Lasers et dépose de restaurations tout céramique

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire n°5 - 5 février 2020
Information dentaire

Article analysé : Ghazanfari R, Azimi N, Nokhbatolfoghahaei H, Alikhasi M. Laser Aided Ceramic Restoration Removal: A Comprehensive Review. J Lasers Med Sci 2019 Spring;10(2):86-91.

La dépose d’une restauration de prothèse fixée est une séquence souvent empreinte d’incertitudes quant au temps nécessaire pour l’accomplir ou aux éventuels dommages collatéraux engendrés. Hormis le remplacement d’anciennes restaurations corono-périphériques, les déposes plus précoces d’éléments de prothèse fixée sont souvent motivées par des fractures de cosmétique, mais aussi par d’autres raisons d’ordre infectieux (accès à l’endodonte), esthétique (insatisfaction du patient), stratégique (réorientation de la restauration vers une autre destination telle qu’un pilier de bridge suite à la perte d’une dent adjacente), et bien d’autres encore.

La technique conventionnelle pour déposer ces restaurations, qui consiste en la découpe de l’élément concerné à la fraise, n’est pas toujours simple. Pour les vitrocéramiques collées, il faut quasiment abraser toute la pièce tant sa cohésion avec le substrat est forte, alors que les chapes en zircone scellées sont très dures à découper. Il convient pour cela d’utiliser des fraises spécifiques qui s’usent extrêmement rapidement. Dans tous les cas, la restauration est détruite. Bien évidemment, le but de ces procédures est de ne pas endommager les tissus sous-jacents, en particulier les limites de la préparation ou la vitalité de la pulpe. Cela est d’autant plus difficile que la céramique, la colle et la dentine ont souvent des couleurs très proches.

Les auteurs de cet article proposent d’évaluer l’utilisation du laser erbium pour la dépose des éléments tout céramique. Le principe est que l’énergie générée par le laser est transmise au travers de la céramique jusqu’au matériau d’assemblage afin de le détériorer et de provoquer ainsi la décohésion de l’élément tout céramique par rapport à la dent sous-jacente. Ils livrent ainsi une revue de littérature narrative incluant huit articles parus entre 2011 et 2018, identifiés et analysés par les auteurs afin d’évaluer l’efficacité du laser pour provoquer la décohésion d’une restauration en céramique, le temps nécessaire à dessein et l’incidence thermique de ce procédé sur la vitalité pulpaire. Ils rapportent que le laser erbium parvient à décoller des facettes et des couronnes tout-céramique, en vitrocéramique renforcée ou en zircone après une durée d’application variant de 2 à 3 minutes environ.

L’efficacité du procédé dépend de différentes variables telles que le type de céramique, l’épaisseur de la restauration, la nature du matériau d’assemblage, le type de laser et les paramètres d’application (fréquence et durée). Les restaurations les plus épaisses et celles en zircone nécessitent plus d’énergie pour provoquer leur dépose car la transmission de l’énergie à l’interface est réduite. Par ailleurs, les auteurs ne rapportent aucune altération de la dentine sous-jacente après l’usage du laser, mais des fissures sont parfois observées dans les céramiques les plus poreuses par dilatation de l’eau absorbée sous l’effet de l’énergie transmise. De plus, l’application du laser peut provoquer une élévation de la température pulpaire, mais celle-ci peut être contenue par un refroidissement air-eau adapté et par l’ajustage des paramètres d’application du procédé. Les auteurs concluent donc à l’efficacité du laser erbium pour la dépose des facettes et des couronnes tout-céramique.

Commentaire

L’article montre l’aptitude du laser erbium à déposer facettes et couronnes tout-céramique sans altération pour les tissus sous-jacents, voire pour la restauration en question. À l’aide de la fraise, la dépose sacrifie systématiquement la restauration et dégrade aussi le plus souvent, au moins d’une rainure, une partie de la surface de la dent sous-jacente dont parfois la limite cervicale à reprendre.

Parmi les huit articles rapportés, la plupart étudient la dépose de facettes, trois concernent la dépose de couronnes dont deux des couronnes en zircone usinée (IPS E.max ZirCad). Les restaurations corono-periphériques représentent toutefois la majorité des cas de dépose pour des raisons de rupture de cosmétique notamment.
Cette revue rapportée montre l’efficacité du laser erbium pour les couronnes en zircone usinée, mais ne donne pas de résultat concernant les restaurations céramo-céramiques associant une chape zircone recouverte de céramique cosmétique pour lesquelles les performances pourraient être inégales compte tenu de la nature différente des deux matériaux dont celui cosmétique, moins dense, susceptible de dissiper plus d’énergie dans l’eau adsorbée, ce qui pourrait affecter l’énergie transmise au matériau d’assemblage. De plus, rien n’est évoqué concernant des restaurations céramo-métalliques qui font aussi partie des restaurations à déposer dans nos exercices. Quoi qu’il en soit, l’article montre une indication pertinente et plutôt convaincante du laser erbium. Même si elle ne suffit sans doute pas, seule, à justifier un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros, elle est un atout supplémentaire parmi les applications principales du laser, en chirurgie notamment, mais aussi en dentisterie restauratrice mini-invasive ou en endodontie. On précisera par ailleurs que les lasers diodes, plus compacts, qui permettent la correction et la coagulation des tissus mous, la désinfection endodontique ou parodontale, ne permettent pas ce type d’application. 

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