Scellement prophylactique des sillons et isolation

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°19 - 10 mai 2023 (page 6-7)
Information dentaire

Article analysé

• Mattar RE, Sulimany AM, Binsaleh SS, Hamdan HM, Al-Majed IM. Evaluation of fissure sealant retention rates using Isolite in comparison with rubber dam and cotton roll isolation techniques: A randomized clinical trial. Int J Paediatr Dent 2023;33:12-9.

Le scellement prophylactique des sillons est un acte essentiel de prévention dont l’efficacité est très largement reconnue. Les auteurs de l’article rapporté ce jour nous rappellent que son principe est de placer un matériau fluide dans les puits et fissures des dents les plus vulnérables à la carie, de manière à en empêcher, d’une part, l’envahissement par les bactéries, et, d’autre part, l’approvisionnement en source de nutriments réduisant de fait les chances de survie des bactéries qui y seraient déjà. Il permet ainsi de prévenir la carie ou de stopper son évolution dès les stades initiaux.

Pour obtenir le succès dans cette approche, il convient d’isoler la surface des dents concernées de l’humidité des fluides buccaux tels que la salive, les exsudats gingivaux et le sang. Si le champ opératoire (digue dentaire) est le moyen le plus efficace pour isoler une dent, des cotons salivaires associés à une aspiration sont plus souvent utilisés en pratique. Les auteurs proposent une étude clinique randomisée pour comparer la rétention des sealants réalisés avec l’un ou l’autre de ces deux moyens d’isolation, mais aussi à l’aide du système IsoliteTM (Zyris). Ce dernier est un dispositif d’isolation et d’aspiration de l’arcade dentaire connecté à l’aspiration chirurgicale du fauteuil qui isole la langue et la joue du patient par écartement, agit comme une cale de morsure et produit aussi une illumination intra-orale. L’étude réalisée est construite selon les recommandations CONSORT (CONsolidaded Standards Of Reporting Trials) et a été réalisée entre novembre 2018 et février 2021 à l’hôpital universitaire de Riyad, en Arabie saoudite.

48 enfants âgés de 6 à 15 ans (âge moyen = 8,5 ans) avec au moins 4 molaires complètement évoluées, indemnes de carie et répondant aux critères d’indication de scellement prophylactique, ont été inclus. À l’aide d’un logiciel de randomisation, 3 molaires ont été sélectionnées pour chaque patient pour recevoir un sealant avec l’une des trois méthodes d’isolation, afin que ces trois méthodes soient appliquées chez chaque patient (la 4e molaire ayant reçu ensuite un sealant selon la méthode préférée par le patient). Le protocole appliqué est détaillé ci-après. Après avoir été soigneusement nettoyée, chaque surface à traiter est isolée avec la méthode indiquée par le logiciel de randomisation. Pour la méthode des cotons, un coton de taille moyenne est disposé en vestibulaire pour les molaires maxillaires, un en vestibulaire et un en lingual pour les molaires mandibulaires. Une aspiration à haute vélocité est maintenue par une aide dentaire tout au long de la procédure et les cotons sont remplacés après le rinçage s’ils sont trop humides. La procédure du scellement prophylactique commence par un mordançage de 20 secondes à l’acide phosphorique à 38 % suivi d’un rinçage et d’un séchage de 15 secondes jusqu’à l’obtention d’une surface blanchie. La résine de scellement (ClinproTM, 3M) est alors appliquée, étalée à l’aide d’une microbrush ou d’une sonde pour en éliminer les bulles puis photopolymérisée pendant 20 secondes, conformément aux recommandations du fabricant. La qualité du scellement est évaluée tout de suite après son application selon les trois critères de Simonsen (complètement rétentif, partiellement collé ou absent). Un suivi a été réalisé avec ces mêmes critères d’évaluation sur une période de 12 à 22 mois. Sur les 122 dents cliniquement évaluées (7 patients ont été perdus de vue), seulement 22 % présentent des sealants complètement retenus à l’issue de la période de suivi, 66 % sont partiellement perdus et 12 % sont complètement absents (perdus). Concernant le moyen d’isolation, les auteurs révèlent l’absence de différence entre les trois méthodes évaluées sur la rétention des sealants après 22 mois de service. Ils précisent même que le type d’arcade ou de dent n’a pas d’impact notable sur ce niveau de rétention. Leurs résultats corroborent d’autres études précédemment réalisées évoquées dans leur discussion.

Commentaire

Le scellement prophylactique des sillons est un acte essentiel de prévention de la carie. En France, il s’agit du seul acte de prophylaxie qui fait l’objet d’une prise en charge de l’assurance maladie, bien que limitée aux 1res et 2e molaires permanentes une seule fois par dent et avant le seizième anniversaire. La première molaire permanente évolue à partir de 6 ans et la seconde à partir de 12 ans, mais leur évolution complète peut s’établir sur plusieurs années. Les dents ne sont donc souvent pas complètement évoluées lorsque l’indication du scellement prophylactique se pose, ce qui rend souvent la rétention d’un crampon difficile. De plus, la coopération des enfants de 7 ans n’est pas toujours suffisante pour accepter la digue dentaire, ce qui fait que la méthode de l’écartement des tissus périphériques (joues et langue) par des cotons salivaires absorbants associés à l’usage d’une aspiration est très souvent employée pour la mise en place des sealants. L’étude clinique rapportée ne montre d’ailleurs, et assez étonnement, pas de différence en matière de rétention de cette résine prophylactique à 2 ans selon qu’elle ait été posée sous champ opératoire ou à l’aide de cotons. De nombreux paramètres, hormis la qualité du collage, interviennent sur la pérennité des sealants mis en place chez des enfants à la coopération variable, sur des dents non préparées et soumises à des forces d’abrasion conséquentes. L’étude montre d’ailleurs un assez faible taux de pérennité à deux ans des sealants, quel que soit le mode d’isolation employé. Tant qu’il est bien en place, le sealant joue son rôle de barrière à la pénétration bactérienne au sein des puits et sillons. Dans les processus d’adhésion des polymères, le champ opératoire est un élément clé de succès, car il permet non seulement d’empêcher la contamination de la surface collée par les différents fluides buccaux, mais il sort aussi le substrat dentaire de l’atmosphère chaude et humide de la cavité buccale.

Aujourd’hui, la plupart des procédés d’adhésion sont suffisamment performants pour obtenir cette adhésion à l’issue de la séquence d’assemblage quel que soit le procédé d’évincement des fluides employé (digue ou cotons). Les enjeux actuels concernent bien sûr la valeur de la force d’adhésion, mais surtout la pérennité du résultat obtenu, c’est-à-dire la résistance à la dégradation dans le temps de l’interface de collage sous l’effet des contraintes mécaniques (forces de cisaillement) et/ou chimiques (hydrolyse et dégradation enzymatique). Seule l’application d’un champ opératoire étanche est capable de répondre à ces objectifs. Toutefois, pour ce qui concerne les scellements prophylactiques, leur but est d’offrir une barrière de protection le plus tôt possible, pendant la période où la dent qui vient de faire son apparition est la plus exposée au risque carieux. Ce procédé n’étant pas une restauration, sa perte n’implique « que » la perte de la protection prophylactique sans autre conséquence.
Il nous semble important de retenir de ces résultats, corroborés par de nombreuses autres études citées, que compte tenu de leur relativement faible pérennité, l’application des scellements des sillons doit s’inscrire dans une stratégie globale de prévention associant des rendez-vous de contrôle réguliers (ou plus réguliers) pendant la période de denture mixte afin d’appliquer des procédures de correction et de réajustements parmi lesquelles la réfection des sealants perdus. Notons toutefois que la CCAM précise un seul remboursement par dent, ce qui ne tient pas compte de leur faible résistance dans le temps démontrée par de multiples études ; mais le droit n’est pas le juste. Bien évidemment, l’évaluation de la qualité du brossage, l’enseignement à l’hygiène et les conseils fondamentaux en matière de prévention sont les compléments indissociables de toutes les approches préventives. Par ailleurs, l’étude rapportée évalue aussi le système IsoliteTM qui est un dispositif d’aspiration continue qui écarte aussi les tissus périphériques et produit une lumière intra-orale. Le fabricant du système le décrit comme aussi efficace qu’une digue dentaire. Bien évidemment, ce système, aussi efficace qu’il puisse être en matière de confort et de qualité d’aspiration, n’assure pas l’étanchéité autour de la dent soignée ou traitée. Il n’annule ni l’atmosphère humide ni même le bruit de l’aspiration (autre avantage de la digue dentaire). Ce dispositif n’a en outre montré aucune supériorité dans l’étude présentée. À plus de 2 500 €, il nous paraît donc bien plus indiqué d’investir dans des crampons et des feuilles de digue dont l’efficacité pour les collages n’est quant à elle plus à démontrer, et qui procure un confort de travail et de silence inégalable.

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