Le collaborateur peut avoir un statut libéral ou un statut salarié. Ces deux statuts sont très différents, le premier devant respecter la loi du 2 août 2005 et le second le Code du travail.
Le statut du collaborateur à titre libéral
Il faut respecter strictement le statut légal conféré au collaborateur à titre libéral par la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (dite loi sur les petites et moyennes entreprises).
L’essentiel de cette réforme concerne le fait que, depuis 2005, le collaborateur libéral a le droit de constituer et soigner sa propre patientèle au sein du cabinet du titulaire, ainsi, d’ailleurs, que de compléter sa formation : selon les termes de l’article 18-II de la loi : « A la qualité de collaborateur libéral lemembre non salarié d’une profession mentionnée au I(professions libérales soumises à statut législatif ouréglementaire ou dont le titre est protégé) qui, dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d’un autre professionnel, personne physique ou morale, la même profession. Le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle en toute indépendance, sans lien de subordination. Il peut compléter sa formation et peut se constituer une clientèle personnelle. »
Il s’agit d’un changement important de la philosophie de ce contrat puisque, jusqu’à l’entrée en vigueur de ce texte, on considérait que le collaborateur, qui venait assister un aîné dans la profession tout en complétant sa formation soignait pour l’essentiel les patients du titulaire du cabinet et, à titre exceptionnel, après autorisation de ce dernier, quelques patients personnels qui étaient des parents ou des amis.
Le projet de loi sur « l’égalité entre les femmes et les hommes » qui vient d’être voté par le Sénat à la fin du mois de septembre dernier modifie le régime du contrat de collaboration libérale créé par
l’article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 précitée afin d’introduire, pour les collaboratrices enceintes et les collaborateurs qui souhaitent prendre leur congé de paternité et d’accueil de l’enfant, une période de suspension du contrat (seize semaine pour la grossesse et onze jour pour le père après la naissance) et de protection contre les ruptures de contrat (à compter de la déclaration de grossesse et jusqu’à l’expiration d’un délai de huit semaines à l’issue de la période de suspension du contrat pour ce qui concerne la collaboratrice), sauf accord des parties ou manquement grave aux règles déontologiques ou propres à l’exercice professionnel.
Les modalités pratiques de la conclusion du contrat
Le Conseil National de l’Ordre a établi un modèle de contrat qui est disponible en version papier au siège des conseils départementaux ou téléchargeable sur le site du Conseil national.
« Rétablissement du collaborateur ». Depuis 2010, le Conseil national a ajouté à son modèle un article 8 bis intitulé « libre rétablissement du collaborateur » dans lequel il est affirmé que le collaborateur conserve sa liberté de rétablissement, mais s’interdit tout acte de concurrence déloyale à la cessation de sa collaboration.
Ce nouveau modèle de contrat ne propose donc plusde clause de non-concurrence à compléter en indiquant un rayon et une durée, mais un simple rappel de l’article R. 4127-277 du Code de la santé publique (ancien article 70 du Code de déontologie) qui dispose qu’un chirurgien-dentiste qui a été remplaçant ou collaborateur d’un confrère pour une durée supérieure à trois mois consécutifs ne doit pas exercer avant l’expiration d’un délai de deux ans dans un poste où il puisse entrer en concurrence avec lui.
Cette notion de « poste où il puisse entrer en concurrence avec lui » est vague et donc, à notre avis, insuffisamment protectrice, car difficile à invoquer, sauf dans des cas limite (immeuble en face, même rue ou rue adjacente, etc.). Néanmoins, la Cour d’appel de Paris, dans un récent arrêt du 8 octobre 2013 (n° 13/14449, Pôle 1, Chambre 3) vient d’appliquer cet articleR.4127-277 en condamnant (sous astreinte de 1 000 epar jour de retard après un délai d’un mois) un jeune chirurgien-dentiste à cesser toute activité dans le nouveau cabinet où il s’était installé, car ce dernier était situé à quelques numéros dans la même rue que le cabinet où il avait exercé comme collaborateur pendant cinq ans et qu’il venait de quitter.
Ainsi que nous l’avons déjà écrit, l’introduction d’une clause de non-concurrence, aussi appelée clause de non-réinstallation, d’une durée et d’un rayon modérés dans un contrat de collaboration reste parfaitement légale et acceptée par les conseils départementaux (à titre d’exemple, le conseil départemental de Paris accepte une durée de deux ans et un rayon de 2 km, quant à celui des Hauts-de-Seine, il préconise une durée de deux ans et un rayon de 3 km).
Une telle clause de non-réinstallation ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’exercice du collaborateur et ne l’empêche pas d’assurer ultérieurement la continuité des soins sur ses propres patients (ce n’est pas parce qu’un collaborateur doit respecter une telle clause en région parisienne qu’il est dans l’impossibilité d’assurer la continuité des soins sur ses propres patients dans un environnement moderne où les moyens de transport sont très nombreux).
Rappelons enfin qu’une telle clause n’a pas à êtrerémunérée, la rémunération obligatoire ne concernant que la clause de non-concurrence des contrats de salariat (voir l’encadré en dernière page).
Tri des patients. Nous l’avons déjà dit, mais il paraît nécessaire de le répéter : l’un des problèmes majeurs posés par la loi du 2 août 2005 réside dans le tri, qui se révèle toujours délicat au moment de la résiliation du contrat, entre les patients du titulaire et ceux du collaborateur. En effet, le collaborateur ne peut informer de sa nouvelle adresse que ses propres patients et non ceux du titulaire, sauf à commettre une tentative de détournement de clientèle.
D’après le Conseil national, le patient du titulaire s’entend comme celui avec lequel le collaborateur aura été mis en relation par le titulaire pendant l’exécution du contrat. Cependant, le Conseil national souligne, dans la note annexée à son modèle de contrat, que le critère de la « mise en relation par le titulaire » ne constitue qu’un critère parmi d’autres et qu’il appartient à chacune des parties du contrat de déterminer le critèrequi convient le mieux à leur situation personnelle.Quoi qu’il en soit, le Conseil national préconise de procéder régulièrement et conjointement au recensement de leur clientèle respective au moyen d’un document daté et signé des deux parties, en double exemplaire.
Rappelons enfin que ce nouveau statut ne s’applique pas à la collaboration salariée, où l’assistant salarié est subordonné à son confrère employeur et pour laquelle la cause de non-concurrence reste la règle (à condition qu’elle soit rémunérée).
Le statut du collaborateur salarié
Le collaborateur salarié est immatriculé comme tel au régime général de la Sécurité sociale (caisse des cadres), il bénéficie de toutes les dispositions et de toutes les prérogatives du droit du travail (sauf s’il fait partie des personnels non statutaires de l’État et des collectivités locales, ce qui est le cas quand il travaille dans un centre municipal de santé).
La caractéristique essentielle du contrat de salariat est le lien de subordination dans lequel se trouve placé le salarié par rapport à l’employeur. Certes, cette subordination ne doit pas nuire à l’indépendance professionnelle (articles R.4127-209 et 249), mais elle a de nombreuses conséquences. Ainsi par exemple, des horaires peuvent être imposés au salarié. Par ailleurs, en cas de soins ou de travaux défectueux sur un patient, c’est la responsabilité civile de l’employeur qui est engagée et non celle du salarié, en application de l’article 1384 du Code civil selon lequel : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. » La Cour de Cassation est même allée plus loin en décidant que le praticien salarié qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par son employeur n’engage pas sa propre responsabilité à l’égard du patient (arrêt du 9 novembre 2004 de la 1re chambre civile n° 01-17168).
Deux conséquences très importantes de l’application du droit du travail sont à souligner :
– lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée, il ne peut y être mis fin par une simple lettre recommandée ouvrant le délai de préavis comme pour les contrats de collaboration libérale. Il faut respecter les règles de forme (entretien préalable) et de fond du licenciement, c’est-à-dire disposer pour l’employeur d’un motif réel et sérieux de licenciement (fondé soit sur la personne du salarié – sa faute, par exemple –,soit sur des causes extérieures de nature économique – une chute du chiffre d’affaires, entre autres) ;
– lorsqu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée, ce contrat, pour être valable, doit énoncer son motif comme : le remplacement d’un salarié absent ou un surcroît temporaire d’activité, car le recours au contrat à durée déterminée n’est autorisé que dans des cas limités et pour une durée qui ne peut dépasser dix-huit mois, renouvellement compris, même pour l’hypothèse du remplacement d’un salarié absent et alors même que le terme est imprécis, la sanction du non-respect de ces règles étant la faculté offerte au salarié de demander au Conseil de prud’hommes la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée.
En outre, pendant la durée du contrat à durée déterminée, il n’est pas possible de mettre fin au contrat, sauf faute grave ou force majeure. À l’issue normale de ce contrat, il doit être versé au salarié une indemnité dite de « fin de contrat » égale à 10 % de la rémunération totale brute due au salarié pendant la durée du contrat. Par ailleurs, la chambre sociale de la Cour de Cassation (plusieurs arrêts du 10 juillet 2002) subordonne la validité d’une clause de non-concurrence au versement au salarié d’une contrepartie financière (voir encadré).
La possibilité d’avoir plusieurs collaborateurs
Il est désormais possible, en application du nouvel articleR.4127-276-1 du Code de la santé publique, d’avoir
plusieurs collaborateurs, sous certaines conditions.
Le Conseil national a expliqué qu’il voulait prendre en compte les difficultés que rencontraient certains praticiens pour trouver des collaborateurs exerçant à plein temps ou pour réduire leur activité pour raisons de santé ou poursuite d’études alors qu’ils avaient déjà un collaborateur.
Il faut d’abord remarquer que toutes les restrictions antérieures à la possibilité d’avoir un collaborateur (cabinet secondaire, exercice annexe, présence d’un locataire) ont disparu depuis la réforme de Code de déontologie du 12 février 2009 : cela signifie par exemple que le chirurgien-dentiste propriétaire d’un cabinet exerçant par ailleurs dans un centre de santé ou chez un confrère peut avoir désormais lui-même un collaborateur ; de même, dans une hypothèse un peu plus complexe, une SELARL dont l’un des associés est aussi collaborateur ailleurs peut désormais prendre un collaborateur.
Pour ce qui concerne la possibilité de prendre undeuxième, et même un troisième collaborateur,cette faculté reste très encadrée (et donc très limitée) puisqu’elle nécessite une autorisation de l’Ordre donnée en fonction de critères stricts.
Il incombe au conseil départemental de donner l’autorisation pour le deuxième collaborateur uniquement si l’une des trois hypothèses suivantes est concernée :
– lorsque les besoins de la santé publique l’exigent, pour une durée de trois ans ;
– en cas d’afflux exceptionnel de population, pour une durée de trois mois ;
– lorsque l’état de santé du titulaire ou d’un associé exerçant le justifie, pour une durée de trois mois.
Cette autorisation est renouvelable.
Pour s’adjoindre un ou plusieurs collaborateurs supplémentaires au-delà du deuxième, c’est le Conseil national qui octroie les autorisations sous les mêmes conditions et pour les mêmes durées, étant néanmoins précisé que le Conseil national peut également donner une autorisation « pour tout autre motif » et pour « une durée qu’il détermine compte tenu des situations particulières », ce qui ménage une certaine souplesse au dispositif, mais demeurera sans doute relativement exceptionnel (sauf pour le cas assez répandu où le titulaire du cabinet prend deux collaborateurs parce que chacun ne peut travailler qu’à temps partiel).
Toutes ces dispositions bénéficient également auxsociétés d’exercice (SCP et SELARL).
Le conseil départemental ou le Conseil national adeux mois pour se prononcer sur les autorisationsdemandées, l’absence de réponse valant autorisation implicite passé ce délai.
L’indemnisation de la clause d’interdiction d’exercer pour le salarié
Les modalités de calcul de l’indemnisation de la clause de non-concurrence (la contrepartie financière) ne sont pas fixées par la loi. La jurisprudence précise toutefois que la contrepartie financière ne doit pas s’avérer « dérisoire » sans quoi l’interdiction de concurrence risque de se voir frappée de nullité par le juge.
En pratique, plusieurs modalités de calcul de l’indemnisation peuvent être retenues. Tenant compte de la spécificité de la profession dentaire, le principe de calcul du règlementde la contrepartie financière de la clause de non-concurrence est celui d’un fractionnement mensuel versé après la rupture du contrat, et ce pendant la durée de l’applicationde la clause.
À titre indicatif, le montant mensuel de la contrepartie attribuée au salarié peut être compris entre 1/5e et 1/3 de la rémunération brute moyenne des x derniers mois de présence du salarié au cabinet dentaire (la durée est déterminée librement entre les parties contractantes).
Cependant, l’indemnisation de la clause de non-concurrence peut également s’effectuer sous la forme d’un versement unique d’un capital au moment de la rupture du contrat.
Il appartient aux praticiens de retenir la formule la plus appropriée à leur situation.Le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ne peut intervenir avant la rupture du contrat de travail (Cour de Cassation, arrêt de la chambre sociale du 7 mars 2007).
Par ailleurs, cette indemnité étant assimilée à un salaire, elle supportera en tant que tel les mêmes cotisations sociales et contributions fiscales.
Commentaires