« Dispositifs flous », « encadrement inefficace », « contrôles des formations lacunaires », « financements généreusement distribués et sans contrôle »… Dans un référé rendu public le 1er juillet, la Cour des comptes pointe le fonctionnement de l’Agence nationale du DPC (ANDPC).
Les sages de la rue Cambon relèvent, dans ce référé, une « note » adressée à un ministre (en l’occurrence Agnès Buzyn), de « profonds dysfonctionnements » à tous les niveaux, du pilotage de la formation continue des professionnels de santé à son financement.
La cour relève notamment les « orientations prioritaires » de formation trop nombreuses et imprécises pour être pertinentes. Pour la période 2016-2018, la Cour a compté : 34 au titre de la politique nationale de santé, 354 par professions, 17 spécifiques au service de santé des armées, soit un total de 405 orientations prioritaires. Une offre pléthorique qui conduit l’Agence à fonctionner en « guichet ouvert », « laissant les organismes de formation proposer des actions de DPC, sans lui permettre de réellement évaluer leur intérêt et leurs modalités », remarque la Cour. « Le bon emploi des fonds publics justifierait une approche beaucoup plus sélective du DPC qui devrait financer les seules actions correspondant à des besoins prioritaires en termes de qualité et de sécurité des soins », ajoute-t-elle.
Contrôles insuffisants
Autre dysfonctionnement : le contrôle des formations. Dans l’incapacité de mener des contrôles « sur place et sur pièces » l’Agence ne peut « s’assurer de la réalité du contenu des actions de DPC suivies par les professionnels de santé ». Même les commissions scientifiques indépendantes (CSI), instances composées de professionnels de santé, censées contrôler le contenu des actions proposées par les organismes de formation, sont totalement dépassées. Au regard du nombre d’actions de formation (plus de 19 000 en 2017), il leur serait matériellement impossible de les évaluer dans leur totalité. Elles en examinent un peu moins de 10 % et rendent un avis défavorable dans 44 % des cas. « Certains organismes de formation n’hésitent pas à multiplier les actions de DPC présentant le même intitulé au mot près afin de les engorger et ainsi contourner leur contrôle, révèle la Cour. La situation est telle qu’il est possible pour un même organisme de formation de voir l’ensemble de ses actions, contrôlées, rejetées et pour autant être à même de proposer aux professionnels de santé celles qui n’ont pas été évaluées. »
La Cour des comptes relève également le financement du DPC. Les forfaits « apparaissent très largement surévalués par rapport au coût réel des formations », explique-t-elle. À tel point que le surcoût annuel serait de l’ordre de 30 millions d’euros, soit 20 à 25 % des fonds investis dans le DPC par les pouvoirs publics. En fait, « l’agence est dans l’incapacité aujourd’hui de définir le juste prix des prestations qu’elle finance ».
Épuisement du budget en cours d’année
Enfin, le référé pointe des règles de gestion « particulièrement lâches » qui permettent la prise en charge d’actions de DPC se déroulant à l’étranger, y compris hors Union européenne (pour 4,4 M€) ou la multiplication d’actions de DPC par un même professionnel pour une même année. « Ces largesses se sont traduites en 2015 et en 2016 par un épuisement du budget du DPC en cours d’année », constate la Cour. Celle-ci conclut par quelques recommandations à la ministre : restreindre et mieux cibler les orientations prioritaires de formation, rendre publiques les conventions passées entre les industries pharmaceutiques, donner les moyens à l’Agence de réaliser des contrôles sur place ou encore « limiter, sous réserve d’en contrôler l’effectivité, la prise en charge par professionnel à trois actions de formation par cycle de DPC ».
Réponse point par point
Dans un communiqué du 3 juillet, l’ANDPC rappelle que les premières réponses législatives sont en cours dans le cadre de la future loi sur l’organisation et la transformation du système de santé avec la possibilité de contrôle sur pièce par l’Agence et l’obligation de publication des conventions conclues entre les entreprises du secteur sanitaire et les organismes de DPC dans la base publique « transparence santé ».
« De nouveaux leviers d’action seront activés dans les prochains mois, assure l’Agence : pédagogie renforcée sur le dispositif et ses méthodes, nouvelles orientations prioritaires resserrées et porteuses d’enjeux de transformation du système de santé ou de l’exercice professionnel, dispositifs d’appels d’offres ou à projets permettant l’émergence d’une offre innovante. »
Elle devrait également « intensifier la lutte contre la fraude et mettre en œuvre tous les mécanismes permettant une utilisation efficiente de l’enveloppe allouée ».
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