Le protocole BAMP dans les classes III

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  • Publié le . Paru dans L'Orthodontiste n°4 - 15 septembre 2015
Information dentaire
Nous continuons notre série d’articles sur la prise en charge des classes III squelettiques en présentant aujourd’hui la technique BAMP (Bone-Anchored Maxillary Protraction) proposée par Hugo De Clerck.
Cette technique qui repose sur l’utilisation de TIM de classe III sur des miniplaques type Bollard ouvre aujourd’hui de nouvelles possibilités orthopédiques.
Le Dr Frapier, MCU-PH à Montpellier, est l’un des orthodontistes français les plus expérimentés dans cette technique.
Elle a accepté de faire pour nous le point sur cette nouvelle approche et de nous présenter un cas clinique.

Docteur Frapier, vous utilisez la technique BAMP d’Hugo De Clerck depuis quelques années, pouvez-vous nous en décrire la mise en œuvre ?
Laure Frapier : Il s’agit bien de tractions élastiques de classe III mais à visée orthopédique, entre des miniplaques maxillaires (contrefort maxillaire des crêtes zygomatiques) et mandibulaires (entre incisives latérales et canines). La fixation osseuse des 4 plaques (Tita-Link ; Bollard, Belgique), la plupart du temps réalisée sous anesthésie générale après incision pour lambeaux mucopériostés, se fait par 2 vis à la mandibule et 3 vis au maxillaire (diamètre : 2,3 mm ; longueur : 5 mm). Les extensions des plaques émergent dans la gencive attachée près de la jonction muco-gingivale. Leur mise en charge est commencée 3 semaines après la chirurgie avec une force élastique continue de 150 g par côté, progressivement croissante jusqu’à 250 grammes par côté au bout du troisième mois de port (les élastiques sont à changer 3 fois par jour).
Une libération occlusale est conseillée au bout de 3 mois dans les cas de supra-alvéolies sévères.

La phase chirurgicale n’est-elle pas un frein pour le patient et le praticien ? Les complications au niveau des plaques sont-elles fréquentes ? Comment les prévenir ou les gérer ?
Laure Frapier : La difficulté est plutôt d’ordre financier car il n’existe pas de prise en charge par l’assurance maladie du protocole chirurgical. Il est aussi certain qu’aucun parent n’est enthousiaste à l’idée d’une phase chirurgicale pour son enfant, mais l’opportunité d’en éviter une ultérieure beaucoup plus lourde est entendue. Si l’indication est posée, il est possible parfois de coupler la germectomie des dents de sagesse mandibulaires à la pose des plaques, ce qui permet d’accepter « le poids » de l’anesthésie générale.
Les complications de l’ordre de la mobilité ou de la perte d’une plaque existent en cas de finesse des contreforts maxillaires mais demeurent assez rares. Le positionnement chirurgical des plaques doit, dans ce cas, être bien analysé au préalable. Si une plaque est mobile, il est préférable de suspendre les tractions élastiques pendant 2 mois. En cas de perte, il est conseillé de refixer la plaque 3 mois après. Les complications d’ordre inflammatoire peuvent être prévenues en conseillant à l’enfant de ne pas jouer avec ses plaques et d’assurer une bonne hygiène dentaire. L’évolution du système Bollard vers la miniaturisation des extensions buccales des plaques a permis une bonne compliance des jeunes patients.

Quelles sont pour vous les principales indications de cette technique ?
A-t-elle modifié vos habitudes de prise en charge des classes III ?

Laure Frapier : Cette orthopédie concerne les enfants prépubères entre 10 et 12 ans souffrant de classe III squelettique sévère avec hypomaxillie. Le bénéfice est une avancée squelettique du zygoma et du maxillaire en moyenne de 3,7 mm avec très peu de compensation dento-alvéolaire. Il existe aussi un impact orthopédique mandibulaire dans le sens d’un freinage de la croissance du menton avec une apposition distale ramale d’une moyenne de 3,7 mm et une fermeture de l’angle goniaque en moyenne de 2° par apposition osseuse sur le bord postéro-inférieur du corpus de la mandibule (1, 2). Il est donc possible d’envisager cette orthopédie également chez les patients à tendance hyperdivergente. C’est essentiellement l’efficacité orthopédique maxillaire associée au contrôle directionnel mandibulaire qui nous fait choisir ce protocole pour traiter des patients avec des décalages sagittaux sévères de 6-7 mm d’AO-BO dans l’espoir de leur éviter une chirurgie orthognathique des maxillaires.

Les auteurs comparent souvent cette approche thérapeutique au masque de Delaire. Quels résultats squelettiques et esthétiques peut-on attendre lors d’un traitement par BAMP ? L’association d’une disjonction maxillaire, souvent préconisée pour potentialiser l’effet orthopédique du masque facial vous semble-t-elle intéressante dans ces cas ?
Laure Frapier : Les deux approches orthopédiques ne s’affrontent pas. Elles ne s’appliquent pas au même âge et ne s’adressent pas aux mêmes dysmorphies, même si elles semblent avoir des effets comparables.
L’étude prospective comparative 3D de CT Hino (3) montre qu’à 11 ans, il existe moins d’avancée du point A, plus d’abaissement vertical du maxillaire et de compensations dento-alvéolaires avec le masque facial sur disjoncteur qu’avec le système BAMP. Le masque facial a sans doute un intérêt dans une application plus précoce, idéalement vers 6 ans. Il s’adresse aussi préférentiellement aux classes III par brachymaxillie plutôt hypodivergentes où la compensation dento-alvéolaire est moins préjudiciable.
Du point de vue esthétique, seul le système de protraction à ancrage osseux a été analysé de façon tridimensionnelle. Le bénéfice ne concerne pas seulement une avancée de la lèvre supérieure, il existe aussi un mouvement vers l’avant des joues, du nez et des arcades sourcilières (4).
Quant à la correction transversale, elle n’est pas un problème si l’orthopédie des maxillaires est efficiente. Nous n’avons jamais eu besoin de disjonction maxillaire. La coordination transversale est, la plupart du temps, accomplie par l’avancée du maxillaire à condition de lever les blocages occluso-fonctionnels. Dans le cadre du protocole d’Hugo De Clerck, l’action orthopédique se fait par transfert direct de la force élastique de classe III sur les sutures circum-maxillaires et, selon lui, il est préférable de ne pas agir d’une façon rigide sur la suture transversale maxillaire.
L’étude comparative de NK Lee va aussi dans ce sens : chez des enfants de 11 ans, le masque facial appliqué sur disjoncteur a moins d’impact orthopédique d’avancée maxillaire que sur celui appliqué sur des plaques modifiées « type ostéosynthèse » (5).
Par ailleurs, le masque facial sur plaques modifiées, délivrant des forces de 400 gr par côté, est moins performant sur la protraction du maxillaire que les élastiques de classe III appliqués sur plaques. Sans doute, le port intermittent du masque facial explique sa moindre efficacité ; l’intensité des forces délivrées peut être aussi en cause.
Finalement, l’inconvénient dans le protocole BAMP de devoir attendre l’évolution des canines sur l’arcade, qui pourrait sembler être une perte de chance orthopédique, est suppléé, par la possibilité d’associer une coordination des arcades dans les trois ordres au moyen d’un appareillage multibagues.

Comment résumeriez-vous votre expérience avec le système BAMP ?
Laure Frapier : Pour conclure, l’efficacité du système BAMP n’est plus à démontrer ; à 11 ans, elle est supérieure au masque facial. Toutefois cette efficacité dépend de la rigueur du protocole chirurgical, du respect des instructions postopératoires (bonne hygiène, coopération), du suivi orthodontique et de la contention de longue durée, sans oublier la prise en charge des dysfonctions orofaciales.
Il n’est sans doute pas possible de traiter toutes les formes de classe III par le système BAMP. Certaines formes squelettiques très sévères sans espoir de croissance et/ou avec fort déterminisme génétique, en particulier avec excès vertical antérieur, resteront du domaine chirurgical orthognathique.

Merci beaucoup, Dr Frapier, pour toutes ces informations.

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