L’accès partiel aux professions de santé est entériné

  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire
Information dentaire
Malgré les contestations du monde de la santé, l’Assemblée nationale a ratifié définitivement l’ordonnance ouvrant l’accès partiel aux professions de santé. Mais pas de panique, le déferlement de denturologues ou d’hygiénistes dentaires sur notre sol n’est pas pour demain…

L’ordonnance transposant en droit français la directive européenne sur la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, publiée au Journal officiel du 20 janvier 2017, a été définitivement ratifiée par le Parlement le 16 février dernier, lui donnant force de loi. Cette ordonnance s’accompagne de trois textes d’application parus également au Journal officiel (décret 2017-1520 du 2 novembre 2017, arrêté du 4 décembre 2017, arrêté du 8 décembre 2017). Ils ouvrent la voie à l’accès partiel aux professions médicales ou paramédicales comme les techniciens de laboratoire médical, les pédicures-podologues, les orthophonistes, les opticiens, les aides-soignants, les ambulanciers ou encore… les assistants dentaires. Ces textes permettent à un professionnel d’un pays de l’Union européenne d’exercer dans un autre pays une partie seulement des actes relevant d’une profession de ce pays. Il en va ainsi, par exemple, des denturologues ou des hygiénistes dentaires. Mais leur déferlement dans notre pays n’est pas pour demain. D’abord parce qu’il faudra purger les recours formés en Conseil d’État par les professions de santé (lire plus bas), ce qui pendra de longs mois, et parce que les textes eux-mêmes comptent des garde-fous.
 

Vigilance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes

Ainsi, le décret publié le 3 novembre précise qu’« en cas de demande d’accès partiel à fin d’établissement, l’autorité compétente (l’État, le ministère, Ndlr) se prononce sur l’autorisation sollicitée après avis de la commission de la profession de santé concernée, ainsi que, pour les professions dotées d’un Ordre, après avis de cet Ordre ».
Les compositions des commissions en question seront l’objet de prochains arrêtés. Les commissions devront en particulier « examiner les connaissances, aptitudes et compétences acquises au cours de la formation initiale, de l’expérience professionnelle et de la formation tout au long de la vie ayant fait l’objet d’une validation par un organisme compétent, de l’intéressé ». Elles devront également analyser les conséquences d’une éventuelle autorisation d’exercer sur la qualité et la sécurité des soins. L’Ordre des chirurgiens-dentistes devra donc être vigilant. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a affirmé qu’elle serait « particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé. Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à l‘accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge. Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires et articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers ».
 

Recours du CNPS

Ces garde-fous seront-ils suffisants ? Les professionnels de santé en doutent. C’est pour cela qu’en plus de deux syndicats dentaires (CNSD et UD), du conseil de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, mais aussi de syndicats de médecins, de pharmaciens ou biologistes, le Centre national des professions de santé (CNPS), qui regroupe 32 syndicats professionnels, a déposé à son tour, devant le Conseil d’État, un recours en annulation des trois textes d’application de l’ordonnance. Après avoir passé au crible la directive européenne, le CNPS estime, le 9 février, que dès lors que la formation de plusieurs professions a fait l’objet d’une coordination entre les États membres, et que les diplômes sanctionnant ces formations font l’objet d’une reconnaissance automatique entre États (chirurgiens-dentistes, infirmiers, médecins, pharmaciens, sages-femmes, vétérinaires), « il n’y a pas, pour les professions correspondantes, de possibilité d’accès partiel ». En résumé, la reconnaissance automatique exclut l’accès partiel.
 
L’intersyndicale relève également que la directive rejette elle-même l’accès partiel aux professions de santé. En effet, un considérant (note explicative liée au texte de la directive) stipule qu’« en cas de raisons impérieuses d’intérêt général (…), un État membre devrait être en mesure de refuser l’accès partiel. Cela peut être le cas, en particulier, pour les professions de santé, si elles ont des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients. L’octroi d’un accès partiel devrait être sans préjudice du droit des partenaires sociaux à s’organiser ».
 
Le CNPS engage la bataille juridique, car il voit dans l’accès partiel « une machine à démanteler par bloc les métiers et compétences des professions réglementées de santé pour instaurer des « sous-professions » et ainsi favoriser l’émergence d’une offre de soins low cost, sous-qualifiée et non garantie. L’accès partiel pourrait creuser les inégalités en instaurant un système de santé à deux vitesses », soulevant la question de la perte de chance pour les patients qui n’auraient pas été pris en charge par des professionnels de santé de plein exercice.

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