Dans une décision du 6 novembre, le Conseil d’Etat donne raison à une consœur qui attaquait la ministre de la Santé pour excès de pouvoir. Notre consœur avait demandé en décembre 2017 à la ministre d’annuler le 5e alinéa de l’article R. 4127-215 du Code de la santé publique et la seconde phrase du premier alinéa de l’article R. 4127-225 du même code. C’est-à-dire la phrase qui interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » et celle qui « interdit toute publicité, toute réclame personnelle ou intéressant un tiers ou une firme quelconque ».
Mais la ministre n’a rien fait depuis lors et a donc refusé « implicitement » de supprimer ces deux dispositions. Or, dans un arrêt rendu le 4 mai 2017, la Cour de justice de l’Union européenne s’oppose à toute « législation nationale (…) qui interdit de manière générale et absolue toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires ». En conséquence, comme l’exprime l’article L. 243-2 du Code des relations entre le public et l’administration, cette dernière « est tenue d’abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de faits postérieures ». Partant, les dispositions du Code de santé publique incriminées ici ne tiennent plus.
La décision du Conseil d’Etat ne doit pas surprendre. Dans une étude diffusée le 21 juin 2018 (lire Id du 27 juin 2018), celui-ci formulait quinze propositions pour faire évoluer les droits des professionnels de santé à faire de la publicité. La plus haute instance administrative du pays souhaitait « supprimer l’interdiction de la publicité directe ou indirecte dans le Code de la santé publique et poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public » sous réserve, comme le précise la législation européenne, « du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel ».
Charte de communication de l’Ordre
Plus tard, dans une décision du 15 janvier 2019 (lire Id n°3 du 23 janvier 2019), l’Autorité de la concurrence, cette fois, enjoignait également les pouvoirs publics à modifier ces articles du Code de la santé publique « à brève échéance ». L’Ordre des chirurgiens-dentistes, qui s’est tout de suite montré favorable à l’étude du Conseil d’Etat, a publié une nouvelle charte de communication en février 2019 (lire Id n°9 du 6 mars 2019) proposant de nouvelles règles de communication aux praticiens comme l’ouverture plus large de la communication sur les « supports numériques » (internet, Facebook, etc.) sur lesquels peuvent s’afficher les orientations et l’expérience professionnelle du praticien, les conditions d’accès au cabinet ou l’affichage des tarifs, mais aussi la possibilité d’améliorer la localisation du cabinet dentaire, en amont de celui-ci, avec un panneau portant, par exemple, la mention « cabinet dentaire » (à l’instar de la signalisation des cliniques vétérinaires).
Lors d’une conférence de presse à Paris le 19 octobre, Serge Fournier, président de l’Ordre, avait invité les praticiens, timorés sur ce sujet, à se saisir des possibilités de communication offertes par la charte. Pour autant, la charte de l’Ordre n’a pas supprimé les articles du Code la santé publique.
La décision du Conseil d’Etat du 6 novembre va obliger le gouvernement à agir.
Commentaires