Une passion née très tôt
Amand Malençon (fig. 1), né en 1911, est diplômé chirurgien-dentiste à Paris en 1943. Dès son plus jeune âge, il se passionne pour les sciences, la mécanique, notamment les équipements de radio communication, la TSF de l’époque. Il veut être ingénieur, ce qui n’est pas du goût de son père médecin. Pendant la guerre, ses connaissances en TSF lui permettent d’être actif avec la résistance. Il se lie alors d’amitié et rend de très grands services à Philippe Waldberg, d’une grande famille d’industriels juifs qui le soutiendra dans ses aventures de chercheur. Au sortir de la guerre, il s’installe à Paris. En 1949, il est nommé chef de clinique et en 1952 reçu professeur en physiothérapie.
En 1948, un jeune ingénieur, André Baty, vient se faire soigner à son cabinet : ils s’entendent tout de suite. C’est le début d’une collaboration et grande amitié de presque cinquante années. Baty sera le bras droit de Malençon, son conseiller, son associé parfois, son ami toujours. André Baty, en 1998, nous a retracé toute la carrière d’Amand Malençon : « Malençon avait toujours plein d’idées, parfois irréalistes, parfois excellentes, géniales même. Il fallait savoir le contenir et ce n’était pas toujours facile car il avait toujours raison. Toutes les idées et les concepts étaient de lui. Ce sont vraiment ses inventions, ses équipements. Je n’étais avec lui que pour le seconder. Il connaissait très bien certains sujets techniques comme l’électricité, les télécommunications, l’ergonomie qu’il dominait en subjuguant tout le monde. Il avait un incroyable don de persuasion et rien ne lui résistait. Il savait anticiper et se tenir au courant de l’évolution des techniques. C’était un excellent vulgarisateur et un pragmatique. Il a été le premier à se préoccuper sérieusement de la colonne vertébrale des dentistes. »
L’ergonomie du poste de travail
En 1949, son premier projet avec Baty est baptisé Stabilux, un système d’éclairage au néon avec déphasage des tubes pour éviter l’effet stroboscopique.
En 1951, c’est l’apparition du Physiobloc par la Sebloc. Il s’agit d’une tablette-boitier comportant les éléments destinés à la production des agents physiques. Ce Physiobloc est monté sur un bras articulé très mobile solidaire du fauteuil.
Malençon commence à s’intéresser aux problèmes des positions de travail et s’oriente vers une position assise (fig. 2). Popesco préconise de suspendre l’instrumentation en la rendant plus mobile, et de supprimer l’unit pour donner plus de liberté à l’opérateur : élimination du diktat des colonnes style pompe à essence ! Malençon réalise qu’il faut revoir complètement la conception de l’équipement dentaire. Il s’intéresse alors plus particulièrement à l’ergonomie des postes de travail dans l’industrie. Il transpose les solutions en les adaptant au poste dentaire.
Une innovation majeure : le Bloc opératoire dentaire
En 1952, Malençon convainc une équipe de réaliser un nouvel équipement pour concrétiser ses concepts ergonomiques. Stupéfaction générale de la profession en 1954 à la présentation du Bloc opératoire dentaire de Malençon (fig. 3). C’est un équipement dentaire innovant, vraiment étonnant, avec des mécanismes de mouvements télécommandés par des systèmes électropneumatiques, et un support d’élévation du fauteuil fondé sur le principe de la déformation d’un parallélogramme articulé. Principe qui sera adopté par tous les fabricants.
Le siège opérateur et l’excellent Physiobloc sont tous deux librement solidaires du fauteuil. Cet ensemble est équipé d’éléments mobiles suspendus en assurant une excellente accessibilité. La possibilité d’une position complètement allongée du patient est prometteuse pour l’ergonomie.
Les fauteuils s’enchaînent…
En 1961, c’est la présentation du premier Conformatic de Malençon fabriqué par Gallus (fig. 4). Il s’agit d’une version simplifiée et nettement améliorée du Bloc opératoire. Les équipements, d’une grande mobilité, sont rassemblés sur une seule colonne. Le Conformatic, vendu pendant près de dix ans à plus de cinq mille exemplaires, est un succès considérable pour Gallus et Malençon.
Fin 1961, c’est la sortie du Clinic, de la société Revima, toujours en collaboration avec Waldberg et Baty (fig. 5). Le système d’élévation du fauteuil du Clinic est incorporé dans la colonne centrale de l’équipement. Le fauteuil à dossier échancré est incliné de cinq degrés vers le praticien. La têtière, très novatrice, de forme circulaire est équipée d’un coussin avec des positions à blocage hydrostatique commandé au pied. Le concept du système d’élévation du fauteuil sera repris par de nombreux fabricants.
Malençon supervise aussi pour Gallus toute une nouvelle gamme d’équipements qui, avec le Compact, l’Universel, le Sigma J, le Fisiodent et le Conformatic, participe pendant une quinzaine d’années au succès de Gallus.
En 1963, Malençon travaille pour Quétin à la réalisation d’un nouveau concept de fauteuil : le RC (Relaxation Compensée) pour s’harmoniser avec le Supramatic.
En 1969, c’est l’inauguration des nouvelles installations cliniques de l’École Dentaire de Rennes avec tous les équipements suspendus de type Revima 56, spécialement étudiés par Malençon (fig. 6). C’est l’aboutissement de tout un concept d’accessibilité, de simplicité, de liberté. Malençon en est particulièrement fier.
Il cesse en 1974 son activité professionnelle de cabinet. De plus, il est pressé par des problèmes financiers qui l’ont poursuivi toute sa vie. Il aurait pu tirer bien plus de revenus de ses collaborations industrielles, mais il n’est pas un homme d’argent.
Dès les années 1985, fin visionnaire, il est l’un des premiers à s’intéresser aux travaux de Francis Mouyen sur ce qui deviendra la radiovisiographie RVG dentaire. C’est aussi un ardent défenseur de l’enseignement avec démonstrations télévisées.
L’aventure du Dentoscope
Au début des années 1990, Malençon reprend un nouveau concept de travail en bouche avec vision directe sur un écran par minicaméra buccale, avec suppression du miroir. On y gagne surtout en posture, en accès de travail et en qualité de vision.
Très motivé, il persuade Monsieur Kohn, ingénieur TV, de créer la Société Dentoscope Distribution. La DO1 de Dentoscope est la première caméra intrabuccale commercialisée, c’est un échec financier… L’idée est reprise par Gallus pour la DO2, produite à plus de 150 exemplaires, mais des cartes informatiques défectueuses conduisent à une deuxième faillite. La caméra est améliorée par Dentoscope Technologie qui sort en 1994 la DO3, un produit de qualité remarquable, mais qui ne rencontre pas, chez les chirurgiens-dentistes, le succès escompté (fig. 7).
Un bilan très complet
Le professeur Amand Malençon, même s’il n’a pas toujours été le premier, est à l’origine de nombreuses innovations en équipements dentaires, dont la liste est impressionnante !
Premier système d’élévation de fauteuil dont la cinématique est fondée sur le principe de la déformation d’un parallélogramme articulé, en remplacement de la colonne du fauteuil.
Utilisation de systèmes hydropneumatiques télécommandés, gestion d’assistance pneumatique, comme en aéronautique. Cela constitue un progrès décisif.
Premier système d’élévation de fauteuil déporté dans la colonne de l’unit.
Premier fauteuil incliné sur le côté et à échancrure latérale.
Seringue universelle multifonctions avec Gallus.
Concentration et miniaturisation des agents physiques utilisés dans le secteur dentaire.
Utilisation des ultrasons comme énergie de fraisage.
Première caméra intrabuccale pour travailler directement en bouche.
Utilisation dans le domaine dentaire de déclencheurs électromagnétiques à distance : d’une importance capitale.
Premiers usages et banalisation des joints toriques en matériel dentaire : une avancée technique avec d’importantes conséquences.
Banalisation des cellules photoélectriques en matériel dentaire.
Préconisation et participation à la promotion de l’outil télévisuel avec démonstrations en circuit fermé.
Mais, avant toutes choses, Armand Malençon est l’un des premiers à se préoccuper de l’ergonomie du poste de travail dentaire, à définir les bonnes positions et à y inclure la physiologie de la colonne vertébrale.
Directement concerné par son exercice personnel, très pragmatique, ce praticien exceptionnel a deux priorités : le siège d’opérateur et l’accessibilité de l’instrumentation dynamique. Ainsi, il est vraiment le promoteur du travail assis et l’un des premiers à pouvoir allonger complètement les patients, permettant un accès direct, la colonne en bonne position.
Le professeur Amand Malençon fut un remarquable précurseur en ergonomie. La profession dentaire doit en grande partie à ce praticien exceptionnel de travailler aujourd’hui en position assise.
Pour plus d’informations
www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad
www.biusante.parisdescartes.fr/aspad/expo113.htm
www.biusante.parisdescartes.fr/mvad
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