Hygiène bucco-dentaire quotidienne et applications smartphone

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  • Publié le . Paru dans L'Information Dentaire (page 4-5)
Information dentaire
• Carrouel F, Bourgeois D, Clément C, Tardivo D, Martinon P, Guiral S, Lan R, Viennot S, Dussart C, Fraticelli L. Oral-Hygiene-Related Mobile Apps in the French App Stores. Int J Environ Res Public Health 2022,19,7293. https:// doi.org/10.3390/ijerph19127293

Parmi l’ensemble des recommandations du quotidien, les conseils relatifs au brossage des dents sont incontestablement le premier et le meilleur moyen de prévention de l’immense majorité des problèmes bucco-dentaires. C’est aussi le constat que font les auteurs de l’étude rapportée qui se sont intéressés au rôle des applications pour mobiles destinées à encourager et à guider les patients dans leur brossage dentaire quotidien. Neuf applications* ad hoc pour smartphone et tablette disponibles en France sur Apple-store et Google play store ont ainsi été évaluées par 10 professionnels de santé cliniciens à l’aide d’une échelle d’évaluation spécifiquement établie pour les applications mobiles (ie MARS).

Elle comporte 23 items répartis en 5 sections. La première section explore la notion d’engagement, c’est-à-dire le caractère, attractif, amusant, interactif ou personnalisable de l’application. La section des critères fonctionnels s’intéresse à sa facilité d’utilisation, son mode de fonctionnement et d’interactions avec l’utilisateur. Les aspects esthétiques constituent la 3e section et la qualité des informations disponibles la 4e. La 5e section intègre les aspects subjectifs de l’intérêt des utilisateurs pour l’application évaluée et, enfin, une section supplémentaire prend en compte le point de vue des professionnels de santé sur la capacité de l’appli évaluée à modifier positivement l’attitude des usagers. Parmi les applications retenues, 7 sur 9 ciblent la qualité de la technique de brossage, 5 les patients de plus de 13 ans et 2 les enfants de moins de 12 ans.

L’application Santé-orale SOHDEV cible particulièrement les enfants autistes ou atteints de troubles du comportement de même ordre. Globalement, toutes les applications évaluées ont reçu de bons scores dans les 5 sessions de l’échelle d’évaluation. Notons cependant que 5 applications sur 9 requièrent l’achat d’une brosse à dents électrique dont elles sont un support additionnel pour smartphone. Les auteurs indiquent par ailleurs que les deux applications destinées aux enfants sont de type « chronomètre de la durée du brossage recommandé » et n’intègrent pas d’aspect sur la technique de brossage à appliquer. La discussion nous apprend aussi que les usagers et les professionnels de santé ont généralement des attentes bien différentes vis-à-vis de ces applications qui aboutissent alors à des niveaux d’appréciations différents.

Les derniers s’intéressent plus particulièrement au contenu des applications, tandis que les usagers préfèrent les aspects de design, d’attractivité ou encore l’aspect ludique de ces applis. Si les chirurgiens-dentistes impliqués dans l’étude évaluent positivement toutes les applications sur la majorité des critères, ils expriment clairement, en conclusion de leur article, leurs réserves sur la capacité réelle de ces différentes applications à modifier favorablement et durablement le comportement de leurs usagers en faveur d’un brossage des dents plus efficace.

 

Questions à… Florence Carrouel Céline Clément

Vous avez toutes les deux participé à l’étude rapportée dans cette revue de presse qui vise à définir précisément la qualité des applications mobiles liées à l’hygiène orale. Selon vous, comment peuvent-elles jouer un rôle efficace en termes de qualité d’enseignement au brossage ou de coaching dans l’application quotidienne de l’hygiène buccale ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ?

Cette étude a eu pour but d’évaluer qualitativement les applications mobiles en lien avec l’hygiène orale disponibles dans l’Apple store et le Google Play store et non pas d’analyser leur impact. Nos résultats indiquent que les professionnels de la santé orale évaluent positivement la qualité des applications mobiles liées à l’hygiène bucco-­dentaire mais sont moins affirmatifs quant à leur impact sur les connaissances, les attitudes et les intentions de changement de l’utilisateur, ainsi que sur la probabilité d’un changement réel du comportement d’hygiène bucco-dentaire.
Les médias sociaux, et plus particulièrement les applications mobiles, font maintenant partie de notre vie quotidienne. Ils ont et vont avoir un rôle de plus en plus important à jouer dans l’hygiène orale quotidienne. Ces applications sont de véritables “coach” car elles indiquent au patient les zones, le temps de brossage… De plus, les concepteurs utilisent divers procédés (notifications, gamification…) qui vont favoriser la “fidélisation”, l’utilisation quotidienne de ces applications mobiles et par conséquent le brossage biquotidien recommandé actuellement.

Le principal avantage de ces applications mobiles est de représenter de véritables outils d’éducation thérapeutique. Elles font partie du quotidien des usagers, ce que ne peut pas faire le chirurgien-dentiste. Le principal inconvénient de ces applications, bien qu’elles aident à respecter certaines règles d’hygiène orale, et qu’elles ne remplacent pas les conseils techniques que peuvent apporter les praticiens.

Quel rôle reste-t-il au chirurgien-dentiste dans cet enseignement aux patients en fonction de leur tranche d’âge ou de leur niveau de risque particulier à certaines pathologies bucco-dentaires ?

Le praticien doit mettre en balance les facteurs de risque et les facteurs protecteurs en santé orale afin d’évaluer le risque de chaque individu. Si les facteurs de risque changent en fonction de l’âge, de la vie des personnes, les facteurs protecteurs doivent être adaptés en conséquence. Le praticien dans son approche à la fois globale et centrée sur la personne est le plus apte à donner les conseils personnalisés à ses patients, à expliquer ce qui doit être mis en œuvre pour conserver la meilleure santé orale possible, la préserver. Il joue un rôle essentiel aussi dans le choix des applications mobiles qui vont accompagner le patient au quotidien et prendre le relais dans la vie de tous les jours.

Du point de vue des politiques de santé publique, quelles autres solutions recommanderiez-vous en faveur d’une meilleure observance ou efficacité de l’hygiène dentaire quotidienne dans la population française ?

  • Nous croyons qu’il faut travailler sur plusieurs axes :
    améliorer la motivation et les compétences des individus à accéder, comprendre, évaluer et utiliser l’information reçue en vue de prendre des décisions concernant leur santé ;
  • mais avant tout améliorer le niveau de connaissance des praticiens, futurs professionnels de santé dans cette approche globale, c’est-à-dire les chirurgiens-­dentistes mais aussi les infirmières, les sages-femmes, les pharmaciens, les médecins, les masseurs-kinésithérapeutes, les assistantes dentaires, les aides-soignants, et puis les éducateurs spécialisés, les travailleurs sociaux, sans oublier les enseignants du primaire et du secondaire !

Il est nécessaire que les messages et les actions préventives soient concertés, compréhensibles par tous et que tous se sentent concernés, impliqués dans la préservation de la santé orale : celle-ci partage en effet des facteurs de risque communs avec d’autres maladies non transmissibles comme les maladies cardiovasculaires, les cancers, les maladies respiratoires chroniques, le diabète et les troubles mentaux. Les politiques publiques doivent investir dans des actions de promotion de la santé efficientes (parce qu’évaluées). Il faut « intégrer des stratégies de santé bucco-dentaire adaptées à l’âge, incluant des soins bucco-dentaires essentiels, dans les programmes de santé prévus à chaque étape de la vie ». Cela passe donc par « les programmes de santé prénatals, du nourrisson, de l’enfant, de l’adolescent, des adultes actifs et des personnes âgées ». C’est aussi l’OMS qui l’énonce dans son projet de stratégie mondiale sur la santé bucco-dentaire publié le 27 avril 2022*.

* https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA75/A75_10Add1-fr.pdf

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