L’objectif de cet article est de présenter, sous la forme d’un cas clinique, un nouveau dispositif d’ancrage postérieur mandibulaire par fil d’ostéosynthèse, nommé « Abalakov ». Il est notamment indiqué dans les cas de préparations orthodontiques avant chirurgie orthognatique.
Le cas rapporté est celui d’un jeune homme de 21 ans sans antécédent, qui consulte pour « des dents en avant ». Le diagnostic dentaire est une classe II division 1 d’angle avec un surplomb (8 mm) et recouvrement (5 mm) augmentés. Les 38 et 48 sont incluses. Le diagnostic radiographique confirme une classe II squelettique, des incisives maxillaires et mandibulaires vestibulo-versées.
Ces analyses ont conduit à la décision d’une chirurgie orthognathique de correction de la classe II et de l’hypodivergence. Les différentes étapes du traitement, d’une durée totale de 22 mois, sont détaillées dans l’article. Brièvement, un système multi-attaches a été mis en place, les dents de sagesse mandibulaires ont été extraites simultanément à la pose de l’ancrage osseux de type « Abalakov » qui a été activé (système de traction directe de l’arcade mandibulaire via 2 ressorts fermés en nickel titane). La chirurgie orthognathique (ici une ostéotomie bi-maxillaire avec distraction maxillaire) a eu lieu un an après le début de traitement.
Commentaire
Cette technique d’ancrage glaciaire a été inventée par les frères Abalakov, alpinistes, dans les années 1930. Elle permet de s’assurer dans la glace lorsqu’aucune voie n’est ouverte et consiste à percer 2 trous qui se rejoignent à équidistance, formant un triangle équilatéral dans la glace avec le passage d’une corde.
En 2015, les Drs Cresseaux, Filippi et Granger se sont inspirés de cette technique pour inventer et développer un système d’ancrage mandibulaire plus simple et rapide. En effet, le recul de l’arcade mandibulaire, avec redressement des incisives, est fastidieux et peut s’envisager grâce à des minivis ou miniplaques qui présentent certains inconvénients : déplacement de l’ancrage, accès anatomique difficile, complexité des insertions et activation.
La pose de fils d’ostéosynthèses, placés dans la branche montante, constitue une alternative. La pose se fait généralement dans le même temps opératoire que l’avulsion des 4 dents de sagesse. Le forage est réalisé dans la branche montante au niveau de la ligne oblique interne, à la hauteur du plan d’occlusion. Le fil est alors inséré et l’orthodontiste l’active. Dans cette zone rétro-molaire, l’ancrage est stable et permet d’assurer une traction postérieure de l’ensemble de l’arcade mandibulaire avec le moins de mouvements secondaires possibles.
L’intérêt de cet article est l’illustration de cette nouvelle technique d’ancrage inspirée de l’alpinisme et adaptée à l’ancrage mandibulaire par ce cas clinique.
Les avantages de cette technique sont présentés dans cet article : simplicité de mise en place et de retrait, stabilité, durée de traitement courte, peu de mouvements parasites, technique peu onéreuse, biocompatibilité des fils d’ostéosynthèse, alternative aux avulsions de prémolaires et au port d’élastiques. Enfin, cette technique présente peu de contre-indications.
Les limites sont liées à la nouveauté de cette technique, il existe actuellement peu de publications sur ce sujet (études et résultats en cours de publication).
En conclusion, si cette technique nécessite d’être évaluée par plus de données prospectives et rétrospectives (durée de traitement, efficacité, effets secondaires, tolérance clinique…), cet ancrage squelettique dans la partie antérieure de la branche montante par fil d’ostéosynthèse, dit « Abalakov », se révèle une option très prometteuse. Elle est un moyen simple, confortable, peu onéreux, reproductible et très efficace de distalisation en masse de l’arcade mandibulaire, avec un redressement net des incisives mandibulaires. Cette option pourra être évoquée entre correspondants chirurgiens-dentistes, orthodontistes, chirurgiens oraux et maxillo-faciaux dans les cas de préparations orthodontiques préchirurgicales de correction des anomalies des classes II, d’asymétrie d’arcade ou d’ouverture d’espace, et des compensations dento-alvéolaires pour aboutir à des arcades en occlusion de classe 1 d’angle.
Commentaires