Malgré les contestations du monde de la santé depuis de longs mois, le décret relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé est finalement paru le 3 novembre dernier au Journal officiel. Il ne concerne pas les professions médicales (dont les diplômes bénéficient d’une reconnaissance automatique entre pays membres de l’Union), mais plusieurs professions paramédicales comme les techniciens de laboratoire médical, les pédicures-podologues, les orthophonistes, les opticiens, les aides-soignants, les ambulanciers ou encore… les assistants dentaires. Ce décret transpose dans notre droit la directive 2013/55/UE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne. Il permet à un professionnel d’un pays de l’Union d’exercer dans un autre pays une partie seulement des actes relevant d’une profession de ce pays.
Le texte, selon le compte rendu du Conseil des ministres du 2 novembre « s’attache en particulier à préciser les modalités d’examen des demandes d’accès partiel, afin de sécuriser la délivrance des autorisations susceptibles d’être prises ». C’était une promesse de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en juillet, elle avait affirmé qu’elle serait « particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé. Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à l’accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge. Ce risque ne peut en effet être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires et articulées entre elles et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes comme des usagers ».
Des garde-fous suffisants ?
De fait, le décret publié le 3 novembre précise qu’« en cas de demande d’accès partiel à fin d’établissement, l’autorité compétente (l’état, le ministère, Ndlr) se prononce sur l’autorisation sollicitée après avis de la commission de la profession de santé concernée, ainsi que, pour les professions dotées d’un Ordre, après avis de cet Ordre ». Les compositions des commissions en question seront l’objet de prochains arrêtés. Les commissions devront en particulier « examiner les connaissances, aptitudes et compétences acquises au cours de la formation initiale, de l’expérience professionnelle et de la formation tout au long de la vie ayant fait l’objet d’une validation par un organisme compétent, de l’intéressé ». Elles devront également analyser les conséquences d’une éventuelle autorisation d’exercer sur la qualité et la sécurité des soins.
Ces garde-fous seront-ils suffisants ? Les représentants de ces professionnels en doutent. Déjà, en janvier 2017, alors qu’une ordonnance (Journal officiel du 20 janvier) présentait cette transposition rappelant la nécessité d’un encadrement réglementaire strict, le CNPS, intersyndicale des professions de santé, redoutait « que la confusion s’installe et que les patients n’aient pas, ou difficilement, la possibilité de discerner s’ils s’adressent à des professionnels de plein exercice ou à des professionnels partiels ». Le risque : « Ubériser les professionnels de santé en faisant naître une offre sous-qualifiée, non garantie et low cost » qui conduira « à une dégradation inévitable de la qualité des soins comme est venue le rappeler récemment l’affaire Dentexia ».
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