Annuaires en ligne, prise de rendez-vous, géolocalisation, etc. : comment arbitrer entre ce qui relève de l’information, permise par l’Ordre, et ce qui relève de la publicité, interdite par le Code de déontologie ?
Selon le Conseil national, le Code de déontologie doit rester le repère du praticien : s’il interdit la publicité, il n’interdit pas l’information et, dans certains cas, la prévoit et l’encadre. Il faut néanmoins passer de la théorie à la pratique et c’est le but de cet article.
Un chirurgien-dentiste a bien évidemment le droit d’apparaître dans un annuaire et d’y faire figurer certaines mentions le concernant, mais pas dans n’importe quel annuaire et pas n’importe comment.
1. Qu’est-ce qu’un véritable annuaire ?
Selon Wikipédia, un annuaire est une liste, un répertoire mis à jour régulièrement qui regroupe des informations (nom, adresse, coordonnées, etc.) sur les membres d’une association, d’une entreprise, d’un établissement d’enseignement ou d’un organisme professionnel, ou sur les abonnés à un service.
Pour ce qui concerne les chirurgiens-dentistes, un annuaire peut se définir comme un répertoire, un recueil ou un fichier sur support papier ou informatique, mis à jour périodiquement et qui permet de retrouver tous les praticiens d’une zone donnée (commune, département, région, pays) au regard des seules mentions autorisées par le Code de la santé publique.
C’est donc d’abord son caractère exhaustif (tous les praticiens y sont cités et pas seulement certains) qui le rend licite. C’est ainsi le cas de l’annuaire des abonnés professionnels au téléphone, dit « Pages jaunes », ou encore de « L’annuaire dentaire », édité chaque année et à présent mis en ligne par un éditeur qui précise que son annuaire met à la disposition du public une liste complète des chirurgiens-dentistes en France.
Il faut donc bien identifier si l’on est ou non en présence d’un annuaire : dans une circulaire du 12 janvier 2011 (n° 1503), le Conseil national a précisé que la rubrique « santé » du site internet officiel d’une commune mentionnant les professionnels de santé exerçant dans ladite commune s’apparentait à un annuaire et devait donc respecter les règles déontologiques.
Le caractère exhaustif de la liste doit être complété par une égalité dans la présentation des praticiens répertoriés : le nom d’un praticien ne doit pas être surligné, encadré ou imprimé en gras, moyennant finance, alors que ceux de ses confrères ne le sont pas, car il y a alors rupture d’égalité et publicité prohibée de la part de ceux qui cherchent à se faire remarquer au détriment des autres.
Selon le Conseil National de l’Ordre des Médecins, l’objectif prioritaire d’un annuaire conforme à la déontologie est une information du public exacte et rapide.
2. Qu’est-ce qu’un annuaire non conforme ?
A contrario, les annuaires qui ne citent que certaines catégories de praticiens (hormis pour les spécialistes bien entendu et les annuaires édités par certains syndicats ou associations de parodontologie ou d’implantologie par exemple à l’usage de leurs confrères) sont contraires à la déontologie : c’est le cas des annuaires ou listes à visée communautariste.
De telles listes de praticiens en fonction de certains critères (appartenance à une communauté religieuse, ethnique, politique…) ne font évidemment pas partie des mentions autorisées par le Code de la santé publique.
Une telle diffusion restrictive de chirurgiens-dentistes pourrait être considérée comme une forme de publicité au bénéfice de ces praticiens, contraire à l’article R.4127-215 du Code de la santé publique qui prohibe tous procédés directs ou indirects de publicité.
En outre, ce type d’annuaires comprenant des données personnelles de praticiens, collectées en général à leur insu, ne respecte pas les dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Les traitements de données à caractère personnel doivent être déclarés à la CNIL, le responsable des fichiers informatiques n’a pas le droit de collecter des données personnelles à l’insu des personnes concernées, mais doit leur permettre d’exercer pleinement leurs droits (droit d’accès, droit de rectification et d’opposition).
Les chirurgiens-dentistes ainsi mentionnés doivent faire jouer leur droit d’opposition (article 38 de ladite loi) et demander la suppression totale de leurs données personnelles du site en question.
Les services qui ne sont pas des annuaires
Sites de sociétés « de mise en relation » : certaines sociétés ou associations créent des sites internet de « mise en relation » entre internautes et certains médecins ou chirurgiens-dentistes qui sont sélectionnés et « agréés » par ces organismes en fonction de certaines compétences, ou en fonction de leurs tarifs, ou tout simplement parce que les praticiens en question ont rémunéré ce service (abonnement ou paiement pour chaque nouveau client ayant pris rendez-vous).
Ces organismes transmettent aux internautes, qui s’inscrivent sur leur site et qui en font la demande, les coordonnées de ces praticiens ou encore permettent à l’internaute qui vient visiter le site de prendre rendez-vous avec les praticiens abonnés qui y décrivent leur activité (le site précisant discrètement dans sa page « conditions générales » qu’il ne valide ni ne vérifie la compétence des professionnels de santé abonnés à son service !). Le but affiché de ces sites est de permettre à ses clients professionnels de santé de développer leur patientèle et il s’agit donc ni plus ni moins d’une forme de publicité, prohibée par la déontologie.
Annuaire avec avis et notations d’internautes sur des chirurgiens-dentistes : on assiste depuis quelques années au développement de sites internet de “notation” des professionnels de santé par des internautes émettant des avis positifs ou négatifs, tout cela à leur insu.
Les données des sites litigieux ne sont pas collectées de façon loyale et ne présentent évidemment aucune garantie tant sur leur pertinence que sur leur caractère adéquat.
Il apparaît que ces sites comportent de nombreux manquements à la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : un défaut d’information des personnes concernées par la notation, un défaut de loyauté dans la collecte des informations, puisque les personnes évaluées le sont à leur insu, un manquement à l’obligation de veiller au respect des personnes de s’opposer à leur fichage.
La question est d’autant plus sensible que la déontologie des chirurgiens-dentistes interdit « tous procédés directs ou indirects de publicité » (article R. 4127-215 du Code de la santé publique).
Les chirurgiens-dentistes concernés doivent écrire aux responsables de ces sites pour faire valoir leur droit d’opposition, prévu à l’article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 , à la parution de leurs données personnelles associées aux avis ou notes des internautes.
3. Quelles mentions peuvent-elles figurer dans un annuaire licite ?
Selon l’article R.4127-217 du Code de la santé publique, « les seules indications qu’un chirurgien-dentiste est autorisé à faire figurer dans un annuaire sont :
1. ses noms, prénoms, adresses postale et électronique, numéros de téléphone et de télécopie, jours et heures de consultations ;
2. sa spécialité.
Les sociétés d’exercice de la profession peuvent figurer dans les annuaires dans les mêmes conditions que ci-dessus ».
Cet article a été modifié par le décret du 12 février 2009 pour tenir compte de l’évolution du secteur des télécommunications : le dernier alinéa de cet article qui prohibait toute insertion payante dans un annuaire au motif que cela constituait nécessairement de la publicité a alors été supprimé puisque désormais un certain nombre d’annuaires professionnels sont payants (néanmoins, le Conseil national a rappelé officiellement que les inscriptions, y compris gratuites, dans les annuaires à connotation publicitaire restaient interdites). Ce n’est donc pas le caractère payant ou la gratuité qui trace la frontière entre information et publicité, mais bien, comme on vient de le rappeler, le caractère exhaustif ou non de l’annuaire.
Précisons qu’un collaborateur libéral peut figurer dans l’annuaire, qu’il apparaisse sous le même numéro que celui du titulaire du cabinet (avec l’accord du titulaire) ou sous un numéro différent s’il dispose d’un abonnement téléphonique en son nom propre. Le praticien hospitalier peut également s’inscrire dans l’annuaire sous le même numéro que le centre hospitalier ou le service d’odontologie où il exerce, sous réserve de l’accord de ces organismes et même dans le cas où l’insertion serait payante.
Concernant les sociétés qui peuvent apparaître dans un annuaire, précisions que si le texte de l’article R.4127-217 précité ne parle que des « sociétés d’exercice », le Conseil national permet que les sociétés civiles de moyens (qui ne sont pourtant pas des sociétés d’exercice) y figurent également (voir circulaire du CNO n° 1198 du 27 mars 2000), aux cotés de l’inscription de chacun des associés.
La spécialité, ainsi que l’indique le texte précité du Code, peut figurer dans un annuaire. Rappelons qu’il existe à présent (et depuis 2012) trois spécialités dans la profession dentaire : l’orthopédie dento-faciale ou orthodontie, la chirurgie orale, la médecine bucco-dentaire. Pour en faire état, le chirurgien-dentiste doit non seulement avoir obtenu cette qualification, mais aussi être inscrit sur la liste des spécialistes qualifiés, sachant qu’un praticien ne peut être inscrit que sur une seule liste de spécialistes. En revanche, la mention d’un exercice ayant un rapport avec l’activité habituelle du praticien, mais qui ne correspond pas à une spécialité (par exemple : esthétique dentaire, implantologie, parodontologie) n’est pas autorisée. Mentionner de telles activités autres que des spécialités serait contraire à l’article R.4127-217 précité, constituerait un procédé trompeur pour le public et serait considéré comme une mise en valeur publicitaire du praticien et du cabinet.
Il n’est pas non plus possible de mentionner son cursus, son curriculum vitae, ses compétences, ses expériences professionnelles ou ses publications (cela n’est pas possible non plus sur son propre site internet). Comme précédemment, de telles mentions (autres que les spécialités) ne sont pas prévues par le Code de la santé publique relatif aux annuaires et constitueraient une mise en valeur du praticien et de son cabinet avec une intention publicitaire.
Les médecins
Le Conseil national de l’Ordre des médecins est bien entendu sur la même ligne celui des chirurgiens-dentistes, avec un texte qui est pratiquement identique (article R.4127-80 du Code de la santé publique) : les seules rubriques autorisées dans l’annuaire sont celles correspondant à une qualification (selon le règlement de qualification en vigueur), un DESC, une capacité ou au droit aux titres reconnus par l’Ordre.
Néanmoins, deux exceptions ont été acceptées par le Conseil de l’Ordre des médecins, en 1974, en vue d’une bonne information du public : la mention des deux orientations « acupuncture » et « homéopathie » a été autorisée, sous réserve de l’accord du conseil départemental.
4. Quelles sont les options ou services proposés par les annuaires ?
Il faut être prudent, rappelle le Conseil national, car les annuaires actuels, principalement les annuaires en ligne, proposent aux professionnels de nombreuses options qui ne sont pas toutes déontologiquement régulières, sans se préoccuper de savoir s’ils sont commerçants ou libéraux.
Il appartient au chirurgien-dentiste, qui est membre d’une profession de santé réglementée, de refuser les mentions non autorisées par le Code de déontologie et qui présenteraient donc un caractère publicitaire pour lui et son cabinet dentaire. Nous listons ci-dessous les options ou services autorisés et ceux qui ne le sont pas.
Les photos et vidéos : il n’est pas permis d’insérer des photos ou vidéos de soi-même, de son équipe, de l’intérieur de son cabinet, car une telle présentation du praticien et du cabinet n’est pas autorisée par le Code de déontologie.
Un annuaire, rappelle le Conseil national, n’est pas assimilé à un site internet professionnel de chirurgien-dentiste.
En revanche, la photographie extérieure de l’immeuble et les plans d’accès et itinéraires que mettent en ligne les annuaires présentent un caractère purement informatif pour l’internaute, aident ce dernier à localiser le cabinet, et sont donc autorisés.
La prise de rendez-vous : selon le Conseil national, un internaute ne peut pas prendre rendez-vous directement avec un praticien par l’interface du site de l’annuaire, car un tel procédé excède les mentions autorisées par l’article R.4127-217 précité. Ce procédé ou service est en revanche permis sur le site internet professionnel du chirurgien-dentiste, sous certaines conditions précisées dans la charte relative au site internet professionnel du chirurgien-dentiste.
L’ insertion de liens, sur le site même de l’annuaire en ligne, vers des sites de réseaux sociaux : que ce soit des réseaux sociaux à vocation professionnelle ou personnelle, un tel lien n’est pas autorisé. Seul un lien vers son propre site internet professionnel, respectant la charte relative au site, est autorisé.
La mention des tarifs et des moyens de paiement acceptés par le cabinet : se telles mentions n’ont pas leur place dans un annuaire et pourraient constituer un procédé de publicité.
La géolocalisation du cabinet dentaire : elle est autorisée, sous réserve du respect de toutes les règles précitées en matière d’annuaires, notamment :
– sans mention excédant celles autorisées par l’article R. 4127-217 du Code de la santé publique ;
– sans possibilité de prise de rendez-vous sur le site de l’annuaire ;
– sans mention des avis d’internautes ;
– avec possibilité de lien vers le site internet professionnel du praticien.
Voici donc la réglementation déontologique actuelle sur un sujet, l’annuaire, que l’on croyait stable avec son épaisseur de papier confortable et sa rassurante couleur jaune et qui est devenu sur la toile incroyablement évolutif de sorte que nous y reviendrons immanquablement.
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