Retour sur l’ADF 2018 : Apprendre à bien communiquer avec les patients

  • Publié le . Paru dans Profession Assistant(e) Dentaire
Information dentaire
Comme chaque année, fin novembre, le congrès de l’ADF consacre plusieurs sessions de formation aux assistant(e)s dentaires. Avec toujours le même succès : les ateliers pratiques et les séances plénières ont fait salle comble. Deux sujets étaient particulièrement à l’honneur, traités sous des angles différents dans plusieurs conférences : la communication au sein du cabinet ou avec les patients, et les évolutions à venir du métier d’assistant dentaire. Concernant la communication, deux sessions furent particulièrement intéressantes.

Mieux se connaître pour s’adapter aux autres et mieux communiquer

Dans le feu quotidien de l’action, bien communiquer n’est jamais aisé. Langage ou comportement inadaptés peuvent engendrer une montée du stress générant parfois des conflits entre membres de l’équipe ou des situations difficiles avec les patients. Garder son calme ne suffit pas toujours… Il serait tellement plus simple de connaître le profil de son interlocuteur, de le « décoder » pour s’adresser à lui sur « la même longueur d’onde » !
Hé bien, c’est justement ce que propose la Process Com. Une méthode créée dans les années 1960 par Tibi Kahler, un psychologue américain, présentée par Laurent Colineau fondateur d’un cabinet de coaching pour les entreprises et Corinne Lallam, chirurgien-dentiste à Paris qui applique ce modèle dans son cabinet.
De quoi s’agit-il ? « Identifier son propre profil de personnalité mais aussi celui des patients, ainsi que leurs possibles comportements sous stress, pour adapter notre communication et notre attitude à leurs besoins », explique Corinne Lallam. Six profils de personnalité ont ainsi été identifiés. Chacun d’entre nous a un type dominant, acquis pour la vie, et des caractéristiques de chacun des autres types, dites « phases ». Face à un interlocuteur de type dominant différent, l’objectif est de faire appel à l’une des phases que nous possédons et qui correspond à son type dominant pour entrer « en résonance » avec lui.
« Notre présentation est très succincte, prévient Laurent Colineau. Nous proposons normalement trois journées de formation pour maîtriser cette méthode, car il faut de la pratique pour bien jauger son interlocuteur. » Voici les six profils. Vous reconnaissez-vous ?

L’empathique

Sa question existentielle : suis-je aimable ?
Ses points forts : compatissant, sensible, chaleureux, il possède une grande capacité d’écoute. Il aime être utile aux autres.
Ses besoins psychologiques : être reconnu en tant que personne, et pas nécessairement pour son travail ou ses opinions, et se sentir important. Il veut vivre dans un environnement chaleureux. Il prend ses décisions avec son cœur.
Ses points faibles sous stress : l’empathique à tendance à en faire trop, car il manque d’assurance. Il se sent victime et va parfois faire des erreurs qui pourront le décrédibiliser ; il se sentira alors rejeté.

Le travaillomane

Sa question existentielle : suis-je compétent ?
Ses points forts : logique, responsable, organisé, il gère parfaitement le temps. Il a un esprit de synthèse.
Ses besoins psychologiques : être reconnu pour son travail, pour sa réflexion et ses réalisations, sa planification des événements. Il recherche à structurer son temps et son espace. Il a besoin d’avoir des repères précis. Il ne négocie pas le temps.
Ses points faibles sous stress : il devient irritable, perfectionniste, tatillon, ne délègue pas, par crainte de perdre son utilité, et finalement il rejettera les personnes avec qui il travaille, pour leur incompétence.

Le persévérant

Sa question existentielle : suis-je digne de confiance ?
Ses points forts : engagé, observateur, consciencieux, champion de l’écoute, il est volontiers débatteur. Il parle avec force et aplomb, aime convaincre.
Ses besoins psychologiques : être reconnu pour son implication, ses convictions et ses réalisations.
Ses points faibles sous stress : il devient exigeant et moralisateur. Il se focalise sur ce qui ne va pas et peut partir en croisade : il n’écoute plus, coupe la parole et ne changera pas de point de vue. Il rejette et accuse son entourage. « Vous avez été nul », dira-t-il.

Le rebelle

Sa question existentielle : suis-je acceptable tel que je suis ?
Ses points forts : il est créatif, avec de l’humour, pétillant, ludique. Il vit l’instant présent, le temps n’est pas un impératif.
Ses besoins psychologiques : les contacts toniques, la variété et l’amusement.
Ses points faibles sous stress : il râle, blâme son entourage, se trouve des excuses, cherche la confrontation, et finalement attend que les autres fassent les choses à sa place.

Le rêveur

Sa question existentielle : suis-je voulu ?
Ses points forts : plutôt introverti, il est réfléchi, imaginatif et calme, stratège.
Ses besoins psychologiques : il a besoin de solitude, de temps pour lui, de calme. Il ne verbalise pas forcément cela et peut apparaître comme quelqu’une qui « snobe » les autres, alors qu’il souhaite juste être seul.
Ses points faibles sous stress : il devient passif, se replie sur lui-même, se coupe des autres, devient transparent et finit par s’isoler.

Le promoteur

Sa question existentielle : suis-je vivant ?
Ses points forts : adaptable, charmeur, plein de ressources, intuitif.
Ses besoins psychologiques : le besoin d’excitation, de sensations fortes.
Ses points faibles sous stress : il manipule, prend des risques inconsidérés, laisse tomber parce qu’il s’ennuie (les autres sont des incompétents), ne se remet pas en question.

« Si je tombe sur un patient rêveur, je vais activer l’étage rêveur de ma personnalité pour rentrer en résonance avec lui, décrypte Laurent Colineau. Ce n’est pas mon tempérament premier, peut-être même que je n’apprécie pas ce type de personnalité, mais il va falloir que je mobilise ces traits de caractère qui sont en moi si je veux communiquer efficacement. » Il s’agit de répondre au besoin psychologique du patient ou d’un membre de l’équipe. Un rêveur aura besoin d’être guidé ; le promoteur adorera qu’on lui parle largement de son plan de traitement complexe avec force mots savants et conviction ; l’empathique voudra partager des expériences de vie quotidienne ; le travaillomane sera satisfait si l’équipe du cabinet se met à son service et respecte l’horaire de son rendez-vous ; le persévérant aimera qu’on l’implique dans son traitement. « La difficulté est de reconnaître le caractère de son patient, mais avec un peu d’entraînement ça va vite, remarque Corinne Lallam. Essayez ! En plus, c’est amusant. »

L’hygiène orale à travers l’éducation thérapeutique et l’entretien motivationnel

Parler d’hygiène orale au cabinet ? Cela va sans dire, et pourtant. « Non, le sujet n’est pas abordé si fréquemment que cela dans les cabinets dentaires, rappelle Yves Estrabaud, chirurgien-dentiste spécialiste en parodontologie à Angers (Maine-et-Loire). Or, il faudrait systématiquement rappeler pourquoi l’hygiène orale est importante et expliquer au patient comment procéder, parce que c’est la meilleure solution pour prévenir l’apparition de maladies bucco-dentaires et s’assurer que nos traitements seront efficaces le plus longtemps possible. » Or, comment aborder le sujet avec les patients ? En prenant le temps nécessaire, à travers l’éducation thérapeutique ou l’entretien motivationnel. Explications.

L’éducation thérapeutique, un travail d’équipe

Selon le code de la Santé publique, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) vise « à accompagner les patients atteints de maladie chronique et leur entourage, à mieux comprendre leur maladie, ses conséquences ainsi que leur traitement afin d’améliorer leur qualité de vie ».
« Il s’agit d’intégrer aux séances de soins des “temps éducatifs” consacrés à l’éducation du patient, décode Sophie Daquin, praticienne à Theix (Morbihan). Cela permet de mettre en évidence les besoins du patient selon sa problématique dentaire (stress, tabac, plaque…) et de lui proposer des solutions. »
Cette démarche dans laquelle on invite le patient à devenir acteur de sa santé ne peut fonctionner sans le soutien actif de l’assistant(e) dentaire. « Il/elle va relayer au mieux, avec des mots parfois plus simples et percutants, le discours du praticien, et va surtout encourager les patients à poursuivre leurs efforts au long cours », souligne Sophie Daquin.
La démarche est initiée par le praticien. Il prend quelques minutes dans la salle de soins, accompagné de son assistant(e), pour faire passer à ses patients des messages en hygiène bucco-dentaire liés à leur situation : risques parodontaux pour les fumeurs, conseils pour les femmes enceintes, brossage des dents pour les jeunes patients ou encore conseils nutritionnels pour lutter contre l’érosion de l’émail. Puis, au fil des séances de soins, c’est l’assistant(e) qui est à la manœuvre pour rappeler ces conseils et encourager les patients. Voilà pour l’éducation thérapeutique.

L’entretien motivationnel, plus formalisé

Plusieurs études montrent que l’adhésion aux mesures d’hygiène bucco-dentaire augmente si une composante psychologique accompagne les instructions. On part du principe que la persuasion directe (« vous devez faire comme-ci ») ne fonctionne pas. Le changement de comportement doit émaner du patient lui-même. L’entretien dure en moyenne vingt minutes. Organisé dans une pièce à part, il nécessite l’écoute active et l’empathie de celui ou celle qui conduit l’entretien.

 
Premier objectif : dresser l’état des lieux en identifiant avec le patient sa « maladie », son historique et ses éventuelles conséquences sociales, économiques et physiques. « Il faut déculpabiliser, comprendre, surtout ne pas blâmer », suggère Sophie Daquin. « On va vous aider. On ne vous a pas appris les bons gestes. Ce n’est pas grave. »
 
Ensuite, il faut faire prendre conscience au patient des conséquences positives induites par le changement. Comment l’acceptation et le suivi du protocole de soins permettront, par exemple, d’améliorer l’état de santé général ou de modifier positivement les relations avec l’entourage. « L’adhésion au protocole de soins ne peut se faire que si le patient acquiert la certitude qu’il pourra ainsi maîtriser sa maladie ».
 
Deux outils indispensables : les questions ouvertes et la reformulation. Les premières poussent le patient à développer ses idées et à aller profondément dans ses réflexions. « Que pensez-vous qu’il arrivera si vous ne vous brossez mieux les dents ? Cela vous semble difficile d’être régulier dans le brossage ? Qu’est-ce qui pourrait vous y faire penser ? Comment pensez-vous pouvoir améliorer le brossage ? » La reformulation permet de montrer que le patient est écouté et compris.
Dans ce « face-à-face » avec le patient, l’assistant(e) est particulièrement bien placé(e) : il/elle est dans l’écoute plus que dans l’expertise, sa relation avec les patients est plus libre et aisée. Mais les techniques utilisées pour ces entretiens motivationnels s’apprennent. De nombreux ouvrages et formations sont disponibles.

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