Les baux d’habitation après la loi ALUR

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 32-36)
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La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite Loi ALUR*, constitue une réforme très importante qui touche à de nombreux secteurs comme l’urbanisme, la construction ou encore la copropriété.
Elle a aussi pour objectif de favoriser « l’accès de tous à un logement digne et abordable » et modifie substantiellement le droit applicable aux baux d’habitation. C’est ce que nous nous proposons d’examiner dans cet article, en ne retenant néanmoins que les principales dispositions d’un texte très abondant…

Champ d’application de la nouvelle réglementation
Quand s’applique-t-elle ?
En principe, la nouvelle loi ne s’applique qu’aux baux d’habitation (meublés ou non) signés après son entrée en vigueur et donc pas aux baux en cours (article 14 de la loi). Cependant, si les renouvellements de baux donnent lieu à un nouveau contrat, ceux-ci devront respecter intégralement la nouvelle loi.
En outre, et par exception, certaines dispositions de cette loi ALUR sont applicables immédiatement aux baux non meublés en cours : il s’agit de l’article 6 modifié sur l’obligation de délivrer un logement décent, de l’article 7 modifié sur les obligations du locataire, de l’article 17-1 sur la clause de révision, de l’article 20-1 sur la possibilité pour le locataire de demander la mise en conformité aux normes de décence du logement, de l’article 21 sur la gratuité de la quittance et de l’article 23 modifié sur les charges récupérables.
Même chose pour les baux meublés : les articles 6, 7, 20-11 et 25-11 (ce dernier concerne la compétence de la commission départementale de conciliation) de la loi du 6 juillet 1989, dans leur rédaction résultant de la loi ALUR, sont immédiatement applicables.

A quels locaux s’applique-t-elle ?
La nouvelle loi, qui sera complétée par plusieurs décrets, s’applique comme auparavant aux locations de locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation (ce qui peut concerner les chirurgiens-dentistes qui seraient titulaires d’un tel bail mixte), et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu’aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur. Cette notion de résidence principale est désormais légalement définie comme « le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du Code de la construction et de l’habitation ».

Instauration d’un contrat type de bail

La loi instaure un contrat type de bail, qui sera défini par décret. Les mentions obligatoires au contrat sont complétées. Le bail type doit préciser le nom ou la dénomination du bailleur, la désignation des équipements d’accès aux technologies de l’information et de la communication, le montant et la date de versement du dernier loyer acquitté par le précédent locataire (si ce dernier a quitté les lieux moins de 18 mois avant la signature du bail), la nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de bail ou depuis le dernier renouvellement du bail, le renoncement éventuel à la garantie universelle des loyers dite GUL (voir encadré). A défaut, le bailleur s’engage à déclarer le contrat de location à un organisme créé à cet effet, appelé Agence de la garantie universelle.

Surface du logement : attention à l’action en diminution de loyer
Depuis la loi du 25 mars 2009, la surface habitable de la chose louée doit être précisée au bail. Désormais, si la surface réelle se révèle inférieure de plus d’un vingtième à celle mentionnée dans le contrat, le locataire peut demander au bailleur une diminution de loyer proportionnelle à l’écart constaté. À défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, afin de déterminer la diminution de loyer à appliquer. La diminution de loyer acceptée ou prononcée par le juge prend effet à la date de signature du bail si la demande en diminution du loyer intervient dans les six mois après la prise d’effet du bail et, à défaut, à la date de la demande.
Une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges, doit être annexée au bail. Elle précise également les droits, obligations et effets, pour les parties, de la mise en œuvre de la GUL. Un arrêté du ministre chargé du Logement déterminera le contenu de cette notice.

Cautionnement
Le régime actuel interdit au bailleur de demander au locataire un cautionnement (c’est-à-dire une sûreté comme la caution d’un parent par exemple) s’il a souscrit une assurance loyers impayés. La loi ALUR étend cette interdiction à « toute forme de garantie » (dépôt de garantie mis à part). La sanction de cette interdiction est précisée : le cautionnement pris en méconnaissance de ce dispositif est réputé nul.
Si le bailleur bénéficie d’un cautionnement, il ne peut bénéficier de la GUL, sauf dans le cas de locataires étudiants ou apprentis, le cumul de la GUL et du cautionnement étant alors possible.
Lorsque le locataire est étudiant ou apprenti et que le bailleur bénéficie d’un cautionnement et de la GUL, la loi prévoit que l’engagement de la caution s’étend aux aides versées au bailleur en application de la GUL ; cette extension permet à l’Agence de la garantie universelle d’exercer un recours subrogatoire à l’encontre de la caution.

État des lieux d’entrée

L’état des lieux doit être établi selon les modalités définies par décret, en autant d’exemplaires que de parties, lors de la remise des clés. Si le logement comporte une installation de chauffage ou d’eau chaude, individuelle ou collective avec un comptage individuel, l’état des lieux doit être complété par les relevés des index pour chaque énergie. L’extrait de l’état des lieux correspondant est mis à la disposition de la personne chargée d’établir le diagnostic de performance énergétique, de même que les factures. Lors de l’état des lieux, le propriétaire doit s’assurer du bon fonctionnement du détecteur de fumée qu’il aura dû installer.
Selon le régime actuel, à défaut d’état des lieux, la présomption de bon état (Code civil : article 1731) ne peut être invoquée par celui qui a fait obstacle à l’établissement de l’acte. La loi étend ce dispositif au refus de remise de l’exemplaire d’état des lieux.
En cas d’état des lieux incomplet, le locataire peut demander au bailleur ou à son représentant la modification dans un délai de dix jours à compter de son établissement.

Dossier de diagnostic technique
Le contenu de ce dossier est renforcé : outre le diagnostic de performance énergétique et le constat de risque d’exposition au plomb, le bailleur doit communiquer au locataire une copie de l’état mentionnant l’absence ou la présence de matériaux ou produits contenant de l’amiante et un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, dont l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Si le logement est situé dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles ou dans une zone de sismicité, le bailleur reste tenu de transmettre au locataire un état des risques naturels, miniers et technologiques.

Encadrement des loyers

La loi crée un nouveau mécanisme d’encadrement des loyers dans les zones dites « tendues », dans l’objectif d’éliminer les loyers excessifs qui y sont constatés et ainsi limiter leur niveau. Ce dispositif complète celui existant, qui permet l’encadrement des loyers à la relocation et au renouvellement du bail, dans certaines zones, par un décret annuel***.
L’entrée en vigueur du dispositif se fera progressivement, au fur et à mesure que les zones d’encadrement seront dotées d’un observatoire des loyers. Dès l’automne 2014, l’encadrement des loyers pourrait être effectif dans l’agglomération parisienne, ainsi que dans d’autres agglomérations.

D’après les experts financiers (voir par exemple le magazine Capital n° 270 page 125), cet encadrement risque d’amoindrir encore la rentabilité des placements immobiliers et les propriétaires détenant une petite surface en centre-ville ou dans un quartier étudiant pourraient alors être tentés de transformer leur location en location meublée (lors d’un changement de locataire), ce qui permettra de louer 10 à 20 % plus cher et de bénéficier d’un cadre fiscal plus avantageux.

Révision du loyer du fait de l’indexation annuelle
Si le bailleur ne manifeste pas sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, il est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée. Les révisions de loyer du fait de l’indexation se prescrivent donc désormais en un an et non plus par l’écoulement d’un délai de cinq ans (délai de prescription des créances périodiques).
De plus, si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, cette révision ne prendra effet qu’à compter de sa demande.
La loi précise désormais qu’aucun frais lié à la gestion de l’avis d’échéance ou de la quittance ne peut être facturé au locataire et, qu’avec son accord exprès, la dématérialisation de la quittance est possible.

Charges
En matière de charges récupérables, la loi prévoit qu’une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs doit être envoyée un mois au moins avant la régularisation des charges.
Quant aux documents justifiant du montant des charges, ils doivent être conservés à disposition du locataire pendant six mois.

Travaux
La possibilité pour le propriétaire de faire exécuter des travaux dans les locaux loués est plus sévèrement encadrée.
Le locataire a l’obligation de permettre l’accès aux lieux loués pour la préparation et l’exécution de travaux d’amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l’entretien normal des locaux loués, de travaux d’amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l’article 6.
Si ces réparations durent plus de quarante jours, le loyer sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont le locataire aura été privé. De plus, si les réparations sont de telle nature qu’elles rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement du preneur et de sa famille, celui-ci pourra faire résilier le bail.
Avant le début des travaux, le bailleur informe le locataire de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Assurance des locaux

En matière d’assurance, on sait que le locataire doit s’assurer contre les risques locatifs (assurance dite multirisque habitation) ; la loi prévoit désormais la possibilité, pour le bailleur, à défaut de la remise de l’attestation d’assurance par le locataire et à l’issue du délai d’un mois à compter d’une mise en demeure non suivie d’effet, de souscrire une assurance pour le compte du locataire, récupérable auprès de celui-ci.
Cette mise en demeure doit informer le locataire de la volonté du bailleur de souscrire une assurance pour le compte du locataire et vaut renoncement à la mise en œuvre de la clause prévoyant, le cas échéant, la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut d’assurance du locataire.

Résiliation du contrat de bail

• Congé donné par le bailleur

Congé pour reprise : outre les informations déjà exigées (motif allégué, nom et adresse du bénéficiaire de la reprise), le congé doit mentionner, à peine de nullité, la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise. Le bailleur doit justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Il doit joindre une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire, telle que déterminée par arrêté (à paraître).
Congé pour vente : le bailleur doit joindre au congé la même notice d’information. Par ailleurs, la loi exclut du dispositif réglementant le congé pour vendre les actes intervenant entre parents jusqu’au troisième degré, au lieu du quatrième degré précédemment, à condition que l’acquéreur occupe le logement pendant une durée qui ne peut être inférieure à deux ans.
En cas d’acquisition du bien occupé : la possibilité pour le nouveau propriétaire de donner congé pour reprise ou pour vente est limitée. Dans le cas d’une reprise, le congé peut être donné au terme du bail, si celui-ci intervient deux ans après l’acquisition et, à défaut, dans un délai de deux ans à compter de l’acquisition.
Dans le cas d’une vente, il peut donner congé au terme du premier renouvellement du bail.

• Congé donné par le locataire
Les hypothèses de réduction du délai de préavis de trois mois à un mois (obtention d’un premier emploi, mutation, perte d’emploi, locataire de plus de 60 ans dont l’état de santé le justifie) sont élargies à de nouveaux cas. Sont concernés : les zones d’encadrement des loyers, le locataire dont l’état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile, le locataire bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé, le locataire attributaire d’un logement social.
Le locataire souhaitant bénéficier du délai de préavis réduit doit préciser le motif invoqué et le justifier au moment de l’envoi de la lettre de congé. À défaut, le délai de préavis applicable à ce congé reste de trois mois.

• Formalités du congé
Qu’il soit donné par le locataire ou le bailleur, le congé doit être notifié par lettre recommandée avec avis de réception ou signifié par acte d’huissier ; il peut désormais aussi être remis en main propre contre récépissé ou émargement.

• État des lieux de sortie

La vétusté de la chose louée devra être prise en compte lors de l’état des lieux de sortie, selon des modalités à déterminer par décret. Cette mesure sera peut-être de nature à limiter les contentieux relatifs à la restitution du dépôt de garantie.

Enfin, en matière de locations meublées, la principale autre modification est qu’il est dorénavant prévu que la commission départementale de conciliation est compétente pour l’examen des litiges relatifs aux logements meublés et résultant de l’application des dispositions relatives aux loyers, aux congés, à l’état des lieux et du mobilier, au dépôt de garantie, aux charges locatives, aux réparations et aux caractéristiques du logement.

On peut craindre que cette loi, qui a pour objet de permettre un meilleur accès au logement, n’ait un effet dissuasif et manque ainsi son objectif en décourageant les bailleurs compte tenu des contraintes et des risques que présentent ces nouvelles règles.

La garantie universelle des loyers (GUL)
Cette garantie (remboursement des loyers impayés jusqu’à un certain plafond après application d’une franchise) vise à protéger les propriétaires contre les impayés de loyer grâce à un fonds abondé par l’État, et donc à les inciter à louer plus facilement quelle que soit la solvabilité du locataire. Beaucoup de spécialistes de l’immobilier ont critiqué l’inutilité de ce dispositif, en outre très coûteux (plusieurs centaines de millions d’euros), dans la mesure où l’on ne compterait que 2,5 % de loyers impayés sur les 6,5 millions de logements loués, la Chambre des propriétaires estimant par ailleurs que ce dispositif risquait de déresponsabiliser les locataires. Ces critiques ont été en partie entendues par le gouvernement, car la GUL, qui devait être obligatoire, est devenue facultative.

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