Pour mettre en œuvre son programme, Emmanuel Macron a constitué un gouvernement à l’image de sa démarche, avec un subtil équilibre entre des sensibilités politiques différentes, la présence de la société civile et la parité hommes-femmes. Les mesures envisagées ont été progressivement dévoilées et précisées, notamment entre les deux tours des élections présidentielles, mais certaines sont encore peu connues. Les professionnels libéraux, en tant qu’employeurs et travailleurs non salariés, vont être concernés par les nouvelles dispositions sociales. Les choix budgétaires vont générer de nombreux arbitrages fiscaux qui impacteront les contribuables. Nous vous proposons de faire le point sur les principales mesures.
Dispositions sociales
La réforme du Code du travail, amorcée sous le précédent gouvernement, devrait se poursuivre après les élections législatives. De nouvelles mesures sur la formation professionnelle, le chômage et la retraite sont également envisagées pour 2018.
Réforme du Code du travail et négociation collective
Les dispositions contenues dans la loi travail seraient modifiées pour permettre une négociation « au plus près du terrain », notamment sur les horaires, les effectifs et l’organisation du travail. L’inversion des normes (lire ID n° 11/12 du 22/3/2017) devrait se traduire :
– par la création de nouvelles sources de droit par voie d’accord d’entreprise résultant soit d’un accord majoritaire, soit d’un référendum à l’initiative de l’employeur ou des syndicats sur la base d’un accord minoritaire ;
– en donnant la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche.
Toutefois, les principes fondamentaux sur la durée légale du travail, l’égalité professionnelle et le salaire minimum seraient maintenus dans le Code du travail.
La mise en place d’un Code du travail digital devrait permettre à chaque employeur de trouver toutes les informations sur les obligations légales ou conventionnelles applicables à sa situation et de bénéficier de conseils. Les réponses données pourraient être opposables à l’administration.
Rémunération des salariés
De nombreuses dispositions sont envisagées afin d’accroître le pouvoir d’achat des salariés aux revenus modestes, d’encourager la retraite par capitalisation ou de modifier les exonérations de charges sociales pour les employeurs.
La réduction du montant des cotisations salariales maladie et chômage devrait permettre un gain de 500 € net par an sur un salaire net de 2 200 € par mois. Cette mesure serait financée par une hausse de la CSG de l’ordre de 1,7 point qui ne devrait pas toucher les retraites modestes et les allocations-chômage.
Le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) serait transformé en allégement pérenne de charges bénéficiant à toutes les entreprises, y compris celle de l’économie sociale et solidaire. La suppression du CICE (7 % en 2017) serait remplacée par une baisse des cotisations sociales patronales de 6 points, jusqu’à 10 points au niveau du Smic.
Il est envisagé de rétablir les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires instituées par la loi TEPA en 2007. La déduction de 0,50 € par heure sur les cotisations patronales pour les entreprises d’au moins 20 salariés serait de nouveau rétablie. L’exonération concernerait également les prélèvements sociaux payés par les salariés (CSG-CRDS).
Un bonus-malus serait créé pour l’assurance chômage, avec des charges accrues pour les employeurs recourant massivement aux contrats courts.
Les relations entre l’employeur et l’Urssaf seraient améliorées, afin de faire valoir le droit à l’erreur et d’appliquer les sanctions aux manquements délibérés, répétés ou particulièrement graves.
Pour compléter les régimes de retraite de base ou complémentaire par répartition, la généralisation de la retraite supplémentaire à tous les salariés serait encouragée.
Égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations
Un congé de maternité unique devrait être créé afin de garantir à toutes les femmes, indépendamment de leur statut de salariée ou non-salariée, des droits alignés sur le régime le plus avantageux.
La lutte contre la discrimination devrait devenir une priorité nationale en développant les campagnes de testing et les opérations de contrôle aléatoires et imprévues à grande échelle, notamment en matière d’accès à l’emploi.
Les entreprises devraient bénéficier d’une marge de manœuvre plus importante pour régler les questions religieuses au travail.
Formation en alternance
Il est envisagé de fusionner les deux contrats d’alternance existant aujourd’hui, les contrats de professionnalisation et d’apprentissage, en un contrat unique, plus souple et mieux adapté à la demande des entreprises et des branches, sans limite supérieure d’âge.
Les démarches administratives liées à l’embauche seraient facilitées avec la mise en place d’un guichet unique permettant d’enregistrer le contrat et la demande des aides. Les aides et subventions existantes seraient regroupées dans une aide unique en fonction de la taille de l’entreprise et du niveau de qualification de l’apprenti.
Les fonds collectés au niveau de la taxe d’apprentissage seraient affectés en totalité au financement de l’apprentissage. Actuellement, une fraction « hors quota » peut être versée à des établissements scolaires ou universitaires ne formant pas d’apprentis.
La grille de rémunération des apprentis en fonction de l’âge, de l’expérience, de la position dans le cycle de formation et du secteur d’activité serait unifiée.
De nouvelles dispositions destinées à développer la voie de l’apprentissage seraient proposées, en permettant la préparation des licences professionnelles sur trois ans en alternance, de bénéficier du programme Erasmus ou en luttant contre les discriminations dans l’accès à l’apprentissage en imposant des critères
de diversité dans le recrutement des apprentis.
Formation professionnelle
La réforme de la formation professionnelle serait poursuivie, notamment au profit des jeunes et des demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés.
La plupart des contributions versées par les entreprises pour la formation seraient progressivement converties en droits individuels pour les actifs. Chacun pouvant s’adresser directement aux prestataires de formation, selon ses besoins.
Les organismes de formation seraient soumis à une labellisation et obligés d’afficher leurs performances.
L’accès à la formation professionnelle dans les TPE et PME serait privilégié en s’engageant dans une transformation numérique et la requalification de leurs salariés.
Rupture du contrat de travail
La mise en place d’un plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (sauf dans les cas de discrimination, de harcèlement…), rejetée par le Conseil Constitutionnel en 2015, devrait être à nouveau instaurée.
Les règles de calcul des pensions de retraite devraient être progressivement unifiées. Les cotisations versées aux régimes de base et complémentaires seraient inscrites sur un compte individuel et revalorisées chaque année selon la croissance des salaires. Lors du départ à la retraite, le total des droits accumulés serait converti en une pension, à l’aide d’un coefficient de conversion déterminé en fonction de l’âge de départ et de l’année de naissance (une solution évoquée depuis de nombreuses années pour équilibrer les régimes de retraite en faisant varier la valeur du point).
Le principe de la retraite par répartition, de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et de la prise en compte de la pénibilité seraient conservés.
Chômage
Les réformes envisagées sont nombreuses et en profonde rupture avec la gestion actuelle.
Les salariés démissionnaires devraient pouvoir bénéficier des allocations d’assurance chômage une fois tous les 5 ans.
Le régime de l’assurance chômage serait ouvert à tous les actifs salariés, artisans, commerçants, entrepreneurs, professionnels libéraux et agriculteurs ; les transitions du statut de salarié à celui d’indépendant seraient facilitées.
En contrepartie, le contrôle de la recherche d’emploi serait renforcé par la réalisation d’un bilan de compétences dans les 15 jours de l’arrivée à Pôle emploi, la suspension des allocations en cas de refus de deux emplois décents (selon des critères de salaire et de qualification) ou si l’intensité de la recherche d’emploi est insuffisante.
Organisation judiciaire
Dans chaque département, un tribunal de première instance serait créé regroupant l’ensemble des tribunaux locaux spécialisés de première instance.
Ce tribunal comporterait un service d’accueil unique et un portail numérique permettant d’introduire une action et de transmettre une requête, des pièces, ou de suivre un dossier. Les décisions des premiers juges devraient être immédiatement exécutoires, sauf exceptions, pour que l’appel ne soit pas dilatoire.
Travailleurs indépendants
Le Régime Social des Indépendants (RSI) serait supprimé et adossé au régime général. Les commerçants et artisans indépendants garderaient cependant leurs cotisations spécifiques.
Pour les micro-entrepreneurs, les charges de la première année d’activité seraient totalement supprimées et les plafonds pour bénéficier du régime microfiscal seraient doublés.
Dispositions fiscales
Les mesures dans le domaine fiscal sont a priori moins importantes. On notera la poursuite de la baisse de la fiscalité des entreprises annoncée dans la dernière loi de finances. En revanche, la mise en place du prélèvement à la source pourrait être différée, selon certaines déclarations.
Imposition des entreprises
Le taux de l’impôt sur les sociétés devrait être ramené à 25 % avant la fin du quinquennat avec le maintien d’un taux réduit pour les petites entreprises. La loi de finances pour 2017 prévoyait déjà pour 2020 un taux de 28 %.
Une harmonisation des bases d’imposition des entreprises et une convergence des taux d’impôt sur les sociétés seraient recherchées au niveau de l’Union européenne.
Impôt de Solidarité
sur la Fortune (ISF)
L’ISF serait transformé en Impôt sur la Fortune Immobilière en exonérant les « investissements qui servent l’économie ». Les conditions d’imposition actuelles avec une taxation à partir de 1,3 million d’euros et un abattement de 30 % sur la résidence principale seraient maintenues. Les œuvres d’art continueraient d’être exonérées.
Revenus du capital mobilier
La barémisation des revenus financiers introduite sous le gouvernement précédent serait remplacée par un prélèvement forfaitaire unique d’environ 30 % sur les plus-values, intérêts, dividendes et autres revenus. L’option pour le barème progressif serait cependant possible. Les régimes du PEA et du livret A seraient maintenus.
Pour les contrats d’assurance-vie, les revenus afférents aux versements effectués avant la réforme continueraient de bénéficier de l’abattement de 4 600 € (9 200 € pour les couples soumis à une imposition commune) et du prélèvement libératoire de 7,5 % en cas de dénouement ou rachat après 8 ans. Pour les revenus afférents aux versements effectués après la réforme, la non-application du prélèvement forfaitaire unique de 30 % serait limitée aux revenus perçus sur les « sommes qui contribuent au développement de l’économie », sauf pour les encours supérieurs à 150 000 €.
Taxe d’habitation
Les contribuables dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur à 20 000 € seraient progressivement exonérés de taxe d’habitation. Actuellement, l’exonération est accordée aux personnes disposant de revenus modestes sous certaines conditions.
Les mesures présentées ont été extraites du programme d’Emmanuel Macron à partir du site « en-marche.fr ». S’appliqueront-elles rapidement, seront-elles amendées ? La mise en œuvre des dispositions sociales pourrait être réalisée par ordonnance à la suited’une loi d’habilitation votée pendant l’été. Les premières mesures fiscales devraient être incluses dans le projet de loi de finances pour 2018 présenté à l’automne.
Le calendrier relatif aux mesures relevant de la concertation européenne dépendra de la volonté des différents états membres et reste plus difficile à déterminer…
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