Dans la nuit du 23 septembre 1939, Sigmund Freud (1856-1939), père de la psychanalyse moderne, mourrait des suites d’un cancer du maxillaire à Londres où il s’était exilé depuis son départ d’Autriche en 1938.
Quatre-vingts ans après est publié dans European Archives of Otorhinolaryngology un article remettant en cause l’origine de sa maladie, à savoir un cancer ou une lésion induite par la cocaïne. En effet, Trimarchi et al. émettent un doute devant la lente évolution de cette tumeur maligne qui a évolué durant seize ans malgré de nombreuses interventions chirurgicales associées à une radiothérapie cervico-faciale.
Cet article et l’hypothèse émise sont intéressants. Le tabac et la cocaïne sont tous deux responsables de lésions orales. Sigmund Freud était un gros fumeur de cigares et un fervent défenseur et consommateur de cocaïne durant les années 1890. D’ailleurs, en 1884, il a publié « Über coca » où il décrivait, pour l’avoir testé, les propriétés pharmacologiques de la cocaïne (potentialité analgésique, pouvoir anesthésiant, capacité à changer l’humeur). Sur les conseils d’un ami, Wilhelm Fliess, il l’a utilisée pour traiter sa sinusite chronique. Les érosions et inflammations des muqueuses causées par la cocaïne peuvent imiter le développement d’un carcinome. C’est la raison pour laquelle les auteurs émettent cette hypothèse d’un effet nécrosant et destructeur des tissus muqueux de la consommation de cocaïne.
Cependant, le mois suivant la parution de cet article, une réponse a été apportée par un auteur allemand et un auteur italien dans la même revue [1], qui fait référence à un autre de leurs articles écrit dans la même revue en 2014 [2].
Selon ces derniers auteurs, Trimarchi M. et al. ne tiennent pas compte du fait que la maladie buccale de Sigmund Freud, gros fumeur, était bel et bien un carcinome épidermoïde sous sa forme verruqueuse histologiquement prouvé à plusieurs reprises.
Historiquement, il a consulté en 1923 pour une ulcération située au niveau de la jonction palais mou/palais dur à droite. Puis il a été opéré par Markus Jajek, chirurgien ORL de Vienne. Il eut ensuite une radiothérapie. À l’issue, il souffrait de douleurs intenses et d’un trismus. En septembre de la même année, il a contacté Hans Pichler, un chirurgien oral qui a effectué une deuxième chirurgie en deux étapes. Il a réalisé une maxillectomie partielle avec exérèse d’une partie de la mandibule et de la glande sous-maxillaire droite associée à un curage cervical droit. L’examen histologique des adénopathies n’a pas permis d’identifier la malignité.
Jusqu’à la mort de Sigmund Freud en 1939, pas moins de 34 interventions chirurgicales ont été effectuées sans exérèse complète de ce carcinome épidermoïde. Sa fin de vie a été douloureuse avec la persistance de son cancer associée à des douleurs difficilement soulagées, une odeur nauséabonde, une fistule orocutanée a finalement pris fin avec une surdose de morphine.
Cet article a permis, par son hypothèse, de se replonger dans l’histoire de vie de Sigmund Freud et a montré que l’évolution prolongée de son cancer correspond à une variante de carcinome épidermoïde, à savoir un carcinome verruqueux de bas grade bien différencié qui reste un dilemme dans la prise en charge.
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