Le point sur les ordonnances travail

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 30-33)
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Les ordonnances du 22 septembre 2017 ont introduit une réforme de grande ampleur du Code du travail. Les règles relatives à la rupture du contrat de travail, à la négociation collective et en matière de représentation sont profondément modifiées. Une analyse des nouvelles dispositions s’impose, afin d’en connaître les contraintes et les opportunités.

Prévisibilité et sécurisation des relations de travail

Cette première ordonnance concerne les employeurs et les salariés et porte sur la rupture du contrat, le contrat à durée déterminée (CDD), le contrat de travail temporaire… En contrepartie, les indemnités de licenciements sont majorées.

Indemnité légale de licenciement

L’ordonnance réduit la durée d’ancienneté du salarié pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement et la porte à huit mois (contre douze précédemment).
Un décret du 25 septembre 2017 fixe le montant minimal de l’indemnité légale de licenciement à :
– un quart de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à dix ans ;
– un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de dix ans.
Cette augmentation s’applique également au montant de l’indemnité légale de mise à la retraite et de l’indemnité de rupture conventionnelle.
L’assiette de salaire à prendre en compte correspond au montant le plus favorable entre :
– la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement pour les salariés ayant au moins un an d’ancienneté ; ou la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement lorsque le salarié a moins d’un an d’ancienneté ;
– le tiers des trois derniers mois. Toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, doit être proratisée (Code du travail, article R. 1234-4).
 
Les nouvelles dispositions s’appliquent aux licenciements et mises à la retraite prononcés ainsi qu’aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à la publication du décret, soit à compter du 27 septembre 2017.
Mise en place de modèles type de lettre de licenciement
Annoncé par l’article L.1232-6 du Code du travail, le décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017 propose six modèles de lettres correspondant aux cas de licenciement les plus fréquents (pour motif personnel, disciplinaire, inaptitude, motif personnel non disciplinaire, motif économique…).
Ils sont téléchargeables sur le site Legifrance (www.legifrance.gouv.fr).
 
Ces modèles apportent des précisions sur la notification du licenciement qui peut être réalisée par lettre recommandée avec avis de réception ou lettre remise contre récépissé, et devraient permettre à l’employeur d’éviter quelques irrégularités pouvant remettre en cause le licenciement.
Les motifs indiqués dans la lettre de licenciement pourront être précisés par l’employeur, après la notification du licenciement, à son initiative ou à la demande du salarié.
 
En l’absence de demande du salarié, l’insuffisance de motivation de la lettre ne prive pas à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais ouvre droit à une indemnité d’un mois de salaire maximum.
Jusqu’à présent, l’insuffisance des motifs était sanctionnée par un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 

Barème obligatoire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’ordonnance fixe le barème (avec un montant minimum et un montant maximum) de l’indemnité accordée par le juge à un salarié ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voir tableau).
Jusqu’à présent, le montant de l’indemnité accordé par le juge l’était en fonction du préjudice subi par le salarié et n’était pas plafonné.
 
Le nouveau barème ne s’appliquera pas lorsque le licenciement sera nul, dans le cas de harcèlement, de discrimination, de violation d’un statut protecteur, etc., ou s’il est intervenu en violation d’une liberté fondamentale.
En cas de nullité, le montant de l’indemnité ne pourra être inférieur à six mois de salaire.
Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux licenciements qui ont été prononcés à compter du 24 septembre 2017.



 

Délais de recours en cas de rupture du contrat de travail

Les délais de recours sont ramenés à douze mois dans tous les cas de figure (licenciement pour motif personnel
u économique).
Ce délai s’applique aux prescriptions en cours à compter du 23 septembre 2017.
 

Télétravail

Les conditions de mise en œuvre du télétravail sont assouplies.
Il peut être instauré dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après avis du Comité Social et Économique (CSE). En l’absence de CSE ou de délégués du personnel, l’employeur peut, s’il le souhaite (il n’y a aucune obligation en la matière), élaborer une charte sur le télétravail.
En l’absence d’accord collectif ou de charte, l’employeur et le salarié peuvent recourir de manière occasionnelle au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen.
L’ordonnance précise qu’en cas de recours au télétravail, l’accident survenu sur le lieu du télétravail, pendant les plages horaires du télétravail, est présumé être un accident de travail. L’ordonnance supprime l’obligation légale de prise en charge des coûts liés au télétravail.
Ces dispositions sont applicables à compter du 24 septembre 2017.
 

Renforcement de la négociation collective

Cette ordonnance vient modifier en profondeur l’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise, en laissant aux entreprises la possibilité de déroger à certaines dispositions d’un accord de branche pour y substituer des mesures moins contraignantes. Elle permet également la signature d’accords d’entreprises en l’absence de délégués syndicaux.
 

Articulation des accords de branche et d’entreprise

Pour répartir les domaines relevant de l’accord de branche, d’entreprise ou d’établissement, trois blocs sont créés, dont les domaines sont détaillés dans l’encadré « Accords de branche et d’entreprise ».
 

Modalités de négociation dans les entreprises sans délégué syndical

L’ordonnance assouplit les modalités de négociation dans les entreprises sans délégué syndical (DS) ou conseil d’entreprise (émanation du CSE) (voir l’encadré « Modalités de négociations »).
Jusqu’à présent, les entreprises de moins de onze salariés, dépourvues de représentants élus du personnel, devaient faire mandater un salarié par un syndicat pour négocier un accord collectif, ce qui en limitait la conclusion.
L’accord ainsi négocié devra être déposé auprès de l’administration. Il pourra être consulté par toute personne intéressée directement sur le site de Legifrance, dans son intégralité, seuls les noms des signataires sont supprimés.

Nouvelle organisation du dialogue social et économique favorisant l’exercice et la valorisation des relations syndicales

Les trois instances existantes représentatives du personnel – délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – sont fusionnées en une seule, le comité social et économique (CSE).
Dans les entreprises de onze à quarante-neuf salariés, la délégation du personnel au CSE exerce les attributions qui incombent actuellement aux délégués du personnel.
Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le CSE exerce les attributions actuellement dévolues aux CE, aux DP et au CHSCT.
La durée maximale des mandats des élus reste maintenue à quatre ans.
La mise en place du CSE interviendra au terme du mandat des instances représentatives en cours et au plus tard le 31 décembre 2019.

Compte professionnel de prévention

Le compte personnel de prévention de la pénibilité est remplacé par le compte professionnel de prévention.
La liste des facteurs de risque est réduite aux éléments suivants :
– contraintes physiques marquées : manutentions manuelles de charges, postures pénibles définies comme positions forcées des articulations, vibrations mécaniques ;
– environnement physique agressif : agents chimiques dangereux, activités exercées en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit ;
– certains rythmes de travail : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte.
 
Le compte sera géré par la Caisse nationale d’assurance maladie (et non plus par la Caisse nationale d’assurance vieillesse).
Les cotisations sur la pénibilité sont supprimées à compter du 1er janvier 2018. Les dépenses seront couvertes par la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la Sécurité sociale.

En assouplissant les règles sociales, la réforme du Code du travail introduit davantage de flexibilité dans la relation contractuelle, tout en limitant les conséquences financières lors d’une éventuelle rupture du contrat.
Ces dispositions permettront-elles de créer plus facilement des emplois ?
Si le cadre juridique ne constitue pas le critère déterminant lors d’une embauche, il peut cependant y contribuer, en restaurant la confiance des dirigeants d’entreprises.
 

Accords de branche et d’entreprise

Bloc 1 : les accords de branche priment sur les accords d’entreprise, sauf si ces derniers sont plus favorables
que l’accord de branche.
Sont concernés les domaines suivants : salaires minima, classifications, garanties collectives complémentaires (prévoyance…), durée du travail : quelques mesures (temps partiel notamment)…
 
Bloc 2 : les accords de branche peuvent prévoir une clause de verrouillage interdisant aux accords d’entreprise
d’y déroger.
Sont concernés les domaines suivants : primes pour travaux, dangereux ou insalubres, prévention de l’exposition aux facteurs de risques professionnels, travailleurs handicapés, délégués syndicaux.
 
Bloc 3 : les accords d’entreprise peuvent déroger aux accords de branche, y compris dans un sens moins favorable aux salariés dans tous les autres domaines : primes d’ancienneté ou de 13e mois, contingent d’heures supplémentaires…
 

Modalités de négociations

Entreprise de moins de 11 salariés sans délégué syndical et entreprise comprenant entre 11 et 20 salariés
sans représentant élu du personnel et sans délégué syndical

L’employeur peut proposer un projet d’accord aux salariés. Pour être valable, l’accord doit être ratifié par les 2/3
des salariés. La mise en œuvre de la mesure est subordonnée à la publication d’un décret.
 
• Entreprise comprenant entre onze et cinquante salariés sans délégué syndical
– 1er cas : l’employeur négocie avec des salariés élus, mandatés ou non par une organisation syndicale représentative. Ils doivent représenter la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
– 2e cas : négociation avec des salariés non élus mandatés par une organisation syndicale représentative.
L’accord doit être approuvé par les salariés à la majorité.

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