La tentative de conciliation et les tribunaux

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 37-39)
Information dentaire
La tentative de conciliation en cas de litige est l’une des missions essentielles du conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes et de son Président.
Le praticien concerné a l’obligation déontologique de s’y présenter, et c’est d’ailleurs la plupart du temps son intérêt pour tenter de résoudre à l’amiable un conflit qui pourrait sans cela dégénérer en procédure judiciaire.

Il existe trois hypothèses distinctes d’organisation d’une tentative de conciliation. Le praticien a l’obligation de s’y présenter dans les trois cas, mais pour ce qui concerne le président du conseil départemental, l’organisation des deux premières reste facultative ; l’organisation de la troisième est obligatoire.

1 En cas de réclamation d’un patient par application de l’article R.4127-233 du Code de la santé publique « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige :
1. À lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science, soit personnellement, soit, lorsque sa conscience le lui commande, en faisant appel à un autre chirurgien-dentiste ou à un médecin.
2. À agir avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui.
3. À se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient. »

2 En cas de litige entre confrères par application de l’article R.4127-259 du Code de la santé publique « Les chirurgiens-dentistes doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité.
En cas de dissentiment d’ordre professionnel entre praticiens, les parties doivent se soumettre à une tentative de conciliation devant le président du conseil départemental de l’Ordre. »
3 En cas de plainte d’un tiers (patient, confrère ou autre) par application de l’article L.4123-2 du Code de la santé publique.
« Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation.
En cas d’échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l’avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant. » Il est à remarquer que c’est dans cette hypothèse que les parties peuvent se faire assister par un avocat et même, peut-être, se faire représenter par lui, car le Code de la santé publique évoque « les représentants » des parties à cette tentative de conciliation dans son article R.4123-20 :
« Les parties au litige sont convoquées à une réunion et entendues par le ou les membres de la commission pour rechercher une conciliation. » Un procès-verbal de conciliation totale ou partielle ou un procès-verbal de non-conciliation est établi. Ce document fait apparaître les points de désaccord qui subsistent lorsque la conciliation n’est que partielle. Il est signé par les parties ou leurs représentants et par le ou les conciliateurs.
Un exemplaire original du procès-verbal est remis ou adressé à chacune des parties et transmis au président du conseil départemental.
En cas de non-conciliation ou de conciliation partielle, le procès-verbal est joint à la plainte transmise à la juridiction disciplinaire. »
C’est donc seulement dans cette troisième hypothèse, en cas de plainte disciplinaire, que la non-conciliation entraîne la transmission de cette plainte à la Chambre disciplinaire, le conseil départemental décidant de s’y associer ou pas.
Dans les autres cas (hypothèses 1 et 2), si aucune plainte n’est finalement formulée, la mission conciliatrice de l’Ordre se termine par la rédaction d’un procès-verbal de non-conciliation ou de conciliation partielle (ou encore de carence si l’une des parties ne s’est pas présentée à la tentative de conciliation) et par le classement du dossier, en laissant aux parties la liberté de saisir éventuellement la juridiction compétente.

Importance du procès-verbal de non-conciliation

Pour autant, la rédaction de ce procès-verbal de non-conciliation (qui doit être la plus sobre possible et même la plus sommaire qui soit, pour éviter qu’une partie ne puisse s’en servir contre l’autre…) n’est pas inutile et prend au contraire une certaine importance depuis une très récente réforme de la procédure judiciaire civile. En effet, un décret du 11 mars 2015 (n° 2015-282, JO du 14/3/2015) relatif à la simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends modifie l’article 56 du Code de procédure civile et impose désormais que l’assignation (c’est-à-dire l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant un tribunal civil) rappelle à compter du 1er avril 2015 « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige (…) sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public ».
De même, selon la nouvelle rédaction de l’article 58 du Code de procédure civile, « la requête ou la déclaration qui saisit la juridiction de première instance précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige », ici encore « sauf justification d’un motif légitime tenant à l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public ».
Cette obligation n’est pas sanctionnée par la nullité de l’acte mais, selon le nouvel article 127 du Code de procédure civile, il est prévu que « s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».
Cette nouvelle obligation d’une tentative préalable de conciliation ne doit toutefois pas être confondue avec celle qui existait déjà lorsqu’une clause de conciliation avait été stipulée dans le contrat liant les parties (statuts d’une société entre praticiens ou contrat de collaboration par exemple). Dans ce cas, peut toujours être soulevée devant les juridictions civiles l’irrecevabilité d’une demande qui n’aurait pas été précédée d’une tentative de conciliation (arrêt n° 00-19423 du 14/2/2003 de la chambre mixte de la Cour de Cassation : « Qu’ayant retenu que l’acte de cession d’actifs prévoyait le recours à une procédure de conciliation préalable à toute instance judiciaire pour les contestations relatives à l’exécution de la convention, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du cédant à agir sur le fondement du contrat avant que la procédure de conciliation ait été mise en œuvre »).

Il est évident que le procès-verbal de non-conciliation (ou de conciliation partielle ou encore de carence) rédigé par le conseil départemental rapporte parfaitement la preuve de cette tentative préalable de « résolution amiable du litige » à présent réclamée par les tribunaux du fait de cette réforme du Code de procédure civile.

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