L’éclairage est depuis quelques années bouleversé par la technologie LED qui s’impose et remplacera dans un très court terme toutes les sources d’éclairage. Ce phénomène est accéléré par la mise en application progressive des directives européennes. Cela n’est pas sans conséquence car, intrinsèquement, la LED émet une lumière très différente des anciennes sources : son spectre est particulier et sa luminance très élevée.
Or ces deux facteurs ont sur l’œil des incidences très fortes qui ne sont toujours pas assez prises en compte. La situation que nous rencontrons aujourd’hui avec la LED peut s’apparenter à celle de 1936, année des premiers congés payés où beaucoup ont pris le chemin de la mer : personne à l’époque ne se méfiait des méfaits d’une exposition prolongée au soleil. Les effets s’en sont pourtant fait sentir vingt ans plus tard, avec l’apparition des cancers de la peau. Il y a bien souvent un décalage entre l’apparition du risque et le constat des conséquences.
S’agissant de l’oeil et à luminance constante, la nature de la lésion cellulaire est différente d’une source d’éclairage à une autre. La LED représente un risque connu qui doit être pris en compte car ses conséquences seront constatées d’ici à plusieurs années. Il sera alors trop tard.
Pour autant, la LED a de grands avantages. Bien gérée, parfaitement sélectionnée et sûrement diffusée, elle permet d’obtenir des éclairages comme jamais il n’en a été fabriqué. Mais l’excellence côtoie le pire sur le marché. Il convient de connaître les critères spécifiques pour choisir les bons luminaires. Des caractéristiques précises permettent d’assurer aux praticiens vision optimale, fatigue minimale et préservation de sa santé.
Quatre critères fondamentaux
sont à considérer
Chacun influe sur une composante physiologique de notre fonctionnement : les trois premiers permettent d’optimiser le fonctionnement de l’œil et donc la construction d’une image parfaite ; le quatrième a une incidence sur nos biorythmes, notre mémoire, notre fatigue et notre vieillissement.
1. Permettre l’ouverture suffisante de la pupille, car cela améliore la définition de l’image. L’ennemi, c’est l’éblouissement par réverbération (comme en bateau ou au ski). Nous nous sommes façonnés sous la lumière du ciel. Notre œil est ainsi protégé de la lumière zénithale par sa position dans l’orbite, par les cils et les sourcils. Mais la lumière qui est réfléchie va directement sur la macula, entraînant une fermeture réflexe de la pupille, donc une baisse de définition de l’image. Le critère n’est donc pas d’avoir des Lux, au contraire !
2. Permettre aux bâtonnets de créer une grande finesse d’image noire et blanche. L’ennemi, c’est le contraste. Plus il est élevé dans la pièce de travail ou dans le champ d’opération, moins les bâtonnets ont de niveaux de gris. C’est comme sur une radio : si elle est trop contrastée, elle est mauvaise. L’objectif est donc de réduire les contrastes tant dans la salle de soin, dans la zone de travail que dans la zone opératoire.
3. Optimiser le fonctionnement des cônes : ce sont eux qui “voient” la couleur et déterminent le bord, donc la forme des objets (acuité visuelle). L’œil humain (en l’occurrence les cônes) ne fonctionne au mieux que sous lumière naturelle du jour. Le critère déterminant est la proximité du spectre de la lumière artificielle avec la lumière naturelle du jour.
4. Préserver le fonctionnement de nos biorythmes : la lumière reçue par notre corps active la mélatonine et les noyaux suprachiasmatiques via nos photorécepteurs. Cela génère une série de réactions endocriniennes, celles-là même qui règlent notre sommeil, le fonctionnement de notre mémoire, nos biorythmes (dynamisme, humeur, appétit, etc.). Notre corps est façonné pour fonctionner au mieux sous la lumière naturelle. Vivre sous un spectre différent peut être source de troubles divers (immunitaire, hormonal, sommeil, humeur…). Enfermé 2 000 heures par an dans une pièce fortement éclairée artificiellement, pour un travail visuellement très contraignant, le praticien est extrêmement exposé aux effets négatifs (toxicité de la pointe de bleu HEV* des LED froides) ou pervers des éclairages artificiels (absence des longueurs d’ondes des couleurs permettant la régulation des biorythmes et du sommeil). L’utilisation d’un éclairage doté d’un spectre artificiel inadapté ou dangereux va se traduire par un vieillissement accéléré, voire des pathologies physiologiques ou psychologiques.
L’ennemi est ici l’excès dans le spectre de lumière bleue HEV (LED blanc froid), le déficit des bleus cyan et turquoise (sommeil, mémoire), ainsi que celui des rouges et jaunes (autres biorythmes).
Ces quatre critères biologiques se traduisent par des caractéristiques précises pour les éclairages dentaires : scialytique et plafonnier. La technologie LED qui remplace définitivement toutes les autres sources les rend d’autant plus importantes.
Le scialytique doit présenter les caractéristiques suivantes :
• Une puissance modérée (critère 1). La norme ISO 9680 a diminué la valeur maximale d’un scialytique dentaire de 25 % dans sa nouvelle version 2014. Une valeur de 15 000 lux est considérée comme suffisante.
• Une tache de lumière uniformément éclairée (critère 2). Les scialytiques actuels proposent tous une pointe d’éclairement élevée, généralement au centre de la tache éclairée, et une décroissance très rapide des niveaux d’éclairement dès que l’on s’en écarte. Résultat, dès que le regard se déplace, parfois d’une dent à une autre, les bâtonnets “notent” une baisse de la finesse d’image et demandent à la main de repositionner le scialytique… Plus uniforme sera la tache, plus le contraste sera bas, mieux le praticien y verra, et ce, sans déplacer le scialytique.
• Une source de lumière spectralement non toxique (critère 3 et 4). Les LED froides classiques (> 5 000 K) émettent une part de bleu HEV prédominante et toxique pour l’œil. L’énergie de cette lumière bleue est celle qui active les photo-initiateurs des composites, ce qui est par ailleurs très handicapant pour le travail quotidien. Il est impératif d’éliminer le risque en diminuant la part du bleu HEV dans la lumière émise : il existe deux solutions techniques : utiliser soit des LED blanc-neutre (+/- 4 500 K), soit des LED complexes qui reproduisent réellement un spectre de lumière du jour (spectre continu équilibré).
• Une tache de grande taille. Elle est dictée :
– en hauteur par l’ouverture maximale de bouche et par le fait qu’il est normativement exigé de ne pas éclairer les yeux du patient ;
– en largeur par le fait que la tête du patient peut être amenée à être tournée pendant l’acte (détartrage ou pose multiple d’implants par exemple).
• L’absence d’ombre portée des objets placés dans ou devant la bouche.
En ce qui concerne le plafonnier, il doit présenter les qualités suivantes :
• L’éclairage de toute la pièce (critère 2), car il doit :
– éclairer directement la zone de soin, c’est-à-dire la surface virtuelle à 90 cm du sol centrée sur la bouche dont la surface est de 1 m² ;
– éclairer toutes les autres surfaces de la pièce : plafond, murs, plans de travail, zone de circulation autour de la zone de soin mesurée à 75 cm du sol.
Soit l’appareil remplit les deux fonctions, pour cela il doit être à très forte part indirecte (≥ 50 %) et utiliser le plafond (blanc) comme moyen de répartition du flux haut lumière du Nord, soit il n’éclaire que majoritairement directement et il faut impérativement installer des luminaires périphériques pour assurer l’éclairage du plafond, des murs, etc. Mais dans tous les cas, le résultat sera moins bon qu’avec un luminaire à très forte part indirecte.
• Une puissance adaptée (critère 1) : comme les radiateurs dans une pièce, la puissance globale de l’appareil doit être adaptée au volume de la pièce (taille et hauteur). De préférence, la partie directe doit être réglable en fonction des actes pratiqués :
– dentisterie esthétique et orthodontie : plus de lumière pour travailler sans scialytique ;
– chirurgie : plus de lumière pour s’adapter à la puissance plus élevée du scialytique.
Il faut par ailleurs veiller à ce que les surfaces horizontales réverbérantes (sols et plans de travail) évitent les réflexions, causes de la fatigue des opérateurs. La réduction des réflexions permet à l’œil de laisser la pupille grande ouverte, les images vues seront de meilleure définition et les bâtonnets créeront des images plus fines. On verra donc mieux avec moins de lumière. Ce cercle vertueux élimine une source importante de migraines ophtalmiques.
• Un spectre aussi proche que possible de la lumière naturelle du jour (critères 3 et 4). Le spectre de la lumière naturelle du jour est caractérisé par sa régularité : il contient schématiquement toutes les couleurs en parts plus ou moins égales. L’illuminant D65 de la CIE en est sa représentation normalisée. C’est dans ce spectre que les fonctions de l’œil et du corps sont optimales. Ainsi, l’éclairage d’un plafonnier dont le spectre est conforme au D65 est :
– essentiel et suffisant en dentisterie esthétique de la 4 à la 4 en face vestibulaire ;
– garant du confort du praticien au quotidien et du respect de ses biorythmes (sommeil, mémoire, dynamisme, vigilance, force physique, etc.) ;
– sécurisé du point de vue de la toxicité des bleus HEV.
Le critère certifié D65 est un gage de non-toxicité des bleus HEV, d’une parfaite vision et d’un confort optimal (ne pas hésiter à demander le certificat D65 engageant le fabricant). Dès que l’on s’en écarte, les garanties ci-dessus se dégradent très rapidement, y compris la sécurité à la toxicité. Dans la catégorie “en dessous”, un plafonnier dont le spectre conjugue un rendu de couleur supérieur à 90 % et une température de couleur inférieure à 5 000 K peut être considéré comme spectralement non toxique.
L’utilisation de la technologie LED comme source de lumière en éclairage dentaire nécessite impérativement une excellente compréhension du fonctionnement de la vision et de ses influences photobiologiques sur la santé. À telle enseigne que les institutions internationales de normalisation ont rouvert cet été des travaux au sujet de la toxicité de la lumière bleue des LED et de la mesure de son rendu de couleur. L’objet de ces travaux est de formaliser normativement la technologie LED qui convient pour la dentisterie, ce qui de facto alertera les fabricants et les utilisateurs sur celles qui présentent des risques.
Les implantologues doivent-ils utiliser des scialytiques de bloc ?
Il faut écarter l’a priori erroné que plus de Lux améliore la vision. Au contraire, l’augmentation des Lux contribuera à les éblouir pour deux raisons :
– parce que les dents réfléchissent la lumière du champ 4 fois plus qu’une plaie sanglante ;
– parce qu’ils travaillent à 25 cm du champ quand le chirurgien hospitalier travaille à 70 cm. La quantité de lumière reçue diminuant avec le carré de la distance à la source, la quantité de lumière reçue par l’œil est la même avec 15 000 lux à 25 cm qu’avec 117 600 lux à 70 cm !
S’agissant des ombres portées, provoquées par le travail à quatre mains et le plus grand nombre d’instruments en bouche, elles doivent, en dentisterie, être gérées par le plafonnier.
Le spot d’un scialytique de bloc ne fait en effet bien souvent que 15 cm de diamètre, ce qui est insuffisant pour gérer les ombres portées. C’est la raison pour laquelle une attention particulière doit être portée à l’éclairage plafonnier de la salle de chirurgie.
Les chirurgiens ont néanmoins vraiment besoin d’avoir un champ de grande taille afin d’éviter tout déplacement du scialytique pendant l’opération.
Pour autant, de très bons scialytiques d’omnipratique proposent aujourd’hui des spots de 20 cm sur 10 cm…
Points essentiels
• Le spectre particulier de la LED représente un risque connu pour l’œil, dont les conséquences ne seront constatées qu’à retardement.
• La LED peut être une excellente source à condition qu’elle soit parfaitement mise en œuvre selon des critères techniques très précis. Il s’agit de haute technologie.
• Pour bien voir, le chirurgien-dentiste doit permettre à sa pupille de s’ouvrir, à ses bâtonnets de créer une grande finesse en noir et blanc, à ses cônes de fonctionner sous le spectre le plus proche de la lumière naturelle.
• Tant pour le scialytique que pour le plafonnier, trois critères sont à conjuguer : puissance maîtrisée, uniformité, spectre régulier équilibré très proche de la lumière naturelle.
• Le plafonnier doit éclairer toute la pièce, plafond, murs et sols inclus. Il doit donc être conçu en éclairage majoritairement indirect pour pouvoir éliminer les contrastes.
• Le scialytique doit avoir une tache très uniforme et une puissance modérée pour contingenter les éblouissements par réflexion.
• L’acuité visuelle dépend de la qualité du spectre de la lumière.
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