Le consentement éclairé

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 40-42)
Information dentaire
Le temps du “paternalisme” médical est révolu et le patient n’est plus seulement considéré comme un malade qu’il faut soigner, mais également comme une personne dont il faut respecter les droits fondamentaux (libre choix du praticien, secret médical, respect de la vie privée, droit à l’intégrité du corps humain, droit à l’information, traitement de la douleur etc.). Parmi ces droits fondamentaux figure le droit du patient à l’information sur son état de santé.

Le droit du patient à l’information sur son état de santé a été consacré par la loi du 4 mars 2002 (il était déjà reconnu par la jurisprudence de la Cour de Cassation). C’est l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique selon lequel « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Le défaut d’information peut ainsi être sanctionné, même s’il n’existait pas de solution alternative : pour la Cour de Cassation (arrêt du 3 juin 2010, n° 09-13.591), le défaut d’information ne se limite pas à une perte de chance, mais constitue un préjudice particulier.

Pourquoi informer ?
Comme l’écrit très justement le Docteur Grégoire Moutel dans son livre Le consentement dans les pratiques de soins et de recherche en médecine (L’Harmattan, 2003) : « Au cours des années 1980, l’émergence d’un puissant courant médical, au sein de l’éthique médicale, en faveur d’une approche plus consensuelle de la médecine, a, progressivement fait du patient un associé des prises de décision grâce à l’exigence d’une information de qualité, nouvelle base fondamentale de la relation soignants-soignés et d’un consentement de plus en plus, et de mieux en mieux, fondé. »
L’information ainsi délivrée par le chirurgien-dentiste doit permettre au patient de prendre la décision d’accepter ou de refuser un traitement, et de choisir entre différentes techniques, et ce, en toute connaissance de cause.
Cette information permet seule d’obtenir un consentement valable du patient, consentement sans lequel aucun acte médical (sauf urgence) ne peut être pratiqué, ainsi que le rappelle l’article L. 1111 – 4 du Code de la santé publique : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »
Cette règle figure à présent aussi dans le Code civil (article 16-3 second alinéa, issu de la loi du 6 août 2004 : « Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ») et dans le Code de déontologie dentaire à (article R. 4127-236 du Code de la santé publique : « Le consentement de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas, dans les conditions définies aux articles L. 1111-2 et suivants. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposé, le chirurgien-dentiste doit respecter ce refus après l’avoir informé de ses conséquences. Lorsqu’il est impossible de recueillir en temps utile le consentement du représentant légal d’un mineur ou autre incapable, le chirurgien-dentiste doit néanmoins, en cas d’urgence, donner les soins qu’il estime nécessaires. »).

Que doit contenir l’information ?
Selon le Conseil National de l’Ordre (Charte de juin 2014), l’information doit porter sur tout ce qui entoure et constitue l’acte envisagé ou réalisé : l’accueil, les conditions de prise en charge, l’utilité de l’acte, son urgence éventuelle, les techniques utilisées, les alternatives, le rapport risques (fréquents ou graves prévisibles) / bénéfices (escomptés) de chaque technique proposée, leur coût, le déroulement et l’organisation des soins, les temps d’intervention, les suites opératoires possibles, les médications et examens complémentaires nécessaires, les précautions à prendre, le suivi envisagé, les conséquences prévisibles en cas de refus de l’acte… Tout en restant loyal, le chirurgien-dentiste doit indiquer quelle est sa préférence, et pourquoi. Il a un véritable devoir de conseil. En cas de survenue d’un incident durant la réalisation de l’acte médical, le praticien devra en informer son patient.

Sur quels éléments particuliers doit porter l’information ?
L’information, tenant compte de l’état de santé connu du patient, doit porter sur son état bucco-dentaire et sur tous les types d’actes envisagés ou réalisés, qu’ils soient à visée diagnostique, préventive, thérapeutique ou esthétique.

Qui doit informer ?
Cette information délivrée au cours d’un entretien individuel incombe au chirurgien-dentiste lui-même et « seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer » peuvent le dispenser de la prodiguer, à moins que la personne ne préfère être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, ce qui est son droit.
En cas d’équipe pluridisciplinaire, rappelle le Conseil National de l’Ordre dans sa Charte de juin 2014, chaque intervenant doit délivrer personnellement l’information qui relève de son domaine, une synthèse de toutes ces informations pouvant être délivrée par le prescripteur ou le référent du groupe. Cette information ne peut être déléguée à un tiers, une reformulation par l’assistante dentaire étant néanmoins possible.

Comment le praticien doit-il informer ?
Le chirurgien-dentiste doit tenir compte des particularités propres à chaque patient.
Les composantes d’âge, de niveau socioculturel, de handicap éventuel, la dimension psychologique et la compréhension de la langue française doivent être prises en compte. L’information doit être adaptée à l’état de santé du patient, elle doit être personnalisée, hiérarchisée, claire et compréhensible. L’information doit être délivrée dans de bonnes conditions et dans un environnement favorable à la compréhension et à l’écoute.
Comme l’écrit le Docteur Grégoire Moutel dans son livre précité : « Ainsi, la question de l’information ne doit pas être abordée sous l’angle de l’exposé unilatéral d’un discours médical scientiste, mais sous celui d’un dialogue avec le patient, avec la capacité d’aboutir au compromis parfois nécessaire. »
L’entretien doit être individuel, mais le patient peut, s’il le désire, faire le choix d’être assisté.
La délivrance de l’information est orale. Elle peut être complétée par différents outils didactiques tels des modèles, des photographies, des schémas… Des documents écrits peuvent être remis au patient en complément. Ils doivent être personnalisés, clairs, simples et compréhensibles. Le chirurgien-dentiste doit s’assurer de la compréhension de son patient ; il peut l’interroger, l’inviter à reformuler, à poser des questions, lui proposer de fixer un nouveau rendez-vous afin de rediscuter du sujet.
La preuve du consentement, comme la preuve de tous les faits en droit civil, est libre, c’est-à-dire qu’elle peut se faire par tous moyens (intervention d’un délai entre l’information et le début des soins, réalisation d’examens complémentaires, témoignages, contenu du dossier médical etc.).
L’écrit n’est utile qu’en cas de traitements importants ou lourds (notamment : implantologie, prothèse ou orthodontie). Le formulaire dit de « consentement éclairé » est une solution à condition qu’il soit personnalisé, clair et accessible au
patient ; sinon, il risque de ne pas suffire à prouver le consentement du patient et peut même être considéré comme une sorte de « décharge de responsabilité » illégale et inefficace. Le devis, lui, peut inclure les informations médicales nécessaires de façon à n’avoir qu’un seul document à faire signer au patient. Il convient également de laisser passer un certain délai entre la première consultation ou l’édition du devis et le début des soins.
Cet écrit peut être numérisé pour gagner de la place, car le Code civil prévoit, depuis la loi du 13 mars 2000, en son article 1316-1, que l’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité et l’article 1316-3 dispose que « l’écrit sur support électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier ».
Le corollaire de ce droit à l’information est bien entendu l’accès direct et libre au dossier médical qui est prévu par l’article L. 1111-7 du Code de la santé publique.
L’article R. 4127-236 précité comporte également un deuxième alinéa traitant du refus de soins, opposé par un patient : « Lorsque le patient en état d’exprimer sa volonté refuse les investigations ou le traitement proposé, le chirurgien-dentiste doit respecter ce refus après l’avoir informé des conséquences. »

La dispense d’information
Hormis les cas d’urgence, elle est rarement autorisée.
Ainsi, à l’occasion d’un cas particulier (soins d’urgence à un mineur ou « un autre incapable », c’est-à-dire un majeur sous curatelle ou sous tutelle), le principe de la nécessité du consentement du patient aux soins est réaffirmé, sauf circonstances exceptionnelles puisque le texte de l’article R. 4127-236 prend soin d’indiquer que le praticien peut soigner en cas d’urgence sans consentement préalable mais seulement « lorsqu’il est impossible de recueillir en temps utile le consentement du représentant légal… ».
La loi du 4 mars 2002 prévoit aussi que le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’ils sont aptes à exprimer leur volonté et à participer à la décision. Le chirurgien-dentiste ne doit donc pas se contenter du seul consentement des parents (quand l’enfant est en période d’adolescence) ou de celui du tuteur.
Par ailleurs, dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur sous tutelle, le praticien peut passer outre et délivrer les soins indispensables (article L. 1111-4 alinéa 4 du Code de la santé publique).
Pour les soins aux mineurs (mais pas aux majeurs sous tutelle), en cas de conflit grave avec la personne titulaire de l’autorité parentale, le praticien peut aussi saisir le procureur de la République préalablement aux soins afin d’éviter toute mise en cause ultérieure de sa responsabilité. Le procureur, pour permettre les soins, pourra prendre une mesure d’assistance éducative (article R. 1112-35 du Code de la santé publique).

En conclusion, nous nous permettrons d’emprunter une formule particulièrement pertinente au Professeur de médecine Didier Sicard (L’Éthique médicale et la bioéthique, Que Sais-je ?, PUF, 2015) : « En fait, le véritable consentement est une information suffisamment élaborée pour que le refus soit aussi fort que l’acceptation : un choix plutôt qu’un consentement. »
Le patient doit avoir, autant que possible, le choix de son traitement, c’est la finalité supérieure de la réglementation que nous venons d’étudier.

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