Sevrage tabagique : où en est-on en 2024 ?

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°30 - 11 septembre 2024 (page 14-15)
Information dentaire
Le tabagisme reste un problème majeur de santé publique en France : en 2022, 32 % des adultes de 18 à 75 ans ont déclaré fumer du tabac, 25 % quotidiennement [1]. Parmi les fumeurs quotidiens, près de 60 % déclaraient avoir envie d’arrêter et près d’un quart avait le projet d’arrêter dans les six mois suivants [2]. En tant que chirurgiens-dentistes, nous pouvons activement soutenir les patients dans leur projet d’arrêt ou de réduction du tabagisme, mais nous nous sentons souvent isolés et mal préparés.

Points de vue C32

Jeudi 28 novembre – 9h/10h30

Responsable scientifique : Elise Arrivé

Conférenciers : Marie Biserte, Marjorie Dardillac

Objectifs
• Connaître les nouveaux produits de la nicotine et leurs effets bucco-dentaires
• Connaître les spécificités de l’accompagnement au sevrage chez les jeunes
• Savoir identifier les barrières, leviers et ressources de l’accompagnement

Dans cette séance, à travers l’exemple des Hauts de France, nous verrons comment le travail pluridisciplinaire a permis de développer des outils de liaison entre professionnels de santé et des ressources de formation pour permettre aux praticiens d’accompagner les patients fumeurs dans leur sevrage.
Mais avant, nous aborderons la question des jeunes, première cible du marketing de l’industrie du tabac, et qui, pour perdurer dans un monde « sans fumée » (15 % des adolescents déclaraient tout de même fumer quotidiennement [3]), diversifie son offre avec de nouveaux produits nicotiniques aux saveurs attractives les entraînant dans la dépendance.

Nouveaux produits du tabac et jeunes : repérage, posture et accompagnement thérapeutique du chirurgien-dentiste

L’entrée dans la consommation de tabac est une priorité pour le marketing de l’industrie du tabac visant les jeunes, il s’agit donc d’un enjeu majeur pour la prévention à laquelle participent les chirurgiens-dentistes.
L’objectif des industriels du tabac est de proposer des alternatives à la cigarette présentées comme « moins nocives », ciblant d’un côté les fumeurs souhaitant diminuer les risques du tabagisme sur leur santé et, de l’autre, les jeunes, à qui ils proposent ainsi des portes d’entrée attractives, à travers les arômes mis à disposition (fruits, bonbons, desserts, etc.), vers une consommation de nicotine, afin qu’ils en deviennent dépendants (figure 1) [4].

Actualiser ses connaissances sur les nouveaux visages de la nicotine est indispensable pour mieux repérer, conseiller et orienter.
Les produits du vapotage connaissent une belle popularité auprès de l’ensemble de la population avec une diversification adaptée aux plus jeunes.
Parmi les nouvelles formes de consommation de la nicotine, nous pouvons citer les sachets de nicotine, appelés « nicopods ou pouches » (figure 2), qui sont similaires, dans leur utilisation et présentation, aux sachets de snus. Ils s’utilisent en se plaçant sous la lèvre, dans le vestibule.

Le snus, commercialisé en Suède et au Luxembourg, est interdit en France depuis 1992. Il est cependant marginalement disponible (en ligne). Il s’agit d’un cocktail ravageur aux nombreux ingrédients dans un minuscule contenant. Il existe des risques liés à sa consommation. Le dosage des sachets en nicotine est très important, de 3 à 20 mg (une cigarette industrielle en contient environ 1 mg). Le risque d’addiction est donc plus rapide, notamment chez les adolescents avec un cerveau encore très plastique. Ils contiennent également des substances toxiques, voire carcinogènes, qui peuvent entraîner, à court terme, des pathologies inflammatoires de la muqueuse buccale et du parodonte.
On peut s’attendre à des effets similaires avec les « nicopods ou pouches », arrivés récemment sur le marché français en 2023.
Rester informé pour mieux communiquer sur les dangers de l’offre sans cesse renouvelée de l’industrie du tabac est essentiel. Le chirurgien-dentiste, professionnel médical de premier recours, qui a de nombreuses opportunités de contact avec une patientèle jeune, notamment à travers le dispositif M’T Dents, sera un interlocuteur de qualité pour évoquer et repérer ces consommations à risque.

Approche territoriale des barrières, leviers et outils à l’accompagnement au sevrage tabagique au cabinet dentaire : l’exemple des Hauts-de-France

Si l’impact du tabagisme sur la santé bucco-dentaire est bien connu, voire utilisé dans les programmes de prévention dans les photos et messages chocs sur les paquets de cigarettes, le chirurgien-dentiste se retrouve souvent isolé dans le parcours de soutien au sevrage de son patient.
Les Hauts de France sont la première région de France métropolitaine en termes d’incidence et de mortalité par cancer, dont 20 % des nouveaux cas peuvent être attribués au tabac. Les objectifs opérationnels du Plan régional de réduction du tabagisme prévoient le développement et le renforcement des compétences des professionnels de la santé, du social, du médico-social et de l’associatif [5]. Dans ce cadre, les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) des Hauts de France, chirurgiens-dentistes, infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, médecins, pharmaciens, sages-femmes, et la Fédération des maisons de santé Hauts-de-France (FEMAS HDF), accompagnées de Hauts-de-France Addictions, en partenariat avec des Communautés professionnelles et territoriales de santé (CPTS), ont initié un projet pour soutenir ces professionnels dans l’accompagnement au sevrage tabagique.
Aborder la consommation de tabac n’est pas simple et spontané pour tous. D’après une étude réalisée dans cette région, il existe plusieurs raisons expliquant que certains praticiens soient moins à l’aise sur le sujet : manque de temps, de formation, de connaissance des ressources de tabacologie du territoire, non-valorisation du temps passé à l’accompagnement, légitimité à intervenir. La demande de formation porte sur la relation thérapeutique avec le patient, la poly consommation, la prescription des substituts nicotiniques, la place du vapotage dans le sevrage, la connaissance des structures ressources en tabacologie du territoire.
De fait, des actions ont été mises en place, dont l’objectif premier est la coordination des acteurs par des rencontres conviviales et la co-construction d’un outil de suivi du parcours du patient souhaitant se sevrer. Chaque professionnel pourrait rendre compte du suivi effectué, pour une connaissance partagée entre le patient et les différents professionnels impliqués dans son parcours. Des soirées et des webinaires de sensibilisation, notamment sur le repérage précoce, l’intervention brève, la prescription, ont été développés, d’abord pour chaque profession, puis par territoire, en pluridisciplinaire.
Ainsi, la consolidation d’une culture commune autour du tabagisme et de l’addictologie, en territoire de proximité ou à l’échelon régional, et l’outillage des acteurs nous semblent être les clés d’un accompagnement réussi vers le sevrage tabagique. Sur les territoires, en région, de nombreux projets se développent pour soutenir les consœurs et les confrères dans l’accompagnement des patients vers une vie sans tabac, qui seront intéressants de partager et mutualiser.

Cette séance pluridisciplinaire a pour ambition de permettre aux congressistes de repartir avec des données actualisées sur les nouveaux produits nicotiniques, dont les jeunes sont la cible du marketing, et qui peuvent avoir des conséquences sur la santé orale. Cette séance permettra également de partager les ressources qui ont été développées dans les Hauts de France et les autres régions pour soutenir les patients dans leur sevrage tabagique : « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». 

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