L’une des raisons majeures de recommander l’arrêt de toute antibioprophylaxie systématique chez les patients à haut risque d’endocardite infectieuse avant une procédure dentaire bactériémique par les Britanniques en 2008, mais pas dans le reste du monde (à l’exception des Suédois), était que cette prescription résulterait en un nombre de morts par anaphylaxie plus élevé que le nombre de morts évitées grâce à cette antibioprophylaxie. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer les effets indésirables liés à une réaction anaphylactique (y compris les effets létaux) d’une telle antibioprophylaxie dans ce cadre en investiguant minutieusement la base de données de la pharmacovigilance nationale française depuis sa création en 1984 concernant l’amoxicilline et la clindamycine, les deux molécules actuellement recommandées en prise préopératoire unique. L’objectif secondaire était d’en inférer une incidence de l’anaphylaxie associée à l’amoxicilline secondaire à une telle prescription chez la principale population des patients à haut risque d’endocardite infectieuse, les porteurs de valves mitrales prothétiques.
En ce qui concerne la prescription d’amoxicilline, 11 061 effets indésirables anaphylactiques sont répertoriés dans cette base de données, dont 100 dans le cadre d’une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse dont 17 pour des procédures dentaires bactériémiques. Aucun cas d’anaphylaxie fatale n’a été déploré sur une période de 31 ans dans ce cadre. En ce qui concerne la prescription de clindamycine, 536 effets indésirables anaphylactiques ont été répertoriés. En plus, 42 cas d’infection à Clostridium difficile, effet indésirable potentiellement fatal associé à la prescription de cet antibiotique, ont été enregistrés. Aucun de ces cas, anaphylactiques comme infectieux, ne s’est déroulé dans le cadre d’une antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse.
L’estimation de l’incidence de l’anaphylaxie (non létale, donc) liée à cette antibioprophylaxie à base d’amoxicilline dans ce cadre est de 1/57 000 (95 % IC : 0,2-0,6). Ce chiffre est inférieur au risque rapporté dans la littérature pour un patient porteur d’une valve mitrale prothétique de développer une endocardite infectieuse qui est de 1/46 000.
Les auteurs en concluent donc qu’aucune réaction fatale secondaire à une telle antibioprophylaxie dans ce cadre n’a été enregistrée depuis plus de 31 ans. Ils en déduisent que le taux d’événements indésirables anaphylactiques dans ce cadre n’est pas un argument rationnel pour recommander la cessation de ce type d’antibioprophylaxie ; au contraire même, puisque l’incidence de ces événements indésirables est inférieure au risque de développer une endocardite infectieuse dans la population des patients porteurs de valves mitrales prothétiques.
Cette étude de grande envergure apporte un argument original supplémentaire au maintien, pour l’instant, d’une telle antibioprophylaxie dans le cadre bucco-dentaire. Sa principale limite est d’être basée sur un taux global d’événements indésirables déclarés spontanément à la pharmacovigilance d’environ 5 %. On peut cependant supposer que ce taux est bien supérieur dans le cas d’événements graves. Par ailleurs, cette étude fournit quantité d’autres données originales, plus particulièrement relatives aux caractéristiques des réactions anaphylactiques enregistrées dans ce cadre, des tests diagnostiques aux moyens de traitement.
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