La médecine bucco-dentaire en zone de turbulences

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Rude semaine. Négociations conventionnelles qui s’enlisent, début de la concertation sur le reste à charge zéro, « dentist bashing » dans la presse et affaire Nutella : la dernière semaine de janvier n’aura pas ménagé la sphère dentaire…

Annulée. La prochaine séance de négociations conventionnelles, initialement prévue le 2 février, a été repoussée, probablement au 16 février, pour, selon l’assurance maladie, « permettre à chacune des parties d’approfondir les simulations et la réflexion sur les propositions » déjà formulées. Traduction de la FSDL : « Ils n’ont plus rien à proposer. » « Les négociations s’enlisent faute de propositions équilibrées », commente la CNSD. En cause pour les syndicats : le chantier du reste à charge zéro (RAC 0) qui vient polluer le dossier conventionnel. Le lancement de la concertation par la ministre Agnès Buzyn a eu lieu le 23 janvier.
 
Objectifs affichés : « Diminuer le renoncement aux soins pour des raisons financières et améliorer l’accès à des dispositifs qui répondent à un enjeu de santé important. » Le reste à charge zéro s’appliquera à un panier de prestations « nécessaires et de qualité ». Les premières annonces devraient tomber au mois de mai. Le ministère de la Santé ne s’en cache pas, « ce projet modifiera les équilibres économiques et de marché des secteurs concernés [audioprothèses, optique, dentaire, Ndlr]. À titre d’exemple, les prothèses dentaires ne représentent que 11 % des actes des chirurgiens-dentistes, mais 55 % des recettes de leur cabinet. Il s’agit donc de trouver, avec les acteurs de ces secteurs, de nouveaux équilibres dans l’organisation et dans les modèles économiques des filières concernées ». Pas simple.
 
La CNSD « s’inquiète de la précipitation affichée pour corriger des déséquilibres installés depuis trente ans ». « Les négociations étaient déjà contraintes par un budget réduit, l’irruption du politique vient les perturber, poursuit le syndicat. Le panier d’actes essentiels à reste à charge zéro nécessitera un financement complémentaire qui ne saurait être inférieur à 500 millions d’euros. La prothèse dentaire a vocation à diminuer, mais les charges des cabinets dentaires ne baisseront pas… » « Il apparaît évident que les délais de concertation imposés risquent de bloquer les négociations conventionnelles en cours qui, à ce jour, n’avancent plus car conditionnées à ce panier RAC 0 », estime la FSDL. Plutôt qu’un reste à charge zéro, le syndicat milite pour un objectif « Zéro Carie » d’ici à 2022 en misant sur la prévention. L’UD, elle, avait boycotté cette première réunion. « Avec le projet de RAC 0, ce n’est plus le fait du prince que nous devons redouter, mais son caprice, s’il s’entête à refuser de voir les réalités et à vouloir les contraindre, fustige le syndicat. Sa transcription nous est imposée dans la rédaction de notre convention. Elle complexifie considérablement son écriture que ce soit politiquement, économiquement ou techniquement. Alors que cette négociation se déroule dans des délais contraints, la lenteur des arbitrages politiques liée à cette mesure va nous faire prendre près de deux mois de retard. »

« Dentist bashing »

Hasard ? Deux jours plus tard, le 25 janvier, un article du magazine 60 millions de consommateurs a enflammé les réseaux sociaux, et fait bondir les syndicats. Le magazine propose un comparatif des tarifs de prothèse pratiqués dans quarante villes après avoir passé « à la moulinette » les tarifs de 5 000 chirurgiens-dentistes.
 
Résultat : « Des écarts conséquents. » Evidemment. Sauf que l’article n’est rédigé qu’à charge, sans prendre en compte l’ensemble du problème. Rien sur les soins sans reste à charge à tarifs très bas non revalorisés depuis trente ans, rien sur la prévention qui pourrait éviter le recours aux prothèses, rien sur les différences de matériaux utilisés, rien sur les différences de charges entre Paris et province, entre petites et grandes villes, rien sur les honoraires de prothèses dans d’autres pays européens, bref du pur « dentist bashing ». « C’est ce type d’article qui a poussé des milliers de patients vers les low-cost dont les pratiques déviantes ont été révélées par le scandale Dentexia », déplore la CNSD. « Comment peut-on écrire autant de bêtises en un seul article, s’insurge l’UD. Triste presse où la soif d’augmenter les ventes fait confondre enquête et fake news. » La FSDL, tout aussi courroucée, estime qui plus est, qu’il y a conflit d’intérêts puisque l’auteur de l’article serait employé par Santéclair, en l’occurrence comme « community manager ». Le journaliste « fait passer les chirurgiens-dentistes pour des professionnels cupides qui n’agissent que dans leur intérêt financier, dénonce le syndicat. Comment parler d’objectivité et d’indépendance du journalisme ? Les intérêts des patients qui lisent 60 millions de consommateurs sont-ils les mêmes qu’un réseau faisant plus de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires par an et dont les pratiques anti-déontologiques sont dénoncées par la majorité des chirurgiens-dentistes libéraux ? ».

Émeutes Nutella

Last but not least, le même jour, le 25 janvier donc, une promotion (- 70 %) sur le pot de Nutella provoque des émeutes dans plusieurs supermarchés. C’est l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) qui s’émeut. « De quoi aurait l’air la campagne antitabac actuellement menée si demain des bureaux de tabac pouvaient faire une réduction de 70 % sur un simple coup de tête ? Comment pouvons-nous espérer, futurs dentistes, que notre message de prévention ait un quelconque impact après cela ? », s’interroge l’UNECD, rappelant que l’Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas dépasser une consommation de 25 g de sucre par jour.
 
Les étudiants demandent au gouvernement « d’entamer une réflexion sur la taxation des produits sucrés », à l’instar de la taxe soda, et à la direction des supermarchés en question de « considérer avec prudence les impacts de ces opérations » de promotion. « L’affaire Nutella est le symbole même de l’incohérence de la prévention en France », selon l’UNECD.

Février sera-t-il plus clément ?

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