Centres dentaires low-cost faussement « sans but lucratif » mais concurrents s’affichant en pleine rue, promotion du tourisme dentaire dans la presse, mise en cause sur les tarifs de prothèses jugés prohibitifs, inflation des normes et des contraintes administratives, mise à bas de la formation continue, étatisation de la santé, tiers payant généralisé, accusations récurrentes d’empoisonnement par les amalgames au mercure, établissements privés d’enseignement illégaux mais toujours en activité, démographie professionnelle sous tension, arrivée massive de praticiens à diplôme étrangers… En ouvrant la séance plénière du « Grenelle de la santé bucco-dentaire » le 28 janvier en début d’après-midi, le président de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, Gilbert Bouteille, a longuement égrainé les maux qui hantent depuis de longs mois l’esprit des praticiens et minent leur vie professionnelle. « Nous voulons aujourd’hui mettre un terme à ce « dentiste bashing », a-t-il lancé. Mais il ne suffit pas de dire. Nous devons formuler des propositions concrètes pour changer les choses. C’est l’esprit de ce Grenelle. »
Au cours de la matinée, cinq groupes de travail où siégeaient des représentants des syndicats, des pouvoirs publics, de l’assurance maladie, de l’Ordre, des universités, des étudiants, des prothésistes, de l’industrie, bref, de toutes les composantes de la profession au sens large, ont planché chacun sur une grande thématique : formation universitaire, démographie, prévention, cabinet du futur et financement. Pour la séance plénière l’après-midi, chaque groupe a livré la synthèse de ses débats et les propositions qui en découlent pour l’avenir de la profession. Évidemment, impossible pour eux d’être exhaustifs en si peu de temps. Ils livreront l’ensemble de leurs réflexions dans un « livre blanc » qui sera édité dans quelques semaines et présenté aux autorités de tutelle.
Voici, ci-dessous, l’essentiel des propositions exposées lors de cet après-midi.
Financement et accès à la santé bucco-dentaire
L’ensemble des participants, unanimes, y compris les financeurs présents, assurance maladie et organismes complémentaires, concluent au « changement de paradigme nécessaire ». Pour tous, le système est à bout de souffle. L’équilibre financier des cabinets dentaires, reposant sur des tarifs de prothèse significatifs compensant des tarifs de soins indécents, n’est plus tenable. Vers quel modèle se tourner alors ? Pas de proposition figée sur ce point : ce sera l’objet des prochaines négociations conventionnelles. Voici quelques pistes :
– mieux valoriser les soins précoces et conservateurs, les praticiens garantissant la qualité de soins ;
– réorienter la pratique sur les soins prothétiques et travailler à la fois sur leur niveau de prix et leur prise en charge ;
– réfléchir à la responsabilisation financière des patients (bonus/malus) ;
– amplifier le financement de la prévention en prenant en charge de nouveaux actes comme des tests salivaires ;
– réfléchir à l’amélioration du suivi du patient, notamment au-delà de 18 ans (consultations spécifiques).
Démographie
– Adaptation de la démographie en fonction des besoins réels des territoires, le numerus clausus au niveau national ne pouvant répondre à tous les besoins ;
– création d’une année de tutorat post-formation dans les zones sous-dotées, une « année civique » ;
– renforcement du contrôle du niveau de formation des praticiens à diplôme étranger, revoir le « minimum décent » nécessaire.
Formation initiale
– Aller vers une plus grande « médicalisation » de la formation, développer la recherche fondamentale en multipliant les postes de praticiens hospitaliers ;
– renforcer les partenariats entre l’Université et les praticiens pour favoriser la formation « en alternance » ;
– introduire la notion d’équipe médicale dès la formation initiale incluant les nouvelles compétences des assistantes dentaires (qu’il reste à définir après leur entrée au Code de la santé) ;
– clarifier les relations chirurgiens-dentistes/ prothésistes parfois mises à mal par les nouvelles technologies.
Prévention
– Sortir du curatif pour aller vers la médecine orale en 6 P : préventif, prédictif, participatif, personnalisé, de preuve, de plaisir ;
– favoriser la transversalité dans les programmes de formation de la filière santé pour permettre une prise en charge globale incluant le chirurgien-dentiste ;
– créer de nouveaux métiers (éducateur/ animateur) en santé orale en lien avec les réseaux de soin, renforcer les messages de prévention.
Cabinet du futur
– Accompagner les praticiens dans la révolution numérique, y compris dans la formation initiale, pour leur permettre d’aller vers un cabinet de groupe, connecté mais toujours ouvert sur l’humain ;
– favoriser une organisation en réseau avec les patients, les autres professionnels de santé et l’hôpital. Aller vers une démarche qualité puis une certification des cabinets.
Sondage : Les Français veulent choisir librement leur chirurgien-dentiste
« Tenez-vous à la liberté de pouvoir consulter le chirurgien-dentiste de votre choix ? »
A cette question, 94,6 % des Français répondent « oui », selon un sondage piloté par le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes (avec Corporate Studio) auprès de 917 personnes représentatives de la population française, du 16 au 24 novembre dernier et dévoilé lors de ce Grenelle.
Dans ce même sondage, 87 % des répondants indiquent avoir une image favorable des praticiens dont 23 % une « très bonne image ». 82 % déclarent avoir une « confiance absolue » en leur chirurgien-dentiste. Et 95,3 % des patients se déclarent satisfaits de leur visite au cabinet dentaire. Si 7 personnes sur 10 reconnaissent s’imposer des restrictions budgétaires (restaurant, vacances, loisirs, habillement…) seulement 17 % le font pour les soins dentaires (15 % pour les soins médicaux). Les soins dentaires restent donc un impondérable. 64 % des répondants estiment que les soins conservateurs comme les visites de routine sont payés au juste prix.
A contrario, une majorité estime qu’esthétique, prothèses et implants sont trop onéreux.
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