En 2012, la loi Bertrand sur la transparence et la prévention des conflits dans le milieu sanitaire (Sunshine Act) introduisait trois dispositions majeures : la généralisation de l’obligation de déclaration de liens d’intérêt et de leur publication, l’enregistrement et la publication des comptes rendus des débats des commissions d’expertise et la publication sur un site internet unique des avantages consentis aux professionnels de santé par les entreprises. Quatre ans après sa promulgation, la Cour des comptes a voulu mesurer sur le terrain son application réelle et ses effets.
Son enquête a donc porté sur la mise en œuvre de l’ensemble de ces dispositions dans cinq organismes : la Haute autorité de santé (HAS), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’Institut national du cancer (INCa) et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). « Au total, malgré les progrès réalisés, les trois dispositifs de transparence et de gestion des conflits d’intérêts restent incomplets. Ils ne permettent pas de rendre compte de façon simple et directe des liens entre les professionnels de santé et l’industrie et, dès lors, de garantir l’absence de tout conflit d’intérêts susceptible d’affaiblir la décision sanitaire. »
Données lacunaires
Les déclarations d’intérêts comportent aussi des insuffisances. En contrôlant 2 904 déclarations d’intérêts publiées par les agences (sur 3953, soit 73 %), la Cour constate un taux d’anomalies de 22 % et même, s’agissant de l’ONIAM et du CEPS, de plus de 40 %. Omissions, absence de mise à jour annuelle, lacunes en matière de déclaration de liens d’intérêts ou de chiffrage de rémunérations perçues… Concernant la publicité des débats, la Cour regrette que les « commissions dont les débats donnent lieu à enregistrement ne soient pas fixées réglementairement ». Chacun faisant aujourd’hui comme il l’entend. Si l’ANSM et la HAS, procèdent, comme prévu par la loi, à la publicité de leurs débats, en revanche, ceux du CEPS « ne sont ni enregistrés ni publiés ». Rappelons que le CEPS est chargé, entre autres, de fixer le prix public des médicaments… Enfin, s’agissant de la publication de tous les liens financiers entre industriels et professionnels de santé sur un site internet unique (transparence.gouv.sante.fr), les sages de la rue Cambon notent que « les données consolidées restent lacunaires, seuls les avantages au titre de l’hospitalité et leur montant étant à ce jour publiés (soit 183,7 Me en 2014) ». Une interprétation de la loi a permis à tous les acteurs de ne pas inscrire le montant des rémunérations accordées par les industriels. Mais la loi de santé rend désormais obligatoire cette publication.
Plus de rigueur
Pour améliorer le dispositif, la Cour recommande de faire « rigoureusement » respecter l’obligation de non-participation « des membres d’instances collégiales, commissions, groupes de travail et conseils, dès lors qu’ils ont un intérêt, direct ou indirect, à l’affaire examinée », de mettre en place un site unique de recueil des déclarations d’intérêts permettant à tous les professionnels de santé de procéder par télédéclaration ou encore de rendre obligatoire sur le formulaire des déclarations d’intérêts la mention du numéro du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) afin de faciliter le croisement des données avec le site Transparence santé.
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