Les représentants départementaux de la CNSD se sont prononcés, le 1er juin, pour la convention à 90,65 %. Le conseil d’administration de l’Union Dentaire qui votait, lui, le 31 mai, l’a approuvée à 76 %. La FSDL, pourtant majoritaire aux dernières élections URPS, mais en deçà de 50 % des voix, ne pourra pas inverser la décision. Le conseil d’administration du syndicat rejettera ce texte le 16 juin.
La signature devrait intervenir dans le courant du mois de juin, sans doute autour du 18, après que l’UNOCAM (les complémentaires) l’aura validé. Dès sa publication au Journal officiel à la rentrée, la convention écrasera le règlement arbitral sous l’empire duquel la profession se trouve aujourd’hui. Elle entrera en vigueur le 1er avril 2019 et s’échelonnera sur cinq ans (2023). Le reste à charge zéro (RAC 0) s’appliquera dès le 1er janvier 2020 uniquement sur les prothèses fixes, puis pleinement le 1er janvier 2021.
Une architecture autour de quatre piliers
Cette nouvelle convention s’organise en quatre axes majeurs.
• La création de plafonds de prix opposables pour 70 % des actes prothétiques répartis dans deux paniers, le RAC 0 et le RAC modéré, en fonction de la localisation de la dent (antérieure, intermédiaire – 1re et
2e prémolaires – et postérieures) et de la nature du matériau utilisé : couronnes métalliques, full-zircon, CCM, couronnes céramiques monolithiques, CCC. Un troisième panier, à tarifs libres, est créé. Chaque panier recouvre environ un tiers du montant de l’activité en honoraires des cabinets soit, selon l’assurance maladie, 46 % des actes en RAC 0, 25 % en RAC modéré et 29 % en tarifs libres.
• Une revalorisation des soins courants entre 40 et 60 % orientés vers les traitements conservateurs avec la création de nouvelles prises en charge comme le coiffage pulpaire.
• Quelques mesures de prévention comme l’examen bucco-dentaire (EBD) 3 ans, la prise en charge de l’application de vernis fluorés ou l’expérimentation d’un forfait de prévention couvrant plusieurs rendez-vous.
• Enfin, des dispositions pour une prise en charge des patients diabétiques, sous traitements anticoagulants ou en situation de handicap.
Globalement, l’investissement représente près de 1,2 milliard d’euros sur cinq ans : 704 millions pour les revalorisations des soins, 371 millions d’amélioration des bases de remboursement pour les assurés et 108 millions pour de nouveaux actes de prévention. Sur ce montant, les complémentaires santé prennent en charge 505 millions (175 millions pour les soins conservateurs, auxquels s’ajoutent 320 millions pour les soins prothétiques). Compte tenu des plafonnements, le bénéfice pour la profession sera de 287 millions d’euros, estime la CNAM. Le texte prévoit une clause de sauvegarde dont l’objectif est de rouvrir les négociations en cas de déséquilibres entre les trois paniers de soins. Les praticiens seront obligés de présenter une offre dans le panier RAC 0 dès lors qu’il contient un traitement alternatif à leur proposition initiale.
Les réactions des syndicats
Union Dentaire : « + 5 à 8 % de revenus par an »
« Nous n’avons pas signé uniquement pour éviter le règlement arbitral. Nous n’en voulions pas, c’est une chose, mais nous sommes certains que cette convention, dans le contexte socio-économique d’aujourd’hui, est positive pour la profession. L’assurance maladie et les complémentaires mettent plus d’un milliard d’euros sur la table. Et, compte tenu des plafonds sur les prothèses, c’est un bénéfice net pour la profession de 300 millions sur cinq ans. Ce qui veut dire une revalorisation de 5 à 8 % par an pendant au moins cinq ans pour chaque praticien. Au moins 75 % des cabinets vont y trouver leur compte et aucun cabinet ne fera faillite à cause de cette convention. Celle-ci va vivre. Il y aura des rendez-vous chaque année pour revoir les plafonds et des commissions paritaires pour suivre l’impact de la convention et mettre en place les modalités adoptées. Le panier libre est un espace de liberté important pour nous qui n’existerait pas avec le règlement arbitral qui, par ailleurs, alignait tous les plafonds prothétiques sur les tarifs CMU. Or, les plafonds contenus dans la convention se situent dans la moyenne, voire, pour nombre de confrères, au-dessus des tarifs moyens couramment pratiqués. Nous allons désormais nous attacher à faire la pédagogie de ce texte. »
Philippe Denoyelle, président de l’UD
CNSD : « Le principe de réalité »
« La CNSD a négocié jusqu’au bout. Nous avons encore arraché quelques millions lors de la dernière séance de négociations du 25 mai. Nous avons obtenu le maximum possible dans la situation actuelle. Évidemment, ce n’est pas la convention idéale. Mais ni l’assurance maladie ni les complémentaires santé n’ont les moyens de tripler la valeur des actes. Les plafonds sur la prothèse étaient une contrainte acceptée par tous avant les négociations et le RAC 0 a rendu les choses plus compliquées. Mais il y a un principe de réalité qui nous a conduits à accompagner le changement voulu par l’État, plutôt que d’assister passivement à ses décisions. Ce texte contient des avancées : des revalorisations sur les soins qui sont loin d’être ridicules, même si certaines restent encore loin des coûts réels, des plafonds très proches des tarifs moyens pratiqués, un panier à tarifs libres qui n’aurait pas existé dans le règlement arbitral, un parcours de prévention pour les patients, la reconnaissance du rôle du chirurgien-dentiste dans la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques et de handicaps. Le risque que les patients reportent leurs travaux de prothèse jusqu’à l’entrée en vigueur du RAC 0 existe bel et bien. C’est pourquoi nous avons demandé une application du RAC 0 dès 2021 sur la prothèse fixe. Mais il y aura aussi un effet volume, c’est-à-dire l’arrivée dans nos cabinets de patients qui n’y venaient plus pour des raisons de reste à charge. Cette convention va d’ailleurs réduire le champ de la concurrence avec les réseaux de soins et les centres de santé. »
Catherine Mojaïsky, conseiller spécial du président de la CNSD
FSDL : « Opposants au texte,rejoignez-nous ! »
« Le 5 avril, après les premières propositions chiffrées de la CNAM, tous les syndicats avaient expliqué, à l’unisson, que « le compte n’y était pas ». La somme proposée par l’assurance maladie n’a pas bougé mais, aujourd’hui, le compte serait bon. On nous disait que le RAC 0
était une mauvaise mesure pour les patients, aujourd’hui, il est vertueux. Face au gang des girouettes, nous appelons tous les praticiens opposés à ce texte à nous rejoindre pour faire de la FSDL le syndicat qui aura la majorité absolue lors des prochaines élections URPS en 2020. Mais nous respectons la démocratie. Cette convention s’impose à nous et nous l’appliquerons. Nous n’appelons pas au déconventionnement qui relève d’un choix individuel. Nous mettons une nouvelle fois en garde la profession : cette convention signe, à terme, la fin de l’exercice libéral. Nous allons vers un système à l’espagnol avec des tarifs réglementés, des cliniques low-cost et une majorité de praticiens salariés. Dès la première année d’application du RAC 0, je prédis une ruée sur les couronnes conduisant à l’augmentation de 300 % des dépenses prévues par les complémentaires santé. Ne pouvant plus suivre, elles n’auront le choix que d’augmenter les cotisations, peut-être de 30 %, ou de demander le passage de certaines couronnes du RAC 0 en RAC modéré ou en tarifs libres. Ce sera sans doute les deux, mais tout le monde sera perdant. Et puis rapidement, un tiers des cabinets fermeront, notamment ceux des centres urbains qui pratiquent aujourd’hui des tarifs en moyenne supérieurs de 30 % aux plafonds en raison des fortes charges qui pèsent sur eux. Nous ne retenons que deux mesures positives dans ce texte : l’augmentation de la base remboursement de l’inlay/onlay à 100 e et le déplafonnement de l’inlay/onlay tout céramique ».
Patrick Solera, président de la FSDL
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