Dr Van Steenberghe, en quelques mots, pourriez-vous nous donner votre définition de la technique Insignia ?
Philippe Van Steenberghe : Insignia est à l’orthodontie ce que l’iPhone a été au téléphone portable.
Sur base de la confluence de technologies existantes ou émergentes, un environnement de travail cohérent a pu être développé mettant le contrôle dans les mains du praticien.
L’orthodontiste peut dès lors, avant tout acte en bouche, définir très précisément le résultat final en termes de positions dentaires et d’occlusion, communiquer et interagir sur cette base avec le patient et les collègues.
Il dispose ensuite d’attaches et d’arcs calculés et réalisés en fonction de ces objectifs, de l’anatomie précise des dents du patient, ainsi que du moyen d’éliminer un maximum d’approximations (empreintes numériques, analyse Digicast des modèles numériques, transferts de collage, guides et tubes de remplacement dans le cas de recollage/remplacement, pièces de remplacement gratuites dans le cas de nouvelle commande).
Cette technique permet de se procurer des appareillages fixes externes traditionnels ou autoligaturants passifs, des appareillages fixes internes, ou des gouttières.
Si une intervention d’un laboratoire de prothèses orthodontiques est nécessaire, le praticien envoie tout simplement son fichier « standard » d’empreintes numériques STL et peut ainsi commander facilement dans les laboratoires du monde entier.
La chaîne digitale mise en place est sécurisée, ouverte, financièrement sans surprise.
En tant qu’utilisateur Damon, pourriez-vous nous expliquer vos motivations pour traiter vos patients avec cette technique et pour introduire l’Insignia dans votre pratique orthodontique ?
L’avez-vous proposée à vos patients adultes dans un premier temps ou sélectionnez-vous vos patients par niveau de difficulté ?
PVS : La technique Damon me permet d’optimiser les bénéfices d’un traitement orthodontique en diminuant beaucoup l’ensemble des contraintes (plus de possibilités thérapeutiques, plus de contrôle dans les mains d’utilisateurs expérimentés, moins d’extractions, moins de répercussions parodontales, moins de douleurs, moins de rendez-vous).
L’Insignia est la stricte continuité de la logique Damon : plus d’intelligence et de personnalisation mises dans le système par l’orthodontiste, moins, voire plus du tout, de corrections des erreurs/approximations. Cela donne des traitements raccourcis d’un tiers, un vécu des patients encore amélioré, avec une prévisibilité très appréciée.
Je l’ai naturellement proposée d’abord aux adultes, puis étendue aux patients en dentition définitive, tant pour les cas orthodontiques qu’orthopédiques, fixes ou chirurgicaux.
Sur un plan gestion de cabinet, c’est également le pas suivant dans la simplification et la prévisibilité.
Moins de stock dormant, rangements aisés, traçabilité totale puisque tout est spécifique au patient, aucun frais pour les empreintes numériques envoyées aux laboratoires de notre choix, liaison avec nos logiciels de gestion.
Vous avez traité plus de 150 cas en Insignia.
Quels sont, selon vous, les avantages principaux de cette technique ?
Avez-vous ressenti des difficultés particulières dans certains cas ?
PVS : Les difficultés rencontrées nous ramènent aux fondamentaux de l’orthodontie. Disposer d’un outil qui permet le design complet du résultat nous amène à (re)prendre conscience de l’importance d’un abord pluridisciplinaire du patient, à s’intéresser à l’anatomie dentaire et aux moyens actuels de la réhabiliter (avant traitement ), à l’occlusion, aux mécaniques optimisables encore avec des vis d’ancrage, à la qualité des empreintes physiques et à leur déformation par la suite.
Cette prise de conscience réalisée, c’est un outil magnifique très apprécié par nos confrères chirurgiens maxillo-faciaux qui souhaitent opérer avec l’occlusion « finale » déjà en place.
Toutefois, il faut également ne pas perdre de vue que les véhicules de compétition ont besoin d’excellents pilotes, qui prennent le temps de se former et d’acquérir de l’expérience. En cela, les fondements de la technique Damon intégrative sont réellement précieux car Insignia ne donne pas « la route » entre la situation de départ et le résultat planifié sous la seule responsabilité du praticien.
Quels conseils pourriez-vous donner aux orthodontistes débutants dans cette technique ?
Existe-t-il des programmes de formation à la technique Insignia et à l’orthodontie numérique en général ?
PVS : La première chose est de continuer à se perfectionner en technique Damon. Il existe par ailleurs de nombreuses formations en France et en Europe, via les « digital manager » de Ormco, dans les cours (Damon Update, Bob Smith…), dans certains study groups (Belgique 2014), dans les symposiums (Barcelone précongrès et congrès) et également aux États-Unis (Forum Damon Orlando, Congrès annuel Insignia à Las Vegas en 2015, nombreux in-office…). Le plus aisé est encore de visiter le site ai.ormco.com qui explique en détail tout le système dans toutes les langues, vidéos à l’appui.
Je reviens sur le parallèle entre la technique Damon et son application dans l’Insignia.
Je vois une différence fondamentale dans la gestion de la forme d’arcade.
En Damon, l’application progressive de forces légères dans un environnement basse friction permet une individualisation de la forme d’arcade grâce à l’équilibre musculaire qui redéfinit celle-ci après les premières phases d’alignement.
En Insignia, nous devons définir la forme d’arcade avant le début des mouvements orthodontiques lors de la réalisation du set up sur le logiciel Insignia Approver.
N’y voyez-vous pas une contradiction ?
Quelles évolutions désirez-vous voir apparaître dans la technique Insignia ?
PVS : La technologie Insignia est l’aboutissement de 22 années de recherche et développement cohérentes et convergentes, avec des concrétisations cliniques marquantes telles que le système Orthos. L’évaluation des formes d’arcades réelles et de leur écart relatif avec l’abaque Damon a permis de dégager une « zone raisonnable », appelée « mantrough » (contraction de mandibular trough) qui est évaluée sur le volume alvéolaire 4 mm sous les collets mandibulaires, pratiquement à la limite mucogingivale. Cette approche est validée par les cliniciens avancés en technique Damon qui constatent cliniquement que plutôt qu’UNE forme d’arcade musculo-déterminée pour chaque patient, nous devrions parler d’un « couloir de tolérance » dont le praticien tire plus ou moins parti selon ses besoins et ses capacités cliniques. Le logiciel Approver permet donc à l’orthodontiste d’évaluer le développement transversal par avance et de le comparer à cette zone de tolérance.
Pour les cas parodontaux, il sera très intéressant de superposer cette information avec les CBVT, de façon à affiner nos plans de traitement pluridisciplinaires. Cette approche et d’autres liées à la piezocision, à l’implantologie ou à la réhabilitation esthétique sont en voie d’exploration.
Je vous remercie Dr Van Steenberghe d’avoir répondu avec franchise sur votre pratique orthodontique.
J’aimerais terminer en vous demandant quelle est votre vision pour l’orthodontie pour les années à venir ?
PVS : Les évolutions de l’Insignia et de la plateforme Damon Custom pour les mois et années à venir seront à la fois matérielles et logicielles ; plus de possibilités, plus de vitesse, plus de facilité, pas de surprises financières, et toujours un praticien maître de son art aux commandes ; une solution intégrée qui ne cesse de progresser… Le parallèle avec Apple se poursuit.
Julien Philippe disait « La personnalisation du traitement est facteur de stabilité et reflet de l’esprit médical ».
L’orthodontie comme nous l’avons tous rêvée, c’est plus de bénéfices à long terme pour le patient avec moins de contraintes, en sécurité, avec un maximum de choix et de contrôle sans stress pour le praticien et, à l’arrivée, la possibilité de monter notre niveau d’exigences et de privilégier l’humain.
Commentaires