Dans une décision du 15 janvier, l’Autorité de la concurrence enjoint les pouvoirs publics de modifier les articles du Code de la santé publique qui interdisent aujourd’hui aux chirurgiens-dentistes de faire de la publicité. Pourquoi ? Parce que cette interdiction, aujourd’hui « générale et absolue », est contraire au droit européen. Il ne s’agit pas de supprimer toutes règles en la matière. « Le droit européen, précise l’Autorité, permet aux États membres de définir des réglementations relatives à la publicité des professions libérales, dès lors que celles-ci ne comportent pas d’interdiction générale et absolue. » Refonder les dispositions réglementaires relatives à la publicité permettra, selon l’Autorité, « d’assurer la pleine efficacité des principes déontologiques qui s’imposent aux chirurgiens-dentistes, dont notamment l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce, l’indépendance, la dignité et la confraternité ».
L’Ordre est intervenu conformément à ses missions de service public
L’Autorité de la concurrence avait été saisie, en mars 2017, d’une plainte déposée par la société Groupon. Cette dernière proposait des offres à prix réduits d’éclaircissement et de poses d’implants dentaires effectués par des chirurgiens-dentistes. L’Ordre des chirurgiens-dentistes (ONCD) avait porté plainte à plusieurs reprises pour violation du Code de la santé publique. L’institution avait également engagé des procédures disciplinaires à l’encontre des chirurgiens-dentistes travaillant pour Groupon. Les plaintes sont restées sans suite, mais des sanctions ont été prises à l’encontre des praticiens. La société Groupon estime que ces mesures étaient constitutives d’une pratique de boycott et dénonce « une campagne de communication et une stratégie de harcèlement » accompagnées d’une communication publique visant à la dénigrer. Ainsi, selon la société, l’Ordre a-t-il réduit la concurrence sur le marché de la promotion sur internet des soins dentaires et dissuadé les professionnels de santé de recourir à ses services par crainte des sanctions disciplinaires. L’Autorité considère que les interventions de l’ONCD « relèvent de l’accomplissement des missions de service public qui lui sont dévolues par la loi, en particulier, le devoir de veiller au respect de la déontologie, la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession » et que, par conséquent, les pratiques reprochées à l’Ordre « ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité – mais de la juridiction administrative – et la saisine est donc déclarée irrecevable ».
C’est à l’occasion du traitement de cette affaire que l’Autorité de la concurrence a remarqué l’inadéquation du droit français au droit européen en matière de publicité des professions de santé. Comme l’avait fait le Conseil d’État en juin dernier (lire Id du 4 juillet 2018), elle invite les autorités à modifier, « à brève échéance », ces dispositions réglementaires. Auditionné, le ministère de la Santé a indiqué que de nouvelles dispositions devraient être adoptées dans un délai de 6 à 12 mois, tenant compte des propositions émises par le Conseil d’État, c’est-à-dire supprimer l’interdiction générale de la publicité directe ou indirecte tout en posant un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel.
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