Les débuts des stérilisateurs en art dentaire

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 50-52)
Information dentaire
Dès le début des recommandations pour pratiquer une certaine asepsie, les dentistes ont suivi les préconisations médicales contemporaines adaptées aux progrès scientifiques. Il est certain que cette nouvelle asepsie, comme en chirurgie, fut lourde à accepter et à mettre en œuvre. L’importante instrumentation dentaire était peu compatible avec les traitements thermiques et chimiques. On pouvait être tenté de penser et de constater qu’en bouche tout ne se passait pas si mal sans compliquer son exercice avec des protocoles d’asepsie : « Dame Nature faisait bien les choses. » Praticiens d’aujourd’hui, ne sourions pas trop : que penseront nos successeurs au début du XXIIe siècle de nos matériels, protocoles et techniques actuels ?

Un peu d’histoire…

Ignace Philippe Semmelweis (1818-1865), médecin hongrois, particulièrement intéressé par les recherches de diagnostics et de statistiques, est nommé en 1846 chef de clinique en obstétrique à l’hôpital général de Vienne. Or ce service rencontre un problème majeur : en 1847, on observe une importante mortalité maternelle et néonatale due à la fièvre puerpérale avec un taux de 18 %. Semmelweis, stupéfait, étudie toutes les hypothèses et finit par découvrir que ce sont les enseignants et les étudiants qui, depuis les salles d’autopsies, rapportent sur leurs mains des « particules de contamination » aux accouchées qu’ils soignent ensuite. À l’époque, la théorie des maladies microbiennes n’a pas encore été formulée, mais Semmelweis en déduit que c’est une substance cadavérique inconnue qui cause la fièvre puerpérale.

Dès 1847, il préconise l’emploi d’une solution d’hypochlorite de calcium pour le lavage des mains avant l’examen des accouchées. La mortalité chute immédiatement de 18 % à 2,4 %, puis il impose ce lavage avant l’ensemble des examens avec une nouvelle chute à 1,3 %.

Le message passe très difficilement. En effet, le protocole du lavage de mains dure cinq minutes et utilise des solutions chlorées assez irritantes. De plus, il n’est pas facile aux médecins de reconnaître que ce sont eux-mêmes qui transmettent la maladie.

En 1848, Semmelweis étend l’usage de son protocole en faisant nettoyer tous les instruments et, en bon statisticien, il prouve qu’il a quasiment éliminé la fièvre puerpérale à l’hôpital. En 1850, il présente ses découvertes aux médecins de Vienne avec une communication « Sur l’origine de la fièvre puerpérale ». En 1861, il publie un imposant ouvrage répondant à toutes les invectives de ses détracteurs viennois.
Semmelweis tire de ses observations la conclusion que la fièvre puerpérale a un agent unique. Cette idée ouvre la voie à l’hypothèse microbienne. C’est seulement après la mort de Semmelweis qu’est élaborée la théorie des maladies microbiennes. On voit en lui un pionnier des mesures aseptiques et de préventions des infections nosocomiales.

De 1859 à 1876, les travaux de Louis Pasteur (1822-1895) sont déterminants pour expliquer et prouver les théories sur la germination, la fermentation et les maladies microbiennes. Ayant eu connaissance des travaux de Pasteur, le chirurgien britannique Joseph Lister (1827-1912) est convaincu que les infections postopératoires sont dues aussi à des organismes microscopiques. Il lave alors ses plaies à l’eau phéniquée et ses blessures au phénol. Il publie sa thèse et sa méthode en 1867 en les rattachant explicitement aux travaux de Pasteur. L’antisepsie listérienne, qui triomphera rapidement, fait partie de la théorie microbienne.

Lister vaporise de l’acide phénique dans l’air, sur le champ opératoire pendant les interventions avec efficacité sur les plaies superficielles, les mains des opérateurs, les tissus, l’air ambiant. Mais quand il faut opérer en profondeur, cela se révèle peu efficace et l’acide phénique, le phénol, est assez corrosif pour les opérateurs et le patient. On cherche donc à prévenir l’infection (c’est l’asepsie) plutôt qu’à la combattre (c’est l’antisepsie). Pasteur est de ceux qui cherchent à dépasser l’antisepsie par l’asepsie.

L’usage du phénol avait été préconisé dès 1863 par le pharmacien Jules Lemaire sans être suivi. En 1868, Just Lucas-Championnière (1843-1913), étudiant en médecine français, ayant connaissance des travaux de Lister se rend à Glasgow pour suivre sa méthode et devenir un ardent défenseur de l’antisepsie listérienne. Il publie en 1869 le premier article en français sur les vertus de l’antisepsie, soutenu en 1875 par un « Manuel de chirurgie antiseptique ».
On lui doit le pulvérisateur de Lucas-Championnière, appareil qui, en France, sera utilisé dans de nombreuses salles de chirurgie pour nébuliser les vapeurs de phénol préconisées par Lister.
Puis la vaporisation d’acide phénique, avec ses inconvénients, est abandonnée au profit des moyens thermiques pour éradiquer les microbes que l’on commence à voir et à reconnaître.

Les premiers stérilisateurs

Cinq dates clés marquent les débuts de l’apparition des premiers stérilisateurs.
En 1881, on observe les premières stérilisations par ébullition d’eau, procédé facile mais pas toujours assez efficace…
En 1885, on stérilise par la vapeur d’eau selon la technique d’Ernst von Bergmann, relayé en 1886-1889 par les travaux de William Stuart Halsted aux États-Unis.
En 1888, ce sont les premières utilisations du Poupinel, inventé dès 1885, pour une stérilisation à la vapeur sèche.
En 1888, on voit arriver le premier autoclave à vapeur d’eau sous hautes pressions et hautes températures 120 °C et plus, par Redard, Teraillon et Terrier (nombreux équipements hospitaliers).
En 1896, le Dr Joseph Bloodgood propose les premiers vrais gants chirurgicaux en caoutchouc comme moyen antiseptique.
Puis le nouveau siècle verra de nouvelles techniques de stérilisation avec de nombreux appareillages de plus en plus efficaces et sécurisés.
Remarquons cependant que, malgré la découverte de très nombreux nouveaux micro-organismes comme certains virus et prions, le principe d’une stérilisation sous vapeur d’eau à haute pression et température de 125 °C reste un procédé de choix préconisé en odontologie en ce début du XXIe siècle.


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