De l’importance d’une prise en charge précoce
Selon le rapport de la Haute Autorité de Santé en 2010 [6], diversfacteurs influencent l’apparition de la maladie carieuse, principalement l’hygiène bucco-dentaire et le comportement alimentaire. En effet, la qualité, la fréquence du brossage et la nutrition importent dès le plus jeune âge [2]. Le grignotage répété et l’absence de surveillance lors des petits déjeuners et goûters [1] sont notamment des facteurs associés à l’apparition de la maladie carieuse.
Afin d’évaluer la santé dentaire sont utilisés la proportion d’enfants indemnes de caries ainsi que divers indicateurs de l’atteinte carieuse sur dentures définitive (CAOD), temporaire (cot) et mixte (CAO mixte)(tableau 1).
L’enfant à 7-8 ans, par sa denture mixte notamment,est particulièrement vulnérable à l’atteinte carieuse.
Une étude de la Mutualité Sociale Agricole (2009) [8] sur les enfants de 7 ans indiquait une présence carieuse chez 31 % d’entre eux.
Les études concernant l’épidémiologie de la carie dentaire en France chez les 6 ans relevaient un CAO mixte moyen de 1,4 dans l’enquête de l’UFSBD en 2006 à 3,2 dans l’étude effectuée par les Centres d’Examens et de Santé en France métropolitaine et Guadeloupe entre 1999 et 2004 [3]. L’étude de Roland (2006) identifiait dans cette tranche d’âge un besoin en soins dentaires plus important, puisque les enfants de 6 ans présentant des caries avaient 3,2 dents à soigner en moyenne contre 2,5 chez les enfants de 9 à 12 ans [9].
Le besoin de prise en charge était important puisqu’environ un quart des enfants (24 % dans l’étude de la MSA [8], 25,3 % pour celle des CES [3]) était identifié comme nécessitant des soins dentaires.
Ces recherches soulignaient lesinégalités des enfants face aux besoins en soins dentaires.
Territoriales tout d’abord, comme le confirmaient les études effectuées par la MSA et les CES relevant un taux d’atteinte plus important dans le nord de la France et dans les départements d’outre-mer [4, 8].
Sociales, économiques et culturellesaussi : une prévalence plus forte était relevée en ZEP, chez les enfants en situation précaire ou nés à l’étranger. Ainsi, une étude effectuée à Nice en 2006 [7] constatait la présence de carie chez 68 % des enfants de 6 ans scolarisés en ZEP, alors que ce taux était de 33 % dans les autres écoles. Plus récemment, l’enquête UFSBD (2006) observait en France métropolitaine la présence de carie chez 48 % des enfants en ZEP alors que le taux était de 31 % en dehors de ces zones.
L’action de l’UFSBD
Face à ces constats, l’UFSB décidait de mettre en place une action afin d’établir un état des lieux de la santé bucco-dentaire des enfants de 7 et 8 ans, âges clés dans le développement dentaire, et scolarisés en ZEP d’Ile-de-France, lieux où la nécessité en soins semblait être relevée comme plus importante.
Objectifs et méthodes
L’intervention de l’équipe de chirurgiens-dentistes de l’UFSBD avait trois objectifs : la mise en place ou le renforcement de la prévention bucco-dentaire, le dépistage de lésions carieuses chez des sujets présentant un besoin de soins important et l’incitation à la réalisation des soins nécessaires.
L’intervention a eu lieu en deux temps :
- une séance collective axée sur la nécessité de consultations régulières, l’hygiène et l’importance du brossage. Elle évoque aussi l’alimentation, le fluor et les soins prophylactiques ;
- ensuite, demanière individuelle, la réalisation d’un examen bucco-dentaire et un entretien avec l’enfant sur ses habitudes d’hygiène ;
- l’établissement d’une note confidentielle aux parents informant de l’état de santé bucco-dentaire de leur enfant et des soins curatifs ou préventifs nécessaires.
Résultats
L’analyse porte sur les enfants scolarisés en CE1 dans des écoles de ZEP de trois communes d’Ile-de-France : Grigny, Melun et Viry-Châtillon. Ont été analysés les résultats concernant les enfants de 7 et 8 ans, soit 712 enfants au total (309 garçons et 291 filles).
État des lieux général
• L’atteinte carieuse : lors de cette visite, il a été observé que 376 enfants (53 %) présentent une ou des dents atteintes(fig. 1). 50,3 % présentent une ou des dents temporaires atteintes et 16,2 % présentent une ou des dents définitives atteintes.
Nous intéressant de plus près au type d’atteinte, nous observons que l’atteinte est de 1,8 dent en moyenne en denture temporaire et de 0,26 dent en denture permanente(fig. 2).
Le CAO mixte moyen est de 2,1 et 13 % des enfants présentent un CAO mixte supérieur à 5. Le besoin de soins concerne 47 % des enfants.
• L’hygiène dentaire : l’analyse de l’hygiène dentaire chez les enfants de 7 et 8 ans est évaluée par les chirurgiens-dentistes comme insuffisante ou moyenne pour un tiers des enfants (32,9 %)(fig. 3), en prenant en compte le fait que, dans certains des cas, les enfants étaient prévenus du passage des chirurgiens-dentistes et pouvaient présenter une meilleure hygiène que de coutume.
• Orthodontie et prophylaxie : les besoins en traitement orthodontique concernent 47,4 % des enfants. La présence de protection de sillons est constatée pour 1,7 % des enfants. Les professionnels conseillent la mise en place de sealents pour près d’un enfant sur deux (47,5 %).
Chez les enfants présentant des dents atteintes (CAO>0)
L’atteinte concerne en moyenne 3,91 dents (temporaires et définitives confondues). Seulement 11 % de ces enfants présentent l’ensemble des soins effectués et 67 % des enfants ne présentent aucun soin(fig. 1). En moyenne, 78 % de leurs lésions carieuses ne sont pas traitées. Le besoin de soins concerne 89 % de ces enfants et 15,6 % des enfants présentent une ou plusieurs dents de 6 ans obturée ou cariée.
Nous allons nous intéresser à ces 89 % d’enfants nécessitant des soins(fig. 1).
89 % des lésions ne sont pas traitées chez les enfants présentant des caries actives en denture temporaire, et 94 % dans le cas de caries actives en denture définitive(fig. 4).
Analyse comportementale
• Influence de l’âge : l’atteinte globale (CAO mixte) est significativement supérieure dans le groupe des enfants de 8 ans (en moyenne 2,53 dents touchées) que dans le groupe des enfants de 7 ans (en moyenne 1,95 dent touchée).
• Influence de l’hygiène : l’atteinte carieuse globale (CAO mixte) est significativement liée à la qualité de l’hygiène(fig.5).
Une hygiène initiale mauvaise ou insuffisante augmente de 2,16 le risque de présenter une carie en denture temporaire et augmente de 1,96 le risque de présenter une carie en denture permanente. L’amélioration de l’hygiène, et donc la suppression de ce risque dans l’ensemble de notre population, éviterait 36,85 % des lésions en denture temporaire et 13,46 % des lésions en denture définitive.
• Influence de la présence de caries en denture temporaire sur la présence de caries en denture définitive : la présence de caries en denture temporaire augmente de 5,33 le risque de présenter une carie en denture permanente. La suppression des caries en denture temporaire éviterait 53,7 % des lésions en denture permanente sur l’ensemble de notre population.
Conclusions
Ces résultats confortent la notion de prévalence augmentée dans les milieux scolaires classés en ZEP : 53 % des enfants présentent au moins une dent atteinte (CAO>0) quand les études de rangnational rapportaient des taux de l’ordre de 31 % [8, 10] et 47 % des enfants de notre étude présentent au moins une carie à traiter. Chez les enfants touchés par la carie dentaire, 3,91 dents sont atteintes en moyenne, proche des 3,2 relevés en moyenne dans les enquêtes nationales [3, 10], mais 13 % des enfants ont plus de 5 dents touchées et 78 % des dents atteintes ne sont pas soignées.
Un recours limité aux soins est observé : seulement 11 % des enfants atteints par une ou plusieurs caries présentent l’ensemble des soins effectués et 67 % des enfants touchés ne présentent aucun soin. La grande majorité des lésions restent actives, notamment en denture temporaire (89 %). Or la présence de carie en denture temporaire augmente de 5,5 le risque de carie en denture définitive. De plus, contrairement aux recommandations de la HAS établies en 2005 et 2010 [5, 6] concernant la pose de scellements prophylactiques, les actes préventifs sont insuffisamment mis en œuvre compte tenu du risque carieux objectivé : 1,7 % de sealents réalisés pour 47,5 % d’enfants les nécessitant.
Cet état des lieux met bien en évidencel’importance de la prévention et de la prise en charge précoces auprès de l’enfant. Le rôle que le chirurgien-dentiste peut jouer est important : dans la prévention, concernant l’hygiène dentaire et la mise en œuvre des soins prophylactiques permettant ainsi de retarder l’atteinte par la première carie.C’est enfin, surtout, l’occasion d’établir une relation de confiance, essentielle à l’heure des premiers soins.
Commentaires