Les précédentes négociations, cet hiver, n’avaient pu aboutir et le règlement arbitral instaurant des plafonds tarifaires sur la prothèse en contrepartie de quelques revalorisations sur les soins avait été finalement publié au Journal officiel le 31 mars pour entrer en application le 1er janvier 2018. Or, cet été, la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a finalement décidé, après la massive mobilisation de la profession, de suspendre l’application du règlement arbitral pour la reporter au 1er janvier 2019. Le temps de négocier une nouvelle convention.
Toute la filière dentaire s’est réjouie de cette « volonté d’apaisement », de cet « esprit d’ouverture ». Mais voilà : le principe même d’un plafonnement du prix des prothèses n’est pas abandonné. C’est « un levier incontournable pour l’amélioration de la prise en charge des patients », a rappelé la ministre. Et le cadre budgétaire n’a pas évolué non plus. L’enveloppe des revalorisations reste bloquée à 800 millions d’euros (600 millions dans le règlement arbitral), là où il faudrait 2,5 milliards pour rééquilibrer les soins… La ministre a fixé trois lignes directrices : améliorer l’accès financier aux soins en s’appuyant donc sur le principe d’un plafonnement progressif des soins prothétiques (avec l’objectif de proposer d’ici à 2022 des offres de prothèses sans reste à charge – promesse Macron), renforcer la prévention et faciliter l’accès aux soins pour les publics les plus démunis.
Entre immobilisme et vraie vision de la santé publique
Rien n’a-t-il donc changé ? « On repart sur la même copie, déplore Patrick Solera, président de la FSDL. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Je ne préjuge pas du résultat des négociations, mais s’il le faut nous redescendrons dans la rue et toute la profession nous suivra. » « Ce qui change, estime quant à elle Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD, c’est que la ministre est une professionnelle de santé avec une vraie vision de la santé publique et qu’elle semble vouloir prendre en compte la notion de pertinence de soins et de prévention. » « De toute façon, nous sommes contraints d’obtenir mieux que là où nous en étions restés, résume Philippe Denoyelle, président de l’Union Dentaire. Sinon c’est le règlement arbitral qui s’applique et ce sera une véritable catastrophe pour la profession. »
La question des tarifs plafonnés sur la prothèse semble dépassée. « Nous ne pouvons pas nous opposer frontalement aux plafonds, ce serait vain, estime Catherine Mojaïsky. Nous pouvons les accepter mais sous certaines conditions. Les tarifs des soins opposables de base devront être fortement réévalués et des actes innovants ou alternatifs aux techniques actuellement remboursées devront être pris en charge. Et pour éviter un blocage de ces plafonds pendant des années, ils devront être indexés et cette indexation inscrite dans la convention. » Enfin, selon la présidente de la CNSD, la profession doit impérativement conserver des espaces de liberté tarifaire, y compris sur certains soins « pour permettre l’investissement et l’innovation ». « Cela va de pair avec la liberté de choix thérapeutique que nous devons préserver pour les patients, assure-t-elle. S’ils souhaitent des soins plus esthétiques, nous devons garder la possibilité d’aller au-delà des plafonds. » « Nous sommes en accord sur ces points, constate Philippe Denoyelle. Il faut notamment préserver un espace de liberté pour pouvoir proposer à nos patients des tarifs différenciés sur les devis pour une même prestation prothétique. » L’Union Dentaire souhaite par ailleurs proposer un « panier de soins essentiels », des consultations de suivi de soins, un EBD triennal pour les 3 ans et les personnes âgés ou encore des parcours de soins en rapport avec la sphère bucco-dentaire pour les patients en ALD.
« La médecine buccale mérite mieux que des plafonds tarifaires qui ne régleront en aucun cas le problème de recours aux soins et encore moins celui du reste à charge, selon Patrick Soléra, plus tranché. On ne traite pas l’obésité en France en plafonnant la chirurgie bariatrique mais en mettant en place une vraie politique de santé publique. Avant de penser à plafonner nos actes, mettons l’accent sur les soins conservateurs et la prévention. Dans notre système, les actes les mieux rémunérés sont les plus délabrants. Les chirurgiens-dentistes gagnent mieux leur vie en mutilant leurs patients. Ce n’est plus tenable, notamment pour les jeunes générations qui arrivent. Alors, des plafonds sur des actes prothétiques mutilants, oui, mais avec de meilleurs remboursements sur les actes de préservation de la dent, les soins courants, la prévention et surtout le maintien d’une liberté tarifaire. »
Ce 15 septembre, tout le monde a donc posé ses jalons dans des négociations qui pourraient se révéler tendues puisque très contraintes par les budgets envisagés et l’épée de Damoclès que constitue le règlement arbitral. Prochain rendez-vous le 13 octobre pour discuter des revalorisations… et des plafonnements.
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