Comparaison à travers l’analyse des modèles espagnol, finlandais et français
La libre circulation des travailleurs en Europe est fondée sur une reconnaissance mutuelle des qualifications. Elle est réglementée par la directive européenne des qualifications professionnelles ou PQD [1]. À titre d’exemple, en 2014, 33 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre des chirurgiens-dentistes français ont obtenu leur diplôme en dehors du territoire français [2]. Si l’équivalence des diplômes est reconnue dans les faits, une étude récente montre qu’il existe toujours au sein de l’Union européenne d’importantes disparités dans les méthodes d’enseignement et le contenu de la formation initiale des chirurgiens-dentistes [3]. À travers une expérience de six mois d’immersion au sein de l’université finlandaise de Turku et de l’Universidad Complutense de Madrid, nous avons pu échanger, comparer et étudier au plus près la formation de nos consœurs et confrères et ainsi déterminer les points de convergence et de divergence de nos formations. À la suite de cet échange et concernées par ce contexte, nous avons choisi d’explorer et de dresser un portrait du cursus de trois pays européens distincts : l’Espagne, la Finlande et la France.
Portrait des trois pays
Situation démographique et économique (tableau 1)
La Finlande, pays le moins peuplé, présente les valeurs les plus favorables avec le taux de chômage le plus faible et le salaire moyen mensuel brut le plus élevé. Il n’existe en revanche pas de revenu mensuel minimum. L’Espagne, quant à elle, dispose du système économique le plus précaire, avec un taux de chômage deux fois plus élevé qu’en France et un salaire moyen mensuel inférieur.
État des lieux de la profession (tableau 2)
L’Espagne fait face à une montée record du nombre de chirurgiens-dentistes, passant de 13 242 en 1994 à 35 418 en 2016, et atteignant un ratio comparable à celui de la Finlande [11]. L’accroissement de ce nombre de praticiens n’est pas proportionnel à celui de la demande en soins de la population [12]. Par conséquent, 20 % des diplômés espagnols seraient au chômage et 10 % exerceraient un autre métier en complément [13].
En France, la densité de chirurgiens- dentistes, bien que très inégalement répartie sur son territoire, est 18 % inférieure à celle rencontrée en Espagne et en Finlande [14]. Il est également intéressant d’observer que les hygiénistes, profession inexistante sur le territoire français, exercent au nombre de 1 490 en Finlande et 13 200 en Espagne [15].
Système de santé et remboursement des soins bucco-dentaires
Les systèmes de santé et leurs fonctionnements sont différents.
En France, l’assurance maladie, par le biais de la nomenclature CCAM (Classification Commune des Actes Médicaux), détermine deux catégories d’actes : les actes remboursables ou pris en charge qui bénéficient d’une base de remboursement et les actes non pris en charge (NPC). Pour les actes pris en charge, certains sont dits opposables (soins conservateurs, détartrage, etc.), leur tarif est fixe, aucun dépassement d’honoraires n’est autorisé. Le remboursement atteint 70 % du montant de cette base, hors situations particulières de prise en charge à 100 % (de type Affection de Longue Durée (ALD), Couverture Maladie Universelle complémentaire (CMUc), etc.). D’autres soins sont dits non opposables (prothèse, orthodontie, etc.). Cela signifie qu’ils bénéficient d’une base de remboursement fixe, mais qu’ils peuvent faire l’objet d’une entente directe avec le patient. Dans ce cas, le chirurgien-dentiste fixe ses honoraires librement avec tact et mesure et en informe le patient par l’établissement d’un devis descriptif. Les actes non pris en charge ne bénéficient d’aucun remboursement de la part de l’assurance maladie. Cette dernière catégorie concerne les actes inscrits dans la CCAM mais non remboursés (blanchiment, fluoration, etc.) et tous les actes absents de la nomenclature CCAM (bridge collé par exemple) [16]. Ces honoraires sont libres. Pour compléter la prise en charge de leurs soins, les patients peuvent contracter une assurance complémentaire.
De l’autre côté des Pyrénées, seuls certains actes sont gratuits dans les centres de santé publics dont dépend le patient selon son lieu de résidence (tels que des radiographies, extractions ou soins sur les mineurs). En revanche, en dehors de ces centres, les tarifs de tous les soins sont libres et, sans une assurance privée, l’ensemble des soins reste à la charge du patient espagnol. De plus, les sociétés d’assurances passent des accords avec les professionnels de santé fixant les tarifs des différents soins qui seront proposés à leurs assurés [15]. Une nouvelle organisation sous la forme de réseaux de soins se développe par la multiplication de chaînes de cliniques franchisées. En conséquence, un patient ayant souscrit une assurance privée n’est pas libre de choisir son praticien, mais doit le sélectionner parmi une liste de chirurgiens-dentistes ayant signé une convention avec cet organisme.
En Finlande, deux systèmes cohabitent. Un secteur public, où les chirurgiens-dentistes exercent au sein des centres de santé municipaux subventionnés par les impôts ou les taxes. Les 317 municipalités appliquent une grille tarifaire votée par le parlement. Pour les moins de 18 ans et les vétérans de guerre, les soins sont gratuits. Parallèlement, il existe un secteur privé où les honoraires sont libres, leurs tarifs sont supérieurs à ceux pratiqués par les municipalités. Cependant, pour ce secteur, la Sécurité sociale (kela) rembourse un montant des charges fixe pour les soins préventifs et conservateurs. Ces montants remboursés représentent en moyenne 35 % du coût total de ces soins [17]. Il n’existe, en revanche, aucune prise en charge pour les soins prothétiques ou les traitements à visée esthétique (éclaircissement). Une aide pour les traitements orthodontiques est possible sous conditions.
La formation initiale des chirurgiens-dentistes (tableau 3)
Proportionnellement à sa population, la France dispose du plus faible taux d’étudiants formés, mais rappelons qu’un nombre croissant d’étudiants diplômés à l’étranger, principalement en Roumanie, en Espagne, au Portugal et en Belgique, s’inscrit auprès du Conseil de l’Ordre chaque année (417 praticiens à diplôme étranger sur 1 273 primo-inscrits en 2014) [14]. La formation française est entièrement publique et régulée par un numerus clausus. La Finlande fonctionne sur un même schéma d’enseignement public. Ses 4 universités offrent un total de 185 places [18]*. L’Espagne est le seul des trois pays étudiés à proposer sur son territoire à la fois une formation privée (par le biais de 8 universités) et une formation publique (via 12 universités). Notons que la proportion des étudiants formés est relativement élevée et en constante augmentation depuis l’ouverture des centres de formation privée. En 2013, l’UE manual comptabilisait 1 379 étudiants diplômés au sein des 17 universités que comptait alors l’Espagne. À ce jour, on recense 1 761 étudiants intégrant l’une des 20 facultés espagnoles [15] (716 dans les universités publiques, 1 045 dans les universités privées)*. Précisons que les trois nouvelles facultés recensées sont privées, élevant le taux des étudiants en formation dans une structure privée à 60 %. Au sein des trois pays concernés, Madrid présente un cas particulier avec cinq facultés formant 710 étudiants. 590 étudiants sont formés chaque année par l’une des 3 facultés privées et 120 étudiants sont accueillis dans l’une des 2 facultés publiques madrilènes. La communauté de Madrid forme alors 41 % des futurs chirurgiens-dentistes du pays.
Comment intégrer la formation ?
En France, l’étudiant doit réussir le concours de Première Année Commune aux Études de Santé (PACES) pour pouvoir intégrer les bancs de la faculté dentaire. Un même examen regroupe les étudiants désirant intégrer médecine, dentaire, pharmacie, sage-femme et dorénavant kinésithérapie. Il est alors possible de postuler pour l’une ou plusieurs de ces spécialités. Selon son classement, l’étudiant intégrera ou non la formation de son choix. Afin de réguler le nombre d’étudiants, chaque année, un arrêté émanant d’un accord entre le ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé fixe un numerus clausus déterminant un nombre de places limitées pour chaque filière [20].
En Espagne, les modalités d’admission sont distinctes entre l’université publique et l’université privée. Tous les lycéens désirant intégrer des études universitaires publiques se présentent aux épreuves d’accès à l’université ou Pruebas de Acceso a la Universidad (PAU). Il s’agit d’épreuves écrites composées d’une partie commune et d’une partie spécifique où l’étudiant choisit des matières en rapport avec la faculté qu’il veut intégrer. En prenant 60 % de la note du Bachillerato (équivalent du Baccalauréat) + 40 % de l’épreuve commune de la PAU, on obtient une note sur 10. La note obtenue à l’épreuve spécifique permet d’additionner à la moyenne précédente jusqu’à quatre points supplémentaires. Ce total détermine la nota de acceso ou note d’admission de l’étudiant, qui doit atteindre la note seuil de l’établissement, dite nota de corte. À la rentrée 2016, cette dernière était de 11,79 à l’Univesidad Complutense de Madrid (UCM) et a permis à 100 étudiants d’intégrer l’université. Chaque université privée possède ses propres tests d’admission, basés sur un modèle comparable. Ainsi, pour l’université Alfonso X el Sabio (UAX) de Madrid, l’élève doit être titulaire du Bachillerato ou de son équivalent européen et réussir un test psycho-pédagogique. De même, des évaluations linguistiques non sélectives (en anglais et espagnol pour les non hispanophones) sont réalisées. Si le niveau d’espagnol est jugé trop faible, l’étudiant effectue une immersion d’un mois avant la rentrée d’octobre. La majeure partie des élèves qui intègrent l’école est de nationalité française ou italienne. La faculté peut accueillir 270 étudiants en première année.
En Finlande, Hammaslääketieteellisen pääsykoe est l’examen d’entrée en dentaire. Il est identique à celui de l’entrée en médecine et se déroule fin mai. L’étudiant postule pour médecine ou dentaire dans une seule des quatre universités finlandaises. L’examen est basé sur les enseignements secondaires reçus en biologie, physique et chimie. Il peut être passé la même année que l’Ylioppilastukinto (équivalent du baccalauréat). En cas d’échec, le nombre de tentatives n’est pas limité. On compte 185 élèves reçus chaque année, avec un taux de réussite de 16,5 % environ [18].
Le coût des études (tableau 4)
En Finlande, l’accès à l’université est quasiment gratuit. À l’inverse, en Espagne la formation est payante. Si le coût de la formation publique reste raisonnable, celui de l’école privée atteint 67 770 € à l’UAX. En ce qui concerne la France, le coût des études est faible. Au coût de l’inscription administrative universitaire s’ajoutent les dépenses pour l’acquisition de matériel pédagogique, variables selon les facultés.
L’organisation et la durée de la formation
Du fait de l’absence de publication, le travail de récoltes des informations a été réalisé en collaboration avec les doyens et leur administration auprès de chacune des universités étudiées. Selon les directives européennes en vigueur [22], les trois formations doivent comptabiliser au moins 300 ECTS (European Credits Transfer System), soit 5 années de formation avec un total d’au moins 5 000 heures d’enseignement théorique et pratique. Avec la première année de PACES, la France possède le cursus le plus long. L’étudiant obtient, après 6 années d’études et la soutenance d’une thèse d’exercice, un diplôme d’état de docteur en chirurgie dentaire. Le curriculum espagnol dure 5 ans et celui de Finlande 5,5 années : ils n’aboutissent pas à un titre de docteur.
Le contenu de la formation
La formation théorique
Pour être reconnue, la formation théorique doit comprendre un certain nombre d’enseignements définis dans la directive des qualifications professionnelles, listés dans le tableau 5 [22]. Les enseignements seront dispensés au travers de cours magistraux, de travaux dirigés, d’études de la littérature scientifique et de séminaires. Des cours et des supports sont disponibles sur une plateforme informatique (moodle pour Rennes et Turku, el campus virtual pour Madrid). Dans les trois universités étudiées, l’enseignement théorique concernera des connaissances médicales générales puis se concentrera sur les connaissances odontologiques spécifiques.
Ces connaissances théoriques seront évaluées par plusieurs examens individuels dans l’année :
– système de partiels semestrialisés en France [23] et en Espagne ;
– répartis sur l’année en Finlande [24].
À la fin du cursus, des examens théoriques synthétiques questionnent l’ensemble des matières odontologiques. En France, on nomme cet examen le Certificat de Synthèse Clinique et Thérapeutique (CSCT) ; il porte sur le contenu intégral des matières cliniques principales. La forme de l’examen varie en fonction de l’établissement. À Rennes, il se présente sous la forme d’un écrit et d’un oral basé sur l’étude d’un cas clinique analysé en un temps restreint devant un jury.
À Turku, l’élève est soumis à l’examen de l’Objective Structured Clinical Examination (OSCE). Il s’agit d’une évaluation des compétences cliniques. Les étudiants effectuent un « circuit » constitué de douze « stations » ou « tâches », chaque station représentant une compétence différente : rédiger une ordonnance, faire un bilan parodontal, élaborer un diagnostic… Chaque station est évaluée par un ou deux examinateurs et dure entre 5 et 15 minutes. L’épreuve peut se dérouler sur un patient réel ou simulé. L’appréciation globale résultera de la moyenne des appréciations reçues. A l’université publique de la Complutense de Madrid, en fin de 5e année, l’étudiant doit valider l’Evaluación Clinica Objetiva Estructurada (ECOE). Il sera interrogé parmi une liste de 69 items pratiques et théoriques.
La préparation préclinique
Les enseignements précliniques sont répartis en grands champs disciplinaires délimitant les principales spécialités odontologiques : parodontologie, odontologie conservatrice et endodontie, prothèse amovible et fixée, chirurgie, odontologie pédiatrique et éventuellement orthopédie dento-faciale.
L‘organisation des séances : la promotion est divisée en groupes. Le plus couramment, une démonstration de la manipulation est réalisée en direct par un enseignant, ou diffusée sous forme de vidéo préenregistrée. L’étudiant aura pour objectif de reproduire la manipulation. L’évaluation de l’étudiant reposera sur sa capacité à respecter les protocoles afin d’obtenir un résultat conforme [25]. Dans les trois universités (Turku, UCM et Rennes), les salles de travaux pratiques sont comparables.
Pour être mis en situation, les étudiants s’entraînent sur des simulateurs constitués :
– d’un patient fictif ou fantôme matérialisé par un mannequin en plastique surmonté d’un visage en caoutchouc ;
– d’un unit regroupant les matériels rotatifs et les systèmes d’aspirations.
La bouche du patient fictif est remplacée par une mâchoire en plastique dans laquelle seront implantées des dents artificielles (modèles Frasaco, KaVo) ou naturelles. Les étudiants espagnols s’entraînent également sur des simulateurs de réalité virtuelle (Simodont). Au cours de ces heures de travaux pratiques, encadrés par des professeurs référents, l’étudiant manipule les principaux outils et matériaux et met en œuvre les protocoles opératoires. Dans les trois universités citées, des partenariats sont établis avec les industriels pour permettre aux étudiants de découvrir des technologies récentes.
Le volume horaire (tableau 6) : les travaux pratiques représentent une large plage du volume horaire de la formation des étudiants. Plus particulièrement à Rennes où le temps qui leur est consacré y est plus important.
La pratique clinique
Les étudiants réalisent leurs stages hospitaliers dans des établissements de soins qui dépendent du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) (France), de la municipalité (Finlande) ou de l’université (Espagne). Les étudiants finlandais intègrent la clinique en début de 3e année, tandis que les étudiants espagnols et français attendront la 4e année. À Rennes, le centre de soins est organisé en plusieurs services selon leur spécialité, ce qui n’est pas le cas dans les autres universités étudiées où l’ensemble des soins est réalisé au sein d’un unique service. En France et en Espagne, les étudiants travaillent la plupart du temps en binôme, alors qu’ils travaillent seuls en Finlande. Ils peuvent réclamer l’aide d’une assistante dentaire qualifiée pour des soins nécessitant un travail à quatre mains.
L’évaluation des compétences cliniques : dans les trois universités de référence, les étudiants sont évalués qualitativement et quantitativement au cours de leur formation clinique. Les soins réalisés sont répertoriés dans des logiciels informatiques et des enseignants encadrent et évaluent l’étudiant tout au long des soins. Des listes d’actes préfigurent le programme des soins à réaliser au cours de la formation. En Finlande, les étudiants reçoivent à la fin de leur formation clinique une appréciation de 0 à 5 créée selon les références du Profile and Competences [26, 27].
L’équipement et le matériel à disposition : le centre de soins à Rennes dispose de 56 fauteuils, 24 générateurs radiologiques individuels et 2 générateurs pour panoramique et Cone Beam pour un nombre moyen de 210 stagiaires en formation initiale. Début 2018, un nouveau centre sera opérationnel et les externes disposeront de 79 fauteuils, 57 générateurs radiologiques individuels, 2 générateurs panoramiques et 2 cone beam. Ces fauteuils fonctionnent environ 8 heures par jour.
À Madrid, l’UAX possède 56 fauteuils, 50 générateurs radiologiques individuels, 56 caméras intrabuccales, 6 générateurs panoramiques et plusieurs Cone Beam pour 540 étudiants. En revanche, le temps d’utilisation de chaque fauteuil est de 12 heures par jour.
À l’UCM, 129 fauteuils, 6 générateurs radiologiques individuels, 5 pour panoramique et 2 scanners sont disponibles pour les 200 étudiants. Cependant, ces fauteuils sont ouverts 3 heures par jour. À Turku, les 130 stagiaires se partagent 43 fauteuils, 11 générateurs radiologiques et seulement une radiographie panoramique. Les soins sont dispensés sur des plages horaires représentant 8 heures par jour. Concernant le matériel mis à disposition, à Turku comme à Rennes, il est fourni. L’étudiant finlandais se verra prêter des aides optiques qu’il utilisera tout au long de sa formation aussi bien en travaux pratiques qu’en clinique. Rappelons également qu’ils ne travaillent pas en binôme, mais que des assistantes dentaires qualifiées les assistent si besoin. En revanche, l’étudiant de l’UCM devra acquérir du matériel qu’il utilisera aussi bien en travaux pratiques qu’en clinique, estimé à plus de 3 000 €. C’est lui qui veillera à l’entretien et à la stérilisation de son matériel. Le consommable est fourni mais son usage est contrôlé par les superviseurs.
Le volume horaire (tableau 7) : à l’UCM, à hauteur de 3 heures de clinique par jour, 5 fois par semaine et 30 semaines par an, l’étudiant, en binôme, comptabilise 450 heures de clinique chaque année. En 4e année, il débute la clinique un mois plus tard, soit un total de 840 heures pour sa formation. En moyenne, lors d’une vacation, le binôme pourra soigner d’un à trois patients.
À l’UAX, la formation comprend une demi-journée d’observation par semaine pour l’étudiant en 3e année, soit 180 heures à l’année. En 4e année, il pratique en binôme à hauteur de 12 heures par semaine et en 5e année, il atteint 18 heures de clinique à la semaine, soit un total de 900 heures. Lors d’une vacation de 6 heures, sept à huit patients en moyenne sont pris en charge. Ces calculs se basent sur un minimum de présence de 30 semaines à l’année, bien que le centre soit ouvert 48 semaines sur l’année, il pourra alors voir ce nombre augmenté en cas de non-validation de certaines matières.
En France, l’exercice clinique débute en 4e année. À Rennes, l’étudiant comptabilise au total 1 900 heures de clinique en binôme, avec 450 heures en 4e année, 800 heures en 5e et 650 heures en 6e. En Finlande, la pratique clinique est répartie sur trois années et totalise 1 050 heures. Quatre à cinq vacations de 4 heures sont réalisées dans la semaine. Rappelons que l’étudiant travaille seul, donc il est toujours opérateur, il fixe lui-même ses rendez-vous et a la possibilité de réserver des créneaux supplémentaires lorsque des sièges sont libres via la plateforme internet.
Le stage professionnel
Afin de faciliter l’intégration dans la vie professionnelle, les systèmes finlandais et français ont mis en place un stage actif en cabinet. Pour cela, les étudiants devront travailler au sein d’un cabinet supervisé par un praticien qui sera maître de stage agréé. En France, il s’agit d’un stage effectué au cours de la 6e année devant représenter au moins 250 heures, dont 50 heures d’observation. En Finlande, un stage de six mois (vocational training [28]) clôturera la formation. Il représente 810 heures d’exercice sous forme d’activité salariée rémunérée au sein de l’un des centres de santé municipaux finlandais
L’obtention du diplôme et l’autorisation d’exercice
L’autorisation d’exercice
Alors qu’en Espagne, l’étudiant doit attendre d’être diplômé du Grado en Odontologia pour exercer, la situation est différente dans les deux autres pays. La réussite aux examens de vérifications des connaissances (OSCE en Finlande, CSCT en France) procure aux étudiants finlandais et français l’autorisation d’exercer avant d’avoir terminé leur dernière année d’études [29].
Le travail de fin d’études
Pour obtenir leur diplôme, les étudiants espagnols doivent réaliser le Trabajo Fin de Grado (TFG). À l’UCM, il se compose de l’ECOE, du Portafolio (ensemble des actes cliniques réalisés répertoriés par le logiciel informatique) et de la présentation d’un cas réalisé en clinique. Ce cas est présenté devant un jury, illustré de photos décrivant pas à pas l’évolution des soins. À l’UAX, l’étudiant réalise un projet de recherche. Il peut revêtir plusieurs formes : études bibliographiques, études épidémiologiques… L’étudiant choisit un tuteur référent et présente le fruit de son travail devant un jury de deux membres. Les étudiants finlandais ont un projet de recherche similaire à mener, il peut être débuté dès la 1re année. Il sera présenté lors d’un exposé à l’ensemble des élèves, avant la fin de 5e année. Un examen écrit complète ce projet de recherche. Il s’agit d’un essai appelé « test de maturité » ou kypsyysnäyte. Il permet essentiellement d’évaluer le niveau d’expression. Quant aux étudiants français, ils devront s’atteler à la rédaction de la thèse d’exercice. La thèse est un projet de recherche dont l’étude peut revêtir plusieurs formes. L’étudiant, supporté par son directeur de thèse et les membres de son jury aura jusqu’à dix-huit mois après sa sortie de la faculté pour rédiger et soutenir celle-ci. À Rennes, la thèse devra être présentée sous forme d’article. Le format correspondra à celui de la revue dans laquelle l’article est destiné à être publié.
La spécialisation
À ce jour, en Espagne, aucune spécialité n’est reconnue [15]. En Finlande, deux spécialités existent, la chirurgie maxillo-faciale, apparentée à une spécialité médicale et dont la formation a une durée de six ans, et l’orthopédie dento-faciale d’une durée de trois ans. En France, on dénombre trois spécialités accessibles par le concours de l’internat qui peut être présenté en fin de 5e et/ou 6e année d’études. Il s’agit de l’orthopédie dento-faciale, de la médecine bucco-dentaire dont les formations durent trois ans et de la chirurgie orale avec une durée de quatre ans accessible également aux internes de médecine. En dehors de ces diplômes de spécialité, les praticiens peuvent acquérir des compétences complémentaires par le biais, par exemple, de masters en Espagne, de diplômes universitaires (DU) en France ou de spécialisation en Finlande.
Conclusion
À travers la comparaison des trois systèmes de formation finlandais, français et espagnol, nous obtenons un échantillon assez représentatif de la diversité qui existe au sein de l’Union européenne. Cette analyse met en évidence des points de convergence dans le contenu et la structure des curricula, notamment en matière d’enseignements théoriques et d’apprentissage préclinique, même s’il existe des disparités dans les volumes horaires. Cependant, des points de divergence persistent concernant le coût de la formation, les fonctionnements des centres de soin et les spécialités. Cette étude permet surtout de mettre en relief l’interaction entre un contexte socio-économique et une approche de l’enseignement. Un pays comme la Finlande présente un contexte social privilégié (faible taux de chômage, revenu moyen élevé) en adéquation avec un système éducatif performant où la formation des chirurgiens-dentistes est presque gratuite. Néanmoins, le coût des soins dentaires reste en grande partie à la charge des patients.
Avec ses six années d’études, la France présente la formation préclinique et clinique la plus dense des trois formations étudiées. Elle dispose du meilleur système de remboursement facilitant un accès aux soins pour tous, même si les inégalités de répartition des professionnels sur le territoire entravent l’offre de soins. Ce contexte favorable attire de plus en plus les praticiens diplômés à l’étranger.
Enfin, l’Espagne présente une situation socio-économique fragile. À son fort taux de chômage et son faible revenu moyen s’ajoute une prise en charge des soins dentaires quasi inexistante. La multiplication des écoles privées, très coûteuses, rend incontrôlable la démographie estudiantine et contribue à alimenter la surpopulation des professionnels de santé. C’est pourquoi la combinaison d’un contexte sociétal difficile et d’un système éducatif déréglementé modifie en profondeur la pratique de la chirurgie dentaire en Espagne. En effet, la dentisterie espagnole glisse progressivement d’un modèle libéral où le praticien exerce en pratique privée vers un système où les praticiens sont salariés de puissantes chaînes de cliniques où se pratique une dentisterie à bas coût. Les conséquences d’un tel déséquilibre illustrent les dérives qui menacent l’ensemble de la profession à l’échelle européenne.
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