Le 19 mars, la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a fini d’examiner les quelque 2 300 amendements déposés sur le projet de loi de santé.
Le texte ainsi amendé va poursuivre son parcours législatif. Il sera discuté par les députés en séance publique à partir du 31 mars puis examiné par la Commission des affaires sociales du Sénat avant une lecture par la Chambre haute et un éventuel passage final en Commission mixte paritaire (députés et sénateurs à parité) pour aplanir les dernières divergences. Il n’y aura qu’une seule lecture par chambre au lieu de deux habituellement, le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi. Les débats seront encore longs et d’autres amendements ou rebondissements de séances interviendront.
Mais, après ce premier passage en commission des affaires sociales, il faut bien le dire : la profession est relativement épargnée. Après l’acmé de l’avant-projet de loi Macron du début d’année, la pression est retombée.
On ne parle plus, jusqu’ici, d’ouverture du capital des SEL, de dissociation de l’acte prothétique ou d’affichage des prix de la prothèse. Quatre amendements visant « à instaurer une remise systématique de la facture du prothésiste par le professionnel au patient, afin que ce dernier prenne connaissance des conditions, et notamment du prix d’achat et du lieu de fabrication du dispositif médical », ont ainsi été rejetés. Il subsiste une avancée très positive, l’inscription des assistantes dentaires au Code de la santé publique (lire ci-contre) et un point noir, l’instauration du tiers payant généralisé (TPG) au 30 novembre 2017.
Tiers payant : usine à gaz
L’amendement adopté le 19 mars à 3 h 30 du matin, après un long débat, prévoit que « les professionnels de santé exerçant en ville » pourront, dès le 1er juillet 2016, appliquer volontairement le tiers payant aux patients en affection longue durée (ALD) et aux femmes enceintes. Pour ces patients couverts à 100 %, le tiers payant devient un droit à partir du 31 décembre 2016. À compter du 1er janvier 2017, les praticiens qui le souhaiteront pourront appliquer le tiers payant aux bénéficiaires de l’assurance maladie « sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire et sur celle couverte par leur organisme d’assurance maladie complémentaire ». Ce dispositif sera de droit le 30 novembre 2017. L’amendement précise que l’assurance maladie et les complémentaires santé (mutuelles, prévoyance et société d’assurance) devront transmettre au gouvernement « au plus tard le 31 octobre 2015 », un rapport présentant les solutions techniques permettant la mise en place pratique du dispositif autorisant « le déploiement d’une solution technique commune permettant d’adresser aux professionnels de santé ayant fait ce choix un flux unique de paiement ».
La garantie de paiement est validée (hors complémentaires), mais pas les délais de paiement qui seront, eux, précisés par décret. Les franchises médicales seraient « prélevées sur le compte bancaire de l’assuré » ou « récupérées » sur les prestations à venir, sans détails sur la procédure.
Réforme dogmatique
Le tiers payant fait l’unanimité contre lui chez les médecins comme dans la profession. L’UJCD dénonce une « usine à gaz », dont la gestion « sera odieusement complexe et entraînera des frais administratifs lourds qui devront être reportés sur nos honoraires ».
La FSDL estime de son côté que le tiers payant va engendrer « une surcharge administrative et une paperasserie insupportable dans nos cabinets dentaires avec tous les risques d’impayés inéluctables (…). Ce n’est pas en promettant la “gratuité” des soins que l’on va résoudre le problème du blocage des remboursements sur les prothèses dentaires depuis 27 ans et celui des honoraires de soins opposables indignes d’un pays civilisé ».
Catherine Mojaïsky, présidente de la CSND, considère que le tiers payant amplifiera la bascule de la profession dans les réseaux de soins. « Ce système leurrera les patients en leur faisant croire que leurs soins sont gratuits. Surtout, on voit bien que cette réforme dogmatique sans concertation n’est qu’une façon détournée pour l’État de réguler les tarifs en livrant par ce biais le système de soins aux complémentaires ».
Comme les deux autres syndicats dentaires, la CSND demande le retrait du TPG. Catherine Mojaïsky propose au ministère de la Santé « d’initier une négociation conventionnelle tripartite avec l’assurance maladie et les complémentaires pour trouver la voie d’une réforme structurelle redonnant une cohérence économique à tous les actes dentaires et améliorant la prise en charge des patients ». Le vote de la loi de santé à l’Assemblée nationale est programmé le 14 avril.
Les assistant(e)s au Code de la santé publique : amendement adopté !
Un amendement au projet de loi de santé, adopté le 19 mars par la Commission des affaires sociales de l’Assemblé, propose de rédiger ainsi l’article L. 4393‑8 du Code de la santé publique (CSP) :
« La profession d’assistant dentaire consiste à assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité et son contrôle effectif. Dans ce cadre, l’assistant dentaire contribue aux activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire. » Le même article soumet les assistants dentaires au secret professionnel. Enfin ! Le projet de loi ainsi amendé passera en première lecture à l’Assemblée nationale à partir du 31 mars. Il devra être voté par les députés puis dans les mêmes termes par les sénateurs. L’amendement aujourd’hui adopté reprend les termes de l’article déjà proposé lors du vote de la loi Fourcade au Parlement en 2011.
Il prévoit de réserver l’exercice de la profession aux seules personnes titulaires du titre de formation française.
« Les modalités de la formation et notamment les conditions d’accès, le référentiel des compétences ainsi que les modalités de délivrance de ce titre sont fixés par arrêté du Ministre chargé de la santé, après avis conforme
d’une commission comprenant des représentants de l’État et des partenaires sociaux représentant les chirurgiens-dentistes et les assistants dentaires, dont la composition est fixée par décret. » De quoi structurer
la profession d’assistant(e) dentaire. L’article contenu dans la Loi Fourcade avait été adopté par le Parlement, mais finalement retoqué par le Conseil constitutionnel, non sur le fond, mais sur la forme.
Les “sages” avaient estimé que l’objet de cet article n’avait pas de lien direct avec le texte initial de la loi. Il ne reste plus qu’à espérer que cet amendement ne vive pas le même sort.
Quels seront les avantages d’une inscription au CSP ? D’abord la possibilité de créer des passerelles aujourd’hui inexistantes entre cabinets libéraux, hôpitaux et centres de santé. Car l’inscription au CSP cela veut dire obtenir un diplôme unique reconnu par l’État et donc valable en toutes circonstances.
Cette reconnaissance officielle entraînera une revalorisation du métier et probablement la mise en place de délégations de tâches et peut-être à terme la création du fameux métier d’hygiéniste.
Le passage dans le CSP pourrait donc aussi sécuriser les assistant(e)s dans leur métier et leur donner
la possibilité de « faire carrière » avec des évolutions de postes.
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