L’un des plus grands succès vaccinaux, parmi tant d’autres…
Ceux qui ont gardé un souvenir vivace du vaccin antivariolique sont aussi les médecins qui ont vacciné de nombreux patients enfants et même les leurs. Il s’agissait alors d’effectuer des scarifications à travers ce vaccin préalablement déposé sur la peau, d’aspect blanc laiteux, contenu dans un petit réceptacle de verre, fabriqué par l’Institut de Vaccine. Cet institut disposait même d’enveloppes spéciales pour envoyer le vaccin aux médecins par la Poste… (fig. 1).
La vaccination était efficace jusqu’à 10 ans après l’injection. En France, les dernières épidémies de variole eurent lieu à Vannes et Brest entre décembre 1954 et mai 1955, responsables du décès de 20 personnes pour 98 cas.
L’oubli est également associé à l’éradication de la variole, officiellement déclarée le 8 mai 1980, grâce à une campagne de vaccination menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à la suite d’un programme mondial1 dès 1958-1966, associé à des mesures de surveillance et d’endiguement par isolement des cas et vaccination des personnes vivant à proximité. Dans le monde, le dernier cas de variole a été détecté à Merca (Somalie), le 26 octobre 19772.
Dans la population générale, seuls certains professionnels et quelques curieux savent ce qu’était la variole ou “petite vérole”3. Cette affection hautement contagieuse, due à un orthopoxvirus, serait apparue au nord-est de l’Afrique, en Chine et dans la vallée de l’Indus 10 000 ans avant J.-C. Elle atteignit ensuite tous les continents, sévissant dès le VIIIe siècle en Europe, de manière endémo-épidémique, revenant en un lieu donné environ tous les 10 à 15 ans. On estime qu’elle a été responsable de 60 millions de cas au XVIIIe siècle, avec une mortalité de 1 % dans les formes mineures à plus de 30 % dans les formes majeures, se manifestant par une fièvre élevée avec éruption pustuleuse, ou même plus pour les formes hémorragiques. Après la phase de dessiccation des pustules, chaque élément laissait une cicatrice déprimée, blanche et indélébile.
D’autres formes
L’alastrim, forme mineure de variole (variola minor), est due à un virus proche de celui de la forme majeure, autrefois présente en Afrique, aux Antilles et en Amérique du Sud. Elle se caractérise par des lésions éruptives de plus petite taille, de couleur blanche, et une évolution favorable. Elle survient principalement chez les individus à peau noire. Un patient atteint d’alastrim ne transmet que cette affection et non la variole majeure.
Il existe aussi des varioles animales comme le monkeypox, variole du singe, due à un virus très voisin de celui de la variole humaine, présent en Afrique tropicale et évoluant sur un mode endémo-épidémique. Elle peut se transmettre à l’homme [1]. Les réservoirs de virus sont diverses espèces de rongeurs, les pangolins et les écureuils des forêts4.
Les premières variolisations
Sachant que les malades guéris de la variole n’avaient pas de récidives, les premières immunisations ou variolisations, pratiquées en Chine, probablement avant le XVIe siècle et de bras à bras, furent introduites en Europe en 1721 par Lady Mary Wortley Montagu, née Pierrepont (1689-1762), épouse de l’ambassadeur anglais à Constantinople Sir Edward Montagu.
Cette femme − dont la biographie est peu ordinaire − découvrit la technique de variolisation utilisée par les Ottomans et fit inoculer son fils et, plus tard, sa fille à son retour à Londres5. La variolisation consistait à prélever la lymphe varioleuse d’un patient, de préférence atteint d’une forme non sévère, et de l’inoculer à des enfants ou à de jeunes adultes dans l’espoir de les prémunir6. Parmi ceux qui bénéficièrent de cette technique figure Louis XVI qui, après la mort de Louis XV atteint de variole, le 10 mai 1774, reçut une inoculation un peu plus d’un mois plus tard7. À cette époque, Daniel Bernoulli, mathématicien, évaluait à 11 ans et demi l’espérance de vie moyenne d’un enfant à la naissance, contre 25 ans et demi pour ceux qui avaient été inoculés8 !
Edward Jenner (1749-1823), médecin de campagne, avait observé que les trayeuses de lait qui avaient contracté la vaccine ou “variole de la vache” n’étaient pas atteintes pendant les épidémies de variole humaine. La vaccine ne se manifestait que par des pustules sur les mains des trayeuses. Il fit donc l’expérience d’injecter une goutte du pus de ces pustules à un enfant sain et celui-ci n’eut aucune réaction. La première vaccination, la vaccination antivariolique, était née, faisant baisser spectaculairement en quelques années la mortalité de 10 à 1 %. La technique se perfectionna au fil des ans, malgré de nombreuses oppositions [2].
Dans le Bulletin de l’Académie nationale de médecine, Hervé Bazin a rappelé « l’action des membres du Comité Central de Vaccine, une poignée d’hommes qui ont bien mérité de leur patrie, et même de l’humanité ».
En substance : « Il y a 200 ans, en mai 1800, une initiative privée établit un Comité Central de Vaccine à Paris. Cette poignée d’hommes se livra à un exercice hors du commun. Il s’agissait de mettre en œuvre une découverte encore récente, mal connue, une méthode pour se protéger contre la petite vérole. La nouvelle provenait d’Angleterre, pays avec lequel la France était en mauvais termes. (…) Après plusieurs échecs, le succès fut atteint et la valeur de la méthode démontrée. Le comité joua un grand rôle dans la diffusion de cette vaccination due à Jenner, non seulement en France, mais dans l’immense empire napoléonien. »
Tous les médecins, les pédiatres en particulier, connaissent la gravité possible des maladies infectieuses comme la diphtérie, le tétanos, la rougeole, et la terrible poliomyélite aiguë dont le vaccin fut mis au point par Pierre Lépine, Jonas Salk et Albert Sabin, seulement disponible en 1954 (sous forme injectable) et en 1957 (sous forme orale). À cette époque, la découverte de ce vaccin effaça d’un coup la terrible anxiété qu’éprouvaient les familles. Et ceux qui ont vu des « poumons d’acier », désormais exposés dans les musées d’histoire de la médecine, comme l’auteur de ces lignes, peuvent mesurer le soulagement des parents qui apprirent il y a 70 ans, qu’un vaccin antipoliomyélitique venait, enfin, d’être découvert. Et nous pourrions donner d’autres exemples…
De nos jours, des maladies évitables qui avaient disparu renaissent sur un mode épidémique. Une épidémie de rougeole a tué récemment 6 000 enfants en République démocratique du Congo et cette affection réapparaît parce que, dans de nombreux pays d’Europe, des parents refusent de protéger leurs enfants !9
Notes
1. https://www.who.int/archives/fonds_collections/bytitle/fonds_6/fr/ (consulté le 7 octobre 2020).
2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Variole (consulté le 7 octobre 2020).
3. La “grande vérole” désigne la syphilis.
4. Monkey Pox (variole simienne). https://www.msdmanuals.com/fr/professional/maladies-infectieuses/virus-de-la-variole/monkey-pox-variole-simienne (consulté le 7 octobre 2020).
5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Mary_Wortley_Montagu (consulté le 7 octobre 2020).
6. La variolisation, ancêtre de la vaccination. https://destinationsante.com/la-variolisation-ancetre-de-la-vaccination.html.
7. Louis XVI et l’inoculation de la variole. In : https://histoire-image.org/fr/etudes/louis-xvi-inoculation-variole-quatrebulletins-sante-royaux-24-25-26-29-juin-1774 (consulté le 9 octobre 2020).
8. Ibid.
9. https://www.afro.who.int/fr/news/epidemie-de-rougeole-en-republique-democratique-du-congo-loms-et-lunicefpreoccupes-par (consulté le 9 octobre 2020)
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