Lésions cervicales non carieuses et facteurs de risques associés

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Information dentaire

Les lésions cervicales non ca­rieuses, qui sont extrême­ment fréquentes chez bon nombre de nos patients, demeurent assez mystérieuses tant dans la compréhension de leur étiologie que dans l’attitude thérapeutique à adopter. Elles sont parfois l’objet ayant motivé la consultation du patient, en particulier lorsqu’elles sont douloureuses, ou peuvent être observées lors d’un examen de routine ou de prévention. Ces pertes de substances situées au niveau de la jonction amélo-cémentaire peuvent avoir diverses configurations et évoluer défavorablement avec le temps, entraînant une souffrance pulpaire, une fragilisation de la dent ou une atteinte des tissus parodontaux environnants. De nombreuses études ont démontré l’origine multifactorielle de ces lésions attribuées à des mécanismes d’érosion (dégradation chimique et électrochimique), de friction, d’attrition (usure mécanique endogène), d’abrasion (usure mécanique exogène), auxquels s’ajoutent les contraintes occlusales. La prévalence croissante de ces lésions avec l’âge montre que ces lésions cervicales progressent certainement lentement au fur et à mesure du temps qui passe.



 
Les facteurs étiologiques combinés à la lésion cervicale qui en résulte conduisent à une exposition dentinaire et à une accumulation de biofilm à ce niveau avec pour conséquences des hypersensibilité dentinaires et une récession gingivale affectant la même dent.
Le but de cette étude transversale réalisée au Brésil est donc d’évaluer les facteurs de risque associés aux lésions cervicales non carieuses, aux hypersensibilités dentinaires et aux récessions gingivales au-delà de leurs seules interrelations. Les auteurs ont ainsi étudié, de 2013 à 2016, 185 patients adultes d’une consultation spécifique d’un programme ambulatoire de réhabilitation des lésions cervicales. À l’aide d’un questionnaire, ils ont recueilli des données concernant l’âge des patients, leur passé médical, le type de brossage dentaire appliqué, leurs habitudes alimentaires, leurs habitudes parafonctionnelles ou encore la présence de syndrome gastro-œsophagien. Le niveau d’hygiène est relevé par un évaluateur. La profondeur et la forme des pertes de substances cervicales sont déterminées à l’aide de moulages issus d’empreintes aux élastomères, le niveau de sensibilité dentinaire est indiqué par le patient grâce à une échelle visuelle de douleur suite à un stimulus de 2 secondes par jet d’air froid sur la lésion, tandis que les récessions gingivales sont caractérisées grâce à la classification spécifique de Miller, bien connue des parodontologistes. La présence de traumatismes occlusaux est révélée par un examen clinique à l’aide de papier encré.
 
Les résultats de cette étude montrent une forte corrélation avec l’âge pour la présence des lésions cervicales et des récessions. Les sensibilités dentinaires y sont aussi corrélées, mais diminuent après cinquante ans ; ce qui s’explique assez logiquement par une pulpe plus atrophiée, donc moins proche de la surface dans cette tranche d’âge. Parmi les types de dents, les prémolaires maxillaires sont les plus atteintes. Cela peut s’expliquer par leur plus faible volume coronaire, une table osseuse vestibulaire très fine et des contraintes occlusales en latéralité qui favorisent la flexion de leur couronne. Parmi la morphologie des lésions, les lésions étroites et profondes, donc plus proches de la pulpe, sont logiquement plus souvent associées à des sensibilités dentinaires que les lésions plus arrondies. Plus globalement, les auteurs confirment que la prévalence des lésions cervicales et des récessions est fortement corrélée à l’âge, et que celles-ci sont aussi corrélées avec les sensibilités dentinaires.
 

La profondeur et la morphologie des lésions de collet contribuent à la sévérité et à la sensibilité des différents niveaux de récession. Les syndromes gastriques, les traumatismes occlusaux et même le genre du patient (les hommes exerceraient plus de contraintes mécaniques) influencent positivement la prévalence de ces trois types de symptômes. En revanche, les parafonctions, le brossage et l’alimentation à base de produits acides n’ont pas donné lieu, dans cette étude, à des corrélations statistiquement significatives avec les trois symptômes. Ils ne sont donc pas considérés comme des facteurs de risques démontrés. Toutefois, dans une discussion objective et bien documentée, les auteurs relèvent que d’autres études ont montré des influences plus notables de ces facteurs et concèdent que le point de vue considéré ou la méthode de recueil des données dans leur étude peuvent expliquer ces différences.
Commentaire
Cette étude tout juste publiée montre très bien les influences réciproques et complexes de trois symptômes ou phénomènes souvent associés que sont les lésions cervicales non carieuses, les récessions gingivales et les sensibilités dentinaires au collet, ainsi que les facteurs de risque agissant sur chacun d’entre eux individuellement ou en interaction. Cela montre la complexité des phénomènes pathogéniques, avec en particulier l’influence du temps, aboutissant à une suite ou une cascade d’influences complexes qui se cumulent. Ainsi, la flexion de la dent sous l’effet d’un traumatisme occlusal peut conduire à une perte de substance amélaire au niveau de la jonction amélo-cémentaire exposant des plages dentinaires plus sensibles aux attaques acides ou à l’accumulation de plaque bactérienne, favorisant également la récession gingivale et aggravant la perte de substance initiale tout en exposant encore davantage de dentine plus sensible au froid, dans une évolution concomitante et/ou successive des différents mécanismes. Cela n’est qu’un exemple de mécanisme possible parmi tant d’autres combinaisons aboutissant à un ensemble de symptômes associés au niveau cervical. D’autres phénomènes ou mécanismes jugés non déterminants dans certaines conditions peuvent aussi le devenir dans un environnement plus fragilisé.
 
Ainsi, si le brossage « normal » n’altère pas significativement la surface dentaire selon certaines études, un brossage excessif horizontal et appuyé avec un dentifrice fortement chargé en abrasifs, comme le sont les dentifrices dit « blancheur », favorisera sans aucun doute l’ouverture des tubuli et les sensibilités dentinaires. Par ailleurs, l’exposition dentinaire des lésions de collet non carieuses non traitées associées à une hygiène imparfaite favorisera le développement carieux sur ces zones exposées (voir photo). Face à des lésions cervicales non carieuses symptomatiques ou non, le chirurgien-dentiste doit tâcher d’en comprendre les principaux facteurs étiologiques et adopter une thérapeutique adaptée afin d’enrayer la cascade des événements pathogéniques qui aggraveront inévitablement la situation avec le temps. Mais le traitement de ces lésions révèle encore bien d’autres difficultés…

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