 juin 2015. Ce congrès annuel rassemble l’ensemble des professionnels de santé intéressés par les soins de support en cancérologie. Les chirurgiens-dentistes sont concernés du fait de la prise en charge des mucites et des soins dentaires chez le patient cancéreux, notamment dans le cas de cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS). Ce congrès est l’occasion de discuter les pratiques et de définir des « guidelines » sur les soins dentaires en oncologie et la prise en charge des mucites.
Concernant la mucite, différents points ont été discutés au cours d’une table ronde rassemblant un panel d’experts reconnus sur le plan international : D.S. Sonis (États-Unis), D. Keefe, (Australie), J. Raber-Durlacher (Pays-Bas), R.J. Bensadoun (France).
Les stratégies à élaborer dans le futur pour améliorer la prise en charge des mucites ont été abordées. Elles concernent :
• La médecine personnalisée : certains patients développent des mucites, d’autres non, ce qui pose les questions des facteurs favorisants intra-individuels et la nécessité de déterminer des profils à risque. Des études pharmaco-génétiques sont nécessaires dans un but de prédictibilité à court terme et de traitement prophylactique à moyen terme.
• L’élaboration d’un registre : la mucite reste relativement mal connue. Un registre sur la mucite et les autres toxicités permettrait de colliger des données épidémiologiques utiles à la compréhension des mucites et leur prise en charge.
• Différents types de mucite : la mucite est un terme générique employé en oncologie pour définir une inflammation des muqueuses, le plus souvent digestives. L’avènement des thérapies ciblées a fait prendre conscience à nos confrères oncologues de la variabilité des mucites du point de vue des lésions élémentaires qui ne sont pas prises en compte dans les classifications actuelles. La prise en compte de ces lésions devrait permettre de définir des conduites à tenir plus spécifiques.
Le traitement des mucites est un enjeu majeur des soins de support en cancérologie au XXIe siècle. Les protocoles de recherche préclinique présentés concernaient la physiopathologie de la mucite et le rôle du microbiote en lien avec les récepteurs Toll like.
Les protocoles de recherche cliniques concernaient :
– une étude de phase I sur l’usage de mimes de la superoxyde dismutase dans la prévention des mucites oropharyngées secondaire à une radio-chimiothérapie ;
– une étude de phase II sur l’usage de la clonidine dans la prévention des mucites radio induites des cancers des VADS ;
– une étude de phase IV sur un bain de bouche, Mucosyte®, dans le traitement des mucites chimio induites de l’enfant. Ce bain de bouche n’est pas disponible en France ;
– une étude de phase IV sur un bain de bouche Episil® dans le traitement des mucites orales. Ce bain de bouche n’est pas disponible en France ;
– une étude de phase IV sur l’usage d’une glossette de bupivacaine ;
– différentes études sur l’usage du laser de basse énergie (Low Level laser Therapy) dans la prévention et le traitement de la mucite radio et/ou chimio induite.
Ces études montrent un bénéfice sur les mucites de grades II et III, mais n’abordent pas le plus souvent les mucites de grade IV. Généralement, les études présentées n’avaient pas de groupe contrôle, ce qui rend l’interprétation des résultats difficile. Le professeur M. Lacouture, dermatologue au Memorial Institute de New York, a insisté sur l’intérêt de la corticothérapie locale dans la prise en charge des mucites. Cet avis a été partagé par le Dr V. Sibaud, de l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse. Nous ne pouvons qu’encourager l’usage de la corticothérapie locale, qui est sous employée dans ce contexte sous prétexte d’un sur-risque de candidose qui n’est pas si fréquent que ne le pensent nos confrères oncologues.
L’ISOO a consacré une matinée aux lésions à potentiel malin avec des orateurs de renom : J. Epstein et I. Van der Wall. Il n’existe toujours pas de consensus sur la conduite à tenir pour prévenir l’apparition des cancers et aucun marqueur prédictif de l’évolution maligne n’a pu être identifié.
L’un des points forts de ce congrès a été la présentation de nouvelles toxicités endobuccales dues aux thérapies ciblées. On peut citer un poster présenté par E. Vigarios, de l’Institut Universitaire du Cancer de Toulouse, sur la survenue d’un carcinome épidermoïde chez un patient traité par inhibiteur de BRAF. Cet effet indésirable, connu sur la peau, n’avait jamais été publié sur la muqueuse buccale. Plus novateur encore, des télangiectasies muqueuses de type Rendu Ossler like et des lésions de lichen plan induites par les immunothérapies PD1 ont été observées. Nul doute que nous ne sommes qu’au début de l’observation des effets secondaires des thérapies ciblées. Leur généralisation dans le traitement de tous les cancers annonce la survenue de lésions buccales que les oncologues, les médecins généralistes, les dermatologues et, bien sûr, les chirurgiens-dentistes ne devront pas négliger.
Soins dentaires en oncologie et prise en charge des mucites
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- Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
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