Moins de 6 000 chirurgiens-dentistes concernés
Le rapport s’intéresse en particulier aux six grandes plateformes de gestion : Carte Blanche, Istya, Itelis, Kalivia, Santéclair et Seveane. Elles gèrent des réseaux de soins de grande taille (plusieurs milliers de professionnels de santé) auxquels des millions d’assurés peuvent avoir accès, potentiellement 45 millions, soit les trois quarts des personnes disposant d’une complémentaire santé. Toutes ces plateformes recourent à des systèmes d’information qui dématérialisent les échanges avec les professionnels de santé (devis, prise en charge, suivi du paiement…). « Gérés sur un mode quasi « industriel », ces échanges d’informations constituent le point névralgique des plateformes et leur principal atout », remarque l’Igas. C’est dans l’optique que les réseaux sont les plus développés puisque deux tiers des opticiens sont couverts par l’un ou l’autre des réseaux. En regard, les réseaux dentaires apparaissent peu développés : moins de 6 000 praticiens y adhérent selon le rapport, soit 14 % du total des chirurgiens-dentistes (un praticien peut adhérer à plusieurs réseaux).
Tarifs plus bas, mais pas forcément en dentaire
L’écart de prix est différent en fonction du secteur : important pour l’optique (- 20 % pour des verres adultes, - 10 % pour des montures, jusqu’à - 37 % pour certaines références de verres), limité dans le secteur des aides auditives (autour de - 10 %) et encore plus modestes dans le dentaire. Par exemple, selon l’Igas, l’écart serait de - 5 % pour les prothèses céramo-métalliques, mais tout de même de - 37 % pour les couronnes sur implants à Paris pour un réseau en particulier. « La pression tarifaire est relativement modérée, certains réseaux ne proposant que le « tarif moyen » (décliné par région) », relève l’Igas. Mais attention, ces résultats « sont à interpréter avec précaution », soulignent les auteurs, compte tenu du faible nombre de tarifs recueillis. En dentaire, les réseaux ne prendraient en charge « que » quelques dizaines de milliers de personnes.
Qualité des soins non mesurable, nouveau scandale « Dentexia » ?
« Un écart de prix pour une catégorie de produits/prestations ne dit rien de la nature ni de la qualité du produit acheté, souligne justement le rapport. Il ne dit rien, non plus, sur les acheteurs (besoins, capacités financières, comportements…). » La qualité des prestations obtenues par les patients est donc très difficile à mesurer. En effet, le contrôle exercé par les plateformes porte sur les moyens de la qualité (sélection des professionnels, choix des dispositifs ou des produits et encadrement des pratiques…) et non sur la qualité elle-même. « Dans le secteur dentaire, où la qualité joue un rôle crucial, les plateformes de gestion se bornent à faire appliquer les règles et recommandations générales : diplômes et titres, respect des règles d’hygiène et d’asepsie, traçabilité, radioprotection… Il est très difficile de porter un jugement faute d’indicateur fiable. La satisfaction des usagers, mise en avant par les plateformes, n’est souvent qu’une impression qui en dit assez peu sur la qualité objective des actes ou des produits », reconnaît l’Inspection qui ne peut donc faire la part des choses entre les réseaux. Certaines plateformes interrogées par l’Igas ont reconnu avoir compté des centres Dentexia dans leur réseau. Mais toutes incluent des centres de santé « considérés, du fait de leur modèle économique, comme « à risques potentiels » par la récente mission Igas consacrée aux centres de santé dentaires. Ces risques ne sont pas spécifiques aux réseaux de soins, mais ils sont en décalage avec le discours tenu par certaines de ces plateformes sur les garanties offertes par leurs réseaux. » Faute de contrôle, l’Igas n’exclut donc pas une nouvelle affaire Dentexia. Ce dernier rapport évoqué plus haut, spécifiques aux centres de santé dentaire, est visiblement écrit, mais n’a jamais été publié… Il est attendu avec impatience par les syndicats dentaires.
Dérives et pressions sur les professionnels
Faute de textes d’application, la « Loi Le Roux », qui constitue le cadre légal des réseaux de soins du point de vue sanitaire, « comporte des dispositions trop générales pour avoir une réelle portée (liberté de choix des patients, égalité d’accès aux soins…), remarque l’Igas. À défaut de cadre juridique, mais aussi de réclamations ou d’alertes, les réseaux de soins échappent à tout contrôle de la part des autorités sanitaires, sur le plan national comme local (…), alors qu’ils interviennent dans la délivrance d’actes médicaux ou paramédicaux qui comportent, pour certains, des risques sanitaires ». S’agissant des réseaux dentaires, la mission confirme que les principes déontologiques qui régissent la profession de chirurgien-dentiste « ne s’appliquent pas directement aux réseaux de soins, ce qui les prémunit contre les recours pour publicité abusive ou détournement de clientèle ». Pire, la relation contractuelle entre les plateformes et les professionnels est « déséquilibrée » puisqu’il n’y a pas de négociations, mais une simple adhésion. Il y a, notent encore les rapporteurs, une « très forte asymétrie des droits et obligations réciproques : pouvoirs unilatéraux de sanction et de modification accordés aux réseaux, responsabilités presque entièrement à la charge des professionnels de santé, faibles contreparties de la part des plateformes au regard des engagements pris par les professionnels… ». « Les réseaux de soins opèrent une forte restriction de la liberté de choix et de prescription, conclut plus loin l’Igas. Pour les professionnels de santé, cette contrainte est d’abord financière et économique, les réseaux représentant souvent une part importante et croissante de leur chiffre d’affaires. » Enfin, le rapport souligne que « les pratiques constatées et l’analyse des conventions font apparaître une grande variabilité, voire des écarts avec le droit » s’agissant de la collecte, du traitement et de la conservation de grandes quantités de données personnelles de nature administrative, financière ou médicale.
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Régulation avérée
Après avoir listé les travers des réseaux, l’Igas estime toutefois qu’ils « opèrent une véritable régulation des parcours de santé : référencement et tarification des produits et des soins, orientation des patients vers des professionnels de santé sélectionnés, contrôle des produits et des pratiques… ». Et en fixant des prix plafonds, ils permettent « d’éviter au patient/client des prix excessifs, voire abusifs ». Ils auraient également un impact favorable sur les restes à charge, en faveur des assurés qui recourent aux réseaux (- 50 % en optique par exemple). Un écart dû aux différences de prix et à l’amélioration du remboursement complémentaire. Ils seraient également un moyen efficace de lutte contre la fraude grâce aux multiples contrôles qu’ils diligentent vis-à-vis des professionnels comme des patients.
Études et contrôles
Face au poids pris par ces réseaux, l’Igas recommande au ministère de la Santé de « réinvestir » ce sujet. Il s’agit de mieux le connaître en mesurant mieux le déploiement des réseaux de soins et leur activité et en évaluant leur impact sur le système de soins (prix, volume…). Pour mieux les contrôler ?
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