article que nous avons décidé de mettre en lumière fait suite à une publication de 2014*, dans laquelle un groupe d’experts internationaux sur le sujet propose des critères diagnostiques des principaux dysfonctionnements temporo-mandibulaires (DTM) douloureux ou non, les Diagnostic Criteria/Temporo-Mandibular Disorders (DC/TMD). Bien qu’imparfaits, ils font depuis figure de référence dans la littérature. Cet article de 2014 fait partie des cent articles les plus cités en dentisterie. Les DC/TMD ont été pensés pour la clinique (spécialiste et généraliste) comme pour la recherche. Ils sont composés de deux axes, le premier étant une évaluation biologique du patient et le deuxième une évaluation psychosociale. Le développement des DC/TMD est assuré par l’International Network for Orofacial Pain and Related Disorders Methodology (INfORM) au travers d’essais cliniques ou encore de formations pour les spécialistes.
Malgré les qualités évidentes de ces critères diagnostiques, dix ans après leur sortie, le constat est sans appel : très peu de chirurgiens-dentistes non spécialistes utilisent ces critères. Trois causes principales sont évoquées : l’ampleur de la formation nécessaire pour utiliser adéquatement les DC/TMD, la conviction que la mise en œuvre clinique de l’examen physique prend trop de temps et la complexité de la mise en œuvre de l’axe psychosocial.
Pour répondre en partie à ces limites, la solution dont traite l’article analysé est la réalisation d’une version plus courte des DC/TMD, le brief DC/TMD ou bDC/TMD. Les auteurs s’appuient sur des études qui ont prouvé qu’en se formant seul ou en utilisant d’autres mots/instructions que ceux inscrits dans les DC/TMD, des praticiens arrivaient à des diagnostics aussi sensibles et spécifiques qu’avec le protocole complet des DC/TMD.
L’INfORM présente dans cet article les réflexions et les travaux menés de 2018 à 2023 par une méthode Delphi (débat anonyme et indépendant d’un panel de 23 praticiens spécialistes et non spécialistes) afin de proposer une simplification des DC/TMD pour une plus large utilisation clinique par les praticiens non spécialistes des douleurs orofaciales.
L’objectif de ce projet de simplification tient en trois points :
- permettre une utilisation des DC/TMD par les non-spécialistes en maintenant l’approche d’évaluation en deux axes, biologique (axe 1) et psychosocial (axe 2) ;
- pour l’axe 1, maintenir la sensibilité et la spécificité des DC/TMD autant que possible pour les diagnostics des principaux DTM (myalgie, arthralgie, céphalées attribuées à un TMD, maladie dégénérative des articulations, subluxation, déplacement discal réductible et déplacement discal irréductible) ;
- permettre un apprentissage en ligne des protocoles bDC/TMD.
Un objectif de 10 minutes pour une utilisation du bDC/TMD est fixé. Après quelques utilisations pour se familiariser avec le protocole, cet objectif paraît raisonnable, notamment si on permet au patient de remplir les auto-questionnaires en amont du rendez-vous avec l’aide de l’assistante dentaire par exemple. Notons que cette approche minutée n’est pas forcément souhaitable. Elle est utilisée ici pour donner envie aux praticiens non spécialistes souvent peu intéressés par le sujet, et n’accordant que peu de temps à ce genre de consultation.
Le panel de praticiens a estimé qu’en pratique non spécialisée, définir les principaux types de DTM était suffisant, les sous-types étant réservés à une pratique plus spécialisée. Rappelons que l’un des objectifs principaux des DC/TMD est de permettre aux praticiens de s’affranchir du terme diagnostique parapluie de « DTM », puisqu’il englobe des pathologies très différentes comme les myalgies, les déplacements discaux réductibles ou la subluxation par exemple. Chacune de ces pathologies nécessite d’être correctement diagnostiquée pour une meilleure prise en charge. Utiliser les DC/TMD dans une pratique clinique permet d’utiliser au mieux les nombreuses recommandations issues de la littérature, qui reprennent les DC/TMD. Il est donc utile au clinicien d’être capable de faire un diagnostic similaire, pour proposer ensuite à son patient un traitement adapté en suivant les données acquises de la science les plus récentes.
L’évaluation de l’axe biologique (axe 1) par le bDC/TMD se compose d’un auto-questionnaire de 14 questions suivi d’un examen clinique simplifié de manière conséquente par rapport à l’examen clinique de base des DC/TMD. Cet examen clinique comporte quatre sections nécessitant la réalisation de trois mouvements de la mâchoire par le patient, et une série de trois palpations à réaliser par le praticien. Cela rend le protocole extrêmement simple à suivre pour le clinicien. Cela ne semble pas affecter la sensibilité et la spécificité du diagnostic des grands types de DTM.
Concernant l’évaluation de l’axe psychosocial (axe 2), cet article propose une association de trois éléments :
- une morphographie de la douleur : c’est un schéma sur lequel le patient et le praticien dessinent le lieu de la douleur, ainsi que son trajet s’il y en a. Il est aussi possible de dessiner plusieurs douleurs, et ainsi se rendre compte du niveau de complexité du cas ;
- une échelle graduée de la douleur chronique réduite par rapport à l’échelle initiale du protocole DC/TMD. Elle s’accompagne d’une simplification de l’interprétation des six questions qui composent ce questionnaire. L’intérêt est de comprendre l’intensité de la douleur, l’incapacité liée à la douleur pour le patient et, in fine, la complexité de la prise en charge qui en découlera ;
- le Patient Health Questionnaire-4 : bien qu’il ne soit pas utilisé par tous les systèmes de santé du monde, il est simple d’utilisation et permet de mesurer rapidement le niveau de détresse psycho-sociale du patient.
Selon les auteurs, le bDC/TMD a pour but de caractériser les patients présentant des symptômes similaires aux DTM ou présumés DTM, en raison d’un résultat positif à un instrument de dépistage au préalable tel que le TMD Pain Screener ou le 3Q/TMD.
Il ne doit pas servir à exclure d’autres diagnostics au même titre que le DC/TMD. Un manuel sur le bDC/TMD est en préparation par l’INfORM. Il sera accompagné, entre autres, par la classification internationale de la douleur orofaciale, les symptômes d’alerte pour les maux de tête et le trismus, ainsi qu’un instrument de dépistage de la migraine validé, pour aider les praticiens s’ils souhaitent explorer des diagnostics différentiels.
Ainsi, le bDC/TMD semble plus facile d’utilisation pour le praticien non spécialiste. Il devrait permettre une prise en charge plus précoce des patients atteints de DTM douloureux, avec un pronostic qui devrait en être amélioré.
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