Une aide financière sera versée aux patients connaissant, en raison de l’importance des soins à réaliser et de leurs ressources, des difficultés à assumer ces frais », précise le ministère. Les modalités de cette prise en charge seront définitivement connues en septembre. La ministre a également appelé la profession dans son ensemble, libéraux, centres de santé dentaire et centres hospitalo-universitaires à se mobiliser et « à faire preuve de responsabilité en proposant des tarifs accessibles aux patients ».
Cette annonce fait suite à la publication, le même jour, du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur l’affaire Dentexia. Il fait dix propositions (lire encadré ci-contre) pour résoudre la crise sanitaire déclenchée par la liquidation judiciaire de la chaîne de cliniques low-cost prononcée début mars par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. L’Igas, comme avant elle le tribunal, constate « plusieurs anomalies financières et juridiques » et considère « que l’organisation et la gestion s’éloignaient d’un fonctionnement associatif à but non lucratif ». Ainsi, par exemple, le président de l’association, Pascal Steichen, « occupait plusieurs mandats dans des sociétés privées [8 au total, Ndlr], qui étaient prestataires de l’association ». La mission a également relevé des pratiques commerciales « qui, pour certaines, pouvaient contredire les objectifs assignés par la loi relative aux centres de santé : la promotion des soins était faite par des assistantes « cliniciennes », chargées dans le même temps de faire signer des prêts au sein même des centres de santé ». Il était également demandé aux patients de signer un certificat attestant que tous les soins avaient été réalisés, avant de commencer la réalisation du traitement dentaire. Le rapport fait également état de témoignages décrivant des consignes de la part des gestionnaires de centre adressées aux chirurgiens-dentistes, parfois pendant les soins : « Réduire le nombre de séances pour arracher plusieurs dents ; réduire le nombre de séances pour poser davantage d’implants en une fois ; ne pas expliquer au patient ce qu’on lui fait au fur et à mesure des soins dispensés dans une même séance. » Pas moins de 350 plaintes ont été déposées devant les instances ordinales pour, notamment, soins non conformes, violences volontaires entraînant mutilation ou surtraitement.
en déshérence
Finalement, « la gestion structurellement déficitaire de l’association et l’augmentation du montant des dettes » ont abouti à la liquidation judiciaire, laissant près de 3 000 patients au milieu de leur traitement dentaire et ou en ayant payé une partie, alors que leurs soins n’avaient pas commencé. L’Igas partage ces patients en trois catégories : ceux qui n’ont pas commencé de traitement mais subissent un préjudice purement financier du fait du paiement d’avance, un deuxième groupe avec des soins débutés et un préjudice financier relativement limité (inférieur à 3 000 €) et susceptible de trouver une situation individuelle. Enfin, une troisième catégorie de patients avec des soins lourds commencés et un préjudice financier majeur supérieur à 5 000 € et pour certains à 10 000 € avec paiement sur fonds propres ou prêts personnels. Pour terminer les soins de tous ces patients, l’Igas propose de faire appel à la solidarité nationale et estime qu’il faudra mettre sur la table entre 3 et 10 millions d’euros… Propositions suivies donc par Marisol Touraine. Mais l’Igas ne traite pas le fond du problème : l’existence même de ce type de centres. Elle renvoie à un second rapport, à venir à l’automne, pour traiter cette question. Car c’est bien la législation qui est en cause.
La loi de 2009, dite HPST, a introduit une modification dans les règles d’ouverture des centres de santé, en transformant l’agrément préalable de l’ARS en une simple déclaration sur la base d’un projet de santé et d’un règlement intérieur. « L’objectif, écrit l’Igas, était de faciliter l’ouverture des centres de santé, tout en gardant leur mission première » : dispenser « des soins de premier recours » et notamment mener « des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé », dixit la réglementation. Un assouplissement législatif qui a conduit à la multiplication des centres de santé dentaire. Selon la CNAM, ils étaient 425 fin 2012 et 653 fin 2015… Avec les dérives que l’on connaît maintenant.
Les 10 propositions de l’Igas pour régler le cas Dentexia
• Désigner un délégué ou un conseiller placé auprès de la ministre de la Santé, qui sera garant de la reprise des soins des anciens patients de Dentexia [ce sera le Pr Robert Garcia, Ndlr].
• Rentrer tous les patients dans un circuit de soins au plus tard le 15 octobre 2016 (bilan bucco-dentaire préalable à la reprise des soins et nouveau plan de traitement).
• Réaffirmer les conditions juridiques de la responsabilité des praticiens et les garde-fous existants.
• Mobilisation du service public hospitalier.
• Proposer que deux praticiens différents établissent le certificat bucco-dentaire et réalisent la reprise et la poursuite des soins [écartée, Ndlr].
• Assurer une remontée des données épidémiologiques au niveau des ARS.
• Prévoir une enveloppe de solidarité nationale de reprise des soins.
• L’enveloppe financière actuelle pour terminer les soins est estimée entre 3 et 10 millions d’euros, seule la réalisation des bilans bucco-dentaires permettra d’ajuster cette fourchette.
• Poursuivre la procédure de restitution des dossiers engagée par le Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes avec un appui fort du ministère de la Santé pour que le gestionnaire du logiciel Julie débloque dans les plus brefs délais l’accès aux dossiers numériques et en particulier à l’imagerie dentaire.
• Recommander aux patients la vigilance avant la signature de protocoles transactionnels avec les organismes financiers ou assurantiels qui comporterait une clause de renonciation à toute voie de recours.
L’Ordre se mobilise
Après que Marisol Touraine a annoncé la prise en charge par l’État des victimes de Dentexia et appelé la profession à se mobiliser, l’Ordre des chirurgiens-dentistes rappelle le 28 juillet que « l’urgence de la reprise des traitements des patients des anciens centres de Dentexia n’a jamais été aussi impérieuse. C’est le devoir de notre profession médicale de prendre
en charge ces personnes ». Le Conseil national renvoie à son modèle de Certificat de santé bucco-dentaire sur son site internet (lire ID n° 23) qui exonère le praticien de la responsabilité des soins antérieurs lorsqu’il prend en charge une victime de Dentexia.
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